Au moment du premier confinement, il y a un an, un de mes amis d’enfance, chirurgien orthopédiste au sommet de son art et de sa carrière, est allé suivre une formation d’aide-soignant en réanimation. Catholique, il avait pleinement compris le geste du lavement des pieds : il l’avait compris jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au chapitre 17 de l’évangile de saint Jean, la grande prière pour l’unité, en se faisant, lui le patron, le plus petit des équipiers d’un de ses confrères.
Lorsqu’un évêque prend sa retraite, il arrive qu’il parte dans un autre diocèse pour devenir vicaire d’une petite paroisse, et là, il est vraiment prêtre s’il obéit au curé, au prêtre nommé par l’évêque local pour assurer la charge de la communauté, être responsable de l’équipe
Dimanche dernier, dans le récit de la Passion selon saint Marc, nous avons entendu le cri de Jésus : « Éloï, Éloï, lema sabactani ? Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? », qui est la première phrase du Psaume 21. Benoît XVI, comme tant d’autres commentateurs avant lui, avait rappelé dans une catéchèse sur la prière du 8 février 2012 que « Jésus à ce moment-là faisait sien tout le psaume ». Jusqu’au bout ! y compris la certitude du Salut : « A vous, toujours, la vie et la joie ! On annoncera le Seigneur aux générations à venir. On proclamera sa justice au peuple qui va naître : Voilà son œuvre ! » (Ps 21, 27. 32)
Jusqu’au bout : de la même façon que la prière d’abandon de Jésus entre les mains de son Père va jusqu’au bout du Salut, de la même façon le geste du lavement des pieds du chapitre 13 va jusqu’au bout du Discours d’Adieu, jusqu’au chapitre 17, jusqu’au commandement de l’unité. La charité va jusqu’à l’unité
Lorsqu’un prêtre de paroisse refuse d’obéir à son curé dans l’application de mesures demandées par l’évêque, par exemple à Paris de suspendre temporairement la communion dans la bouche pour des raisons sanitaires, ou, à l’opposé, quand un prêtre bénit un couple qui ne peut pas se marier, ils pensent accomplir le chapitre 13 en faisant preuve de charité pour les fidèles qui lui demandent, alors qu’ils contredisent le chapitre 17 en fautant contre l’unité.
J’ai suffisamment de fois désobéi dans ma vie pour savoir que l’équilibre est fragile entre la charité et l’unité. A de très rares exceptions, chaque fois que j’ai désobéi, je me suis trompé. Les deux exemples cités, récents, sont typiques de tentations où on se trompe en cherchant à plaire, davantage qu’à servir. Le Fils de l’homme est venu pour servir, pas pour faire plaisir.
Il faut lire le psaume 21, Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? jusqu’au bout : A vous, toujours, la vie et la joie ! comme il faut lire le chapitre 13 de saint Jean jusqu’au bout de la prière de Jésus : qu’ils soient un comme nous sommes un.
Le nom que l’Eglise a donné à la messe, en reprenant les mots de saint Augustin : sacrement de l’unité, s’applique à la prêtrise et c’est pourquoi nous célébrons les deux ensemble au Jeudi saint, pour demander au Seigneur que grandisse dans le cœur des prêtres comme des fidèles le sens de la charité et de l’unité dans le service de Dieu et de nos frères.
Tous les sacrements sont des sacrements de l’unité, au service de la charité
Voilà ce que nous célébrons en ce Jeudi saint, l’unité de tous les baptisés, unis dans l’Esprit par le lien de la paix (Eph 4, 3), unité renouvelée par l’Eucharistie présidée par ceux qui y ont été appelés par Jésus-Christ, venu rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés.
Il n’y a pas de plus grand amour que de contribuer à l’unité. La vraie charité nous unit à Dieu et à nos frères. Ce n’est pas ‘Ibi Caritas’ mais ‘Unie Caritas’. Unis par l’amour de Dieu.
Unie Caritas, Deus ibi est : quand nous sommes unis par la Charité, Dieu est présent.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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