J’ai cherché dans le Catéchisme de l’Eglise Catholique le mot politesse, l’adjectif poli, le verbe policer au sens de civiliser quelqu’un, un groupe, adoucir les mœurs, les comportements par les institutions, par la culture ; établir à cet effet des lois, des règlements pour la commodité, la paix, la tranquillité de tous. J’ai cherché le mot politesse : je ne l’ai pas trouvé. Il y a cent cinquante entrées – 150 fois le mot respect, respecter, dans le Catéchisme.
Pourquoi ? Peut-être parce que la politesse relève de pratiques extérieures, appartient à l’ordre de coutumes qui par nature ne sont pas universelles et surtout ne disent rien de l’ouverture du cœur, de la gentillesse de la personne. C’est ce que ne cessent de me répéter tant de grand-mères à propos de leurs petits-enfants : ‘ils ne vont pas à la messe mais ils sont très gentils’.
Jusqu’à ce que l’une d’elles, que j’ai enterrée cet été, passe quelques jours chez son dernier fils athée : elle avait demandé à table à l’un de ses petits-fils de ne pas garder sa casquette, et en guise de réponse le jeune homme la lui avait alors mise à l’envers sur la tête, à sa grand-mère. Ils avaient beaucoup ri, sauf elle, et le père avait dit : ‘ce ne sont pas les conventions qui comptent’.
Politesse et gentillesse sont deux sœurs jumelles, comme la foi et la charité. Politesse et gentillesse sont dans un bateau. Si l’une tombe à l’eau, l’autre aussi.
N’est-ce pas ce que vous attendez de vos prêtres ? Qu’ils aient la foi et la charité. Qu’à défaut d’être gentils, ils soient polis. J’ai vu tant de mes confrères qui ne répondaient pas, qui ne remerciaient pas, que je m’inquiète pour moi de mon comportement, de l’attitude à tenir, dulangage à adopter, des usages à respecter. Respecter les usages, n’est-ce pas respecter les personnes ?
De tous mes manques de politesse et de gentillesse, je veux demander pardon, sachant qu’une demande collective de pardon n’a de valeur que si elle est suivie d’autant de démarches personnelles, de demande de pardon à chaque personne offensée.
Revenons à l’évangile. Si vous demandez un service à quelqu’un, n’est-il pas juste, convenable, poli ou gentil de le remercier, de revenir vers lui autrement que pour lui demander un nouveau service ? Car c’est ce qui se passe le plus souvent. Vous avez comme moi autour de vous des personnes qui ne nous contactent que lorsqu’ils ont quelque chose à demander. Certes, dans notre cas, nous sommes comme les médecins que les gens ne viennent voir que lorsqu’ils souffrent. Le reste du temps, quand tout va bien, peut-être qu’ils remercient Dieu directement.
Ah si, ils viennent aussi pour les mariages et les baptêmes. A nous de leur donner envie de revenir : ce n’est pas le moment de leur faire la leçon ni de leur reprocher leurs absences. Ne soyons pas comme certaines grand-mères qui se plaignent de ne pas avoir de visites. Quand une de nos anciennes se plaint que ses enfants ne s’occupent pas d’elle, je vérifie auprès des proches. Parfois malheureusement c’est vrai, parfois c’est une impression qu’elle a : le sentiment d’être abandonnée d’autant que c’est ce qu’on vit dans son corps avec le grand âge, quand nos facultés se délitent, que notre corps nous abandonne.
Puis-je vous rappeler qu’il n’est pas très prudent de trop compter sur notre corps, qui aura vite fait de nous lâcher, de nous trahir, plus vite qu’on ne le pense. Notre vie intérieure, en revanche, ne nous décevra jamais, que nous pouvons toujours reprendre même après l’avoir délaissée : Dieu est fidèle, il est présent au fond du cœur de toute personne, et même si nous sommes infidèles, lui reste fidèle car il ne peut se renier lui-même. Magnifique promesse ! C’est la 2ème lecture de ce dimanche. Même s’il faut être attentif à la différence que fait saint Paul entre rejeter Dieu et manquer de fidélité : « Si nous le rejetons, lui aussi nous rejettera. Si nous manquons de foi, lui reste fidèle à sa parole, car il ne peut se rejeter lui-même » (2 Tim 2, 13).
Vous avez arrêté de prier ? Vous pouvez reprendre à tout moment ! Non, la prière n’est pas une activité comme les autres. Elle n’est pas un besoin du corps comme le sommeil, l’alimentation, l’exercice. Elle n’est pas un besoin de l’esprit, comme la culture, l’art ou le divertissement. Elle est le besoin de l’âme. Les sacrements répondent à ce besoin : ils sont la forme la plus haute de la prière chrétienne.
Dans l’évangile, Jésus est d’autant plus étonné par les neuf lépreux qui ne reviennent pas qu’ils n’étaient pas, comme le Samaritain, d’origine étrangère. Ce sont souvent les personnes qui habitent le plus près qui ont le plus de mal à être à l’heure. Dans la parabole du fils prodigue il était plus difficile au frère aîné qui n’était jamais parti d’entrer dans la joie de son Père que pour son frère qui revenait de loin.
Je voudrais vous lire le message d’une réfugiée ukrainienne que nous avons aidée (grâce à vous) : « Bonjour Christian. Je m’appelle Elena (le prénom a été changé). Je suis Ukrainienne.Vous connaissez mon histoire : mon fils et moi on nous a donné un logement, très bon mais complètement vide et dans un état très délabré. J’ai demandé de l’aide (aux Mamans de Paris pour l’Ukraine). Organiser tout très bien. Passer beaucoup de temps sur mon problème. Mais je sais qu’elle n’est pas la seule à s’inquiéter pour nous. Qu’il y a beaucoup plus de gens que nous devons remercier. Je tiens à vous dire un énorme merci. (…) Un immense merci ! Je ne savais pas qu’il y avait une telle misère dans le monde jusqu’à ce que cette terrible guerre éclate dans mon pays, mais je ne savais pas qu’il y avait une telle gentillesse jusqu’à ce que des étrangers commencent à m’aider en toute sincérité. Merci ».
Gentillesse et politesse sont comme la foi et la charité. A celui qui est capable de revenir rendre gloire à Dieu, Jésus dit : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé ».
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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