‘Que Dieu lui-même achève en vous ce qu’il a commencé’. Cette phrase de l’ordination des prêtres s’adresse à tous les baptisés : Que Dieu achève en nous ce qu’il a commencé au jour de notre baptême.
Le cardinal Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, a souligné le 17 février dernier, à l’ouverture du Symposium qui se tenait à Rome sur les prêtres dans l’Eglise catholique, le déséquilibre qui est à la racine du ‘cléricalisme’, à savoir la surestimation de la prêtrise, du sacerdoce ministériel au détriment du sacerdoce baptismal, alors que le sacerdoce du Christ est donné à partager à tous les baptisés.
Que Dieu achève en nous ce qu’il a commencé. Cette phrase peut éclairer ces trois paraboles de l’évangile sur ce que nous commençons et que nous ne terminons pas toujours : sur le discernement à faire dans nos vies entre ce qui doit être arrêté, ce qui doit être mené jusqu’au bout, et ce qui n’a pas de fin.
La première parabole des deux aveugles dit l’importance de trouver un guide qui ne nous perde pas en route.
Les disciples ont pu le craindre lorsque Jésus a été crucifié : n’avaient-ils pas perdu celui en qui ils avaient remis leur vie ? Ils n’ont pas fait comme le peuple lassé d’attendre que Moïse redescende de la montagne et qui a demandé à Aaron : « Fais-nous des dieux qui marchent devant nous. Car ce Moïse, nous ne savons pas ce qui lui est arrivé » (Ex 32, 1). Avec les boucles d’oreille, en or, prises aux Egyptiens, Aaron a fait un veau en métal fondu, bâti un autel : Aaron qui est le père du sacerdoce en a montré la faiblesse dans la tentation de l’idolâtrie.
Seigneur, tu nous as unis à toi au jour de notre baptême. Donne-nous de te rester fidèles, et de nous garder des mauvais pasteurs qui donnent au peuple ce que le peuple leur demande, et non ce que Dieu nous commande.
Dans la parabole de la paille et la poutre, ne pas aller jusqu’au bout signifie se tromper sur les défauts de nos frères. Ils nous renvoient à nous-mêmes ! Ce qui nous énerve le plus chez les autres, ce sont les travers dont nous n’arrivons pas à nous débarrasser nous-mêmes. Si vous voulez connaître le vice caché d’une personne, demandez-lui ce qu’elle ne supporte pas chez les autres. Et la poutre dit à quel point c’est pesant : ‘Tu ne vois pas que tu es lourd – quand tu critiques tes propres défauts ?’
Seigneur, aide-nous à cesser de reprocher aux autres nos propres défauts ; donne-nous de voir dans les fautes de nos frères le chemin de notre propre purification.
Dans la troisième parabole, porter de bons fruits signifie aller jusqu’au bout de nos capacités d’amour en laissant le Christ agir en nous. C’est le Christ qui vit en nous : la charité est le fruit de sa grâce : à tous ceux qui souffrent d’un profond sentiment d’inutilité, il faut dire que l’arbre ne donne jamais autant de fruit que lorsqu’il porte le corps du Crucifié.
Seigneur, viens au secours de nos doutes. « C’est par la persévérance que vous sauverez votre vie » (Lc 21, 19), car « nous ne sommes pas, nous, de ceux qui abandonnent et vont à leur perte, mais de ceux qui ont la foi et sauvent leur âme » (He 10, 39).
Un deuxième trait commun à ces trois paraboles est de s’appliquer autant à la vie sociale qu’au domaine religieux. Je vous laisse le soin de voir vous-mêmes comment elles peuvent vous aider à faire le tri entre les candidats à l’élection présidentielle. Entre les guides aveugles qui veulent gouverner la Nation sans vouloir maîtriser le budget de l’Etat. Entre ceux qui passent leur temps à critiquer les autres camps. Entre ceux qui cherchent le court terme plus que la fécondité.
Venons-en au troisième trait commun à ces trois paraboles qui est la part qu’elles accordent à l’invisible.
Dans les deux premières, cet invisible ne l’est que pour les ignorants. C’est le cas du trou que n’avait pas vu le guide aveugle. ‘Désolé, je n’avais pas vu’. Il fallait être aveugle pour ne pas voir que ce guide n’était pas fiable !
Dans la deuxième parabole, était évident qu’il valait mieux se taire et se corriger, plutôt que de donner des leçons. Une bonne résolution pour le Carême qui vient.
La troisième parabole donne le véritable accès à l’invisible : c’est l’écoute.
Comme le dit la sagesse du Siracide dans la 1ère lecture, « on juge l’homme en le faisant parler. De même que le fruit manifeste la qualité de l’arbre, ainsi la parole fait connaître les sentiments ». Ceux qui ont crucifié le Christ ont refusé de l’écouter.
Dans ces trois paraboles, Dieu se donne à voir : une lumière sur le chemin, Seigneur « ta parole, la lumière de mes pas, la lampe de ma route » (Ps 118, 105). Il est le Médecin plein de douceur et de miséricorde venu nous guérir de nos enfermements et nos péchés. Il est le Père plein de bonté qui nous a donné son Fils pour nous sauver, nous donner la vie, en abondance.
Que Dieu achève en nous ce qu’il a commencé. Nous ne pouvons rien sans lui. Il ne le fera pas sans nous.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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