‘Dieu n’est rien’. La phrase avait choqué une de nos Catéchistes, que lui avait assénée la fille d’une de ses amies, étudiante, qui le concluait de ses études : ‘Dieu n’est rien’. Ma Catéchiste en avait été meurtrie : quand on aime Dieu, pour nous qui aimons Dieu, il est pénible que les personnes que nous aimons le rejettent : nous nous retrouvons écartelés, dans la situation d’une personne dont la famille ou les amis rejetteraient la personne qu’elle aime. J’ai célébréles obsèques d’une femme qui, à vingt ans à la fin des années 60, avait épousé un Tunisien :ses parents soi-disant catholiques avaient refusé de le voir. Quelle intolérance. Cette femmen’avait pas revu sa mère pendant quinze ans. Quelle tristesse. Comment ça a fini ? Bien.
‘Dieu n’est rien’ : cette phrase trottait dans la tête de ma Catéchiste. Elle se demandait quoi dire, elle pensait lui répondre que ‘non, Dieu est tout’, et voilà que, venant à la messe il y a deux dimanches, elle m’entend dire dans l’homélie que ‘Dieu n’est pas un grand tout’ ! Elle était un peu perdue. Non, Dieu n’est pas un grand tout dans lequel nous irions nous perdre comme autant de petites flammes dans un grand feu : Dieu est Trinité, Dieu est amour : amourdes personnes divines entre elles et avec nous. Relations essentielles. Celui qui aime Dieu dit :il est tout pour moi. Et celui qui ne le connaît pas : il n’est rien pour moi.
Comment se faire proche des personnes qui se font loin de Dieu ?
Beaucoup d’entre vous ont de la famille, des amis avec qui les relations sont compliquées parle fait que nous cherchons Dieu et pas eux, et avec eux nous ne pouvons pas parler de ce qui nous tient le plus à cœur. Que dire à nos proches qui rejettent
Convertissez-vous et croyez à l’évangile.
Dieu est amour. S’ils rejettent Dieu, Lui ne les rejette pas et c’est pour cela que nous pouvons continuer à les voir sans le trahir Lui, en étant au contraire ses envoyés pour leur témoigner de son amour. A la différence d’autres relations, nous n’avons pas à choisir entre eux et Lui, entre Lui et eux : ils sont autant ses enfants, potentiellement.
Voilà ce que je voudrais que nous approfondissions en cette fête de la Sainte Trinité : son amour pour tout être humain et son appel à la conversion, la dynamique de notre vie. Pour ressusciter avec le Christ pour la vie éternelle, il faudra avoir été plongé dans la mort et la résurrection du Christ, et l’avoir vécu par une conversion de tous les jours qui ne s’arrêtera que lorsque nous le verrons de nos yeux.
J’ai parfois une réticence à bénir au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, les personnes d’une autre confession religieuse ou que je sais incroyantes, et j’ai tort. La Sainte Trinité est le Dieu de tout être humain, y compris de ceux qui l’ignorent : le désir de Dieu est inscrit dans le cœur de l’homme (CEC n. 27).
Il se manifeste d’abord comme un désir de protection de la part du Père, notre Père, pour évoluer ensuite en désir de justice : la justice veut que la même sécurité soit accordée à tous, partagée et assurée à chacun. La paix est le bien de tous.
Ce désir de sécurité se heurte à un autre désir aussi intense que le premier, désir de liberté, pleinement incarnée dans le Christ, celui qui peut dire : « Tout ce que possède le Père est à moi », et dont les opposants reconnaissaient qu’il ne se laissait « influencer par personne »(Mt 22, 16). Liberté souveraine de l’homme parfait.
Cela nous conduit au 3ème désir fondamental, désir de vérité, le signe de la vie dans l’Esprit, ainsi que le reconnaissaient ces opposants à Jésus : « Maître, lui disaient-ils, tu es toujours vrai et tu enseignes le chemin de Dieu en vérité ; tu ne te laisses influencer par personne, car ce n’est pas selon l’apparence que tu considères les gens » (Mt 22, 16). Ce désir de vérité est celui de la maturité, qui donne la priorité à la vie intérieure sur les plaisirs éphémères ou les relations superficielles.
Voyez comme ces trois désirs peuvent buter l’un contre l’autre, être difficiles à concilier. Ne nous étonnons pas de notre désarroi devant le mystère inépuisable que constitue dans la Sainte Trinité l’harmonie de nos désirs les plus profonds.
Ne nous étonnons pas non plus du nihilisme religieux de nos contemporains. Ses motifs sont variés depuis la révolte contre le mal dans le monde, l’inculture religieuse, les soucis du monde et des richesses (cf. Mt 13, 22), le mauvais exemple des croyants, les courants de pensée hostiles à la religion, jusqu’au réflexe de peur de l’homme pécheur qui se cache devant Dieu (Gn 3, 10. CEC n. 29 et GS 19).
Le Seigneur a fait la promesse de ne jamais nous laisser dans la crainte ou la terreur (Jr 23, 4), de nous donner chaque fois qu’il le faudra ‘des pasteurs selon son cœur’ (Jr 3, 15), qui nous ramènent à l’essentiel, aux trois mystères de la foi : l’Incarnation : Dieu s’est fait homme. La Trinité : Dieu est Amour. La Grâce : Dieu veut que tous les hommes soient sauvés.
Ces trois mystères sont dans la même unité que les trois personnes de la Trinité et que les désirs de notre cœur, de justice, de liberté, et de vérité. Nous ne pouvons pas traiter de l’un sans lui associer les deux autres. Nous ne pouvons pas parler de la Trinité sans lui associerl’Incarnation qui l’a révélée et la Grâce qui en est le signe. Nous ne pouvons pas parler de la Justice et de la Paix sans lui associer la Liberté et la Vérité.
La Trinité Sainte est inhérente à tout homme et à tous les hommes. Son adoration fait notre joie qui répond aux désirs les plus profonds de notre cœur, un même désir de justice, de liberté et de vérité.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
Vous avez la possibilité de recevoir les homélies du Père Lancrey-Javal en remplissant ce formulaire