Au pied de la croix se tenait Marie sa Mère, et deux autres femmes également nommées Marie, la femme de Cléophas et Marie Madeleine, trois femmes, et près d’elles le disciple que Jésus aimait, en qui la Tradition a reconnu l’évangéliste lui-même, Jean, frère de Jacques, fils de Zébédée. Pierre, Jacques et Jean sont les trois disciples que Jésus emmène avec lui à certains moments particuliers, à la Transfiguration, et à son agonie.
Jean a vécu un martyre au pied de la Croix : devant le supplice de Jésus, lui le disciple qui aimait Jésus a eu le cœur transpercé. Il a connu une souffrance qu’il ne s’agit pas de comparer à celle de son Maître, ni à celle de la mère de Jésus, mais qui touche au plus profond de l’être.
Jean n’en est pas mort : il est mort bien plus tard ‘rassasié de jours’ à Ephèse où la Vierge Marie habitait avec lui. Vers 180, saint Irénée de Lyon écrit : « Ensuite Jean, le disciple du Seigneur, qui a reposé sur sa poitrine, publia lui aussi l’Évangile, tandis qu’il habitait à Éphèse en Asie » (Adv. Haer. III, 1, 1). Saint Clément d’Alexandrie précise que Jean fut exilé dans l’île de Patmos en 94, à la suite de persécutions contre les chrétiens. Il y aurait écrit l’Apocalypse, avant de revenir à Ephèse. L’Apocalypse est une île.
Le disciple que Jésus aimait n’est pas mort martyr mais rassasié de jours. Ou rassasié de messes, car comment aurait-il pu se rassasier de jours après assisté à l’horreur du supplice, vécu la trahison d’un frère, assisté à la lâcheté de tous ?
Jean s’est endormi dans la mort ayant bu au pied de la Croix à la coupe du Martyre
‘Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ?’ avait demandé Jésus à Jacques et Jean qui voulaient siéger à sa droite et à sa gauche dans la Gloire. Oui ? ‘Ma coupe, vous la boirez ; quant à siéger à ma droite et à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder’. Le pape Saint Grégoire le Grand avait expliqué : « Il y a deux genres de martyre : l’un en secret, l’autre en public. Même si la persécution ne se présente pas extérieurement, le mérite du martyre existe en secret quand l’âme est prête à souffrir et brûle d’un courage ardent. Il peut y avoir en effet un martyre sans souffrance externe »
Et d’insister : « Il y a un martyre sans passion externe, puisque Jean est dit boire la coupe du Seigneur et qu’il n’est pas mort de la persécution » (Dialogues III, 26, 8-9 – SC 260).
Un proverbe dit que les grandes douleurs sont muettes. Inexprimables. Et inaudibles. Elles sont aussi invisibles. Entre ce que nous voyons et entendons, pour Jésus, pour sa Mère, pour le disciple que Jésus aimait, et pour chacun de nous qui sommes venus écouter et regarder du fond du cœur. Dimanche, après la lecture de la Passion, une petite fille est venue me voir à la sortie de la messe, amenée par sa mère désemparée tant la souffrance de son enfant était immense. Elle ne pleurait pas mais ne pouvait rien dire, souffrance muette et invisible.
Le sang et l’eau sortis du côté de Jésus sont sa parole et nos larmes.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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