Quelle joie de vous voir ce soir en famille, de voir tant de familles ce soir rassemblées : Noël est une fête de famille ! de toutes les familles ! Je pense à ceux qui sont seuls, séparés ou éloignés de leur famille … C’est nous ce soir votre famille : vous êtes pour nous, pour moi, je vous le dis au nom du Christ, « un frère, une sœur, une mère » (Mc 3, 35 ; Mt 12, 49).
Noël est vraiment une fête de famille car, à la naissance de l’enfant, le couple voulu par Dieu de l’homme et de la femme devient une famille : « L’homme s’unit à Ève, sa femme : elle devint enceinte, et elle mit au monde Caïn. Elle dit alors : ‘J’ai acquis un homme avec l’aide du Seigneur !’ » (Gn 4, 1). C’est moins ‘un homme avec l’aide du Seigneur’ qu’elle reçoit, que son humanité, comme la Vierge Marie a reçu Dieu dans son cœur avant de l’enfanter.
Noël est une fête de famille et tout au long des quatre dimanches de l’Avent, j’ai repris dans mes homélies que vous re-trouverez sur le site de la paroisse – l’enseignement de Jean-Paul II sur le rôle de la famille chrétienne dans le monde d’aujourd’hui, dans l’exhortation Familiaris consortio de 1981 et sa Lettre aux Familles de 1994. J’avais passé le mois d’août à les travailler parce qu’un couple de fiancés m’avait demandé : c’est quoi une famille ? Une communauté de vie et d’amour, qui apprend le respect de chaque personne, le service de la vie, pour le bon développement de la société, et la joie de l’Eglise.
Dans l’exhortation de Jean-Paul II, il y a un passage étonnant, le numéro du paragraphe est facile : 77 (comme le journal Tintin des jeunes de 7 à 77 ans), qui dresse une liste de situations particulières, de « familles qui, souvent indépendamment de leur propre volonté, se trouvent devoir affronter des situations objectivement difficiles ». Et qui ont davantage besoin d’assistance et de soutien.
Dans cette liste de quinze 15 ! catégories, on trouve de tout et presque tout, depuis les migrants, « les familles de ceux qui émigrent pour des raisons de travail », jusqu’aux familles qui n’ont pas de maison, en passant par les familles « qui sont incomplètes ou ne comportent que l’un des parents » (je pense à une enfant qui a perdu son papa), les familles où une personne souffre d’un lourd handicap, celles qui sont divisées ! celles où il y a un malade de l’alcool, celles qui ne parviennent pas à avoir facilement un contact avec leur paroisse …
Non, ce n’est pas tout le monde mais pas loin, comme une constellation d’étoiles que Dieu a demandé à Abraham de contempler : en toi seront bénies toutes les familles de la terre ! (Gn 12, 3 ; 22, 18).
Joseph et Marie étaient dans une situation particulière. Les bergers aussi. Les anges également : les anges n’ont pas de famille. Chaque ange, dit saint Thomas d’Aquin, le Docteur angélique, constitue sa propre espèce. Quand un ange connaît un autre ange il découvre l’altérité (Somme théologique, Prima Pars, Question 56). Il devient démon quand il refuse la différence. Quand est-ce qu’une personne devient un ange’ (au sens figuré : tu es un ange) ? Quand elle respecte votre singularité, l’être unique que vous êtes.
Pour Jésus, Marie et Joseph, « il n’y avait pas de place pour eux dans la salle commune » : c’était peut-être complet ; ou bien ils étaient trop différents.
Les anges sont célestes, les bergers terrestres, les premiers sont purs et les seconds cabossés, ils ont en commun d’être des gardiens, gardiens contre les démons, gardiens contre les loups, c’est ce que faisait Moïse quand Dieu est venu le chercher, il gardait un troupeau quand il a vu le feu du buisson ardent. Non plus les étoiles comme Abraham, mais le feu divin, comme un avant-goût, une promesse de la grande lumière dont parleront les bergers.
Et pour être complet, il faut évoquer la 3ème grande figure de l’Ancien Testament après Abraham et Moïse : David, le grand roi qui était au départ lui aussi un petit berger. C’est ce que les anges ont annoncé aux bergers, la naissance « dans la ville de David », du Sauveur, de celui qui y sera acclamé : Fils de David, prends pitié de nous, viens nous sauver !
Il est venu rendre la vue aux aveugles, la liberté aux opprimés, les aveugles que nous sommes, opprimés ou plus souvent détournés de l’essentiel, la joie de familles unies à la lumière de Dieu.
La nuit, cette nuit est faite pour cela, pour se retrouver en famille, en sécurité, heureux de se retrouver, de partager les moments heureux de la vie. Et cette nuit, nous nous souvenons de Celui qui nous a créés, le Seigneur, qui nous a aimés le premier, et de tous ceux à qui Il nous a confiés, qui nous ont choyés, nourris, élevés, pendant des années. Tant de choses se sont passées, mais pour chacun pour nous tous ce soir, c’est un retour aux sources, à la vraie lumière : « l’amour de Dieu répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5).
Cet amour en nos cœurs, signe de la présence de Dieu, dit notre vocation à aimer à notre tour, à nous ouvrir aux autres, aux petits, aux plus fragiles, à ceux qui ont le plus besoin d’attention, que ce soit un nouveau-né, ou un proche, douloureux, à l’écart, sans famille, isolé. On dit parfois de la joie chrétienne qu’elle n’est ‘pas drôle’ ; peut-être, mais elle est délicate, prévenante, attentionnée, comme l’amour de Dieu pour chacun de nous.
Cette nuit, Dieu se fait petit enfant pour que nous apprenions à aimer comme il nous aime, de cet amour plein de douceur, tout en délicatesse, délice d’attentions et de tendresse.
La joie chrétienne, elle n’est ‘pas drôle’, elle est délicate, prévenante, attentionnée. Elle est patiente. Elle sait que Dieu vient toujours pour ceux qui l’auront espéré.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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