Message pour le Carême
« Retire-toi dans ta chambre, dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte et prie » (Mt 6, 6). Dit autrement : retrouve ta place chez toi, dans ta maison, et au plus profond de ton cœur dans la Maison de ton Père, celle à laquelle tu es appelé pour la Vie éternelle, qui sera ta récompense.
Le temps du Carême est un temps de renouveau personnel et communautaire, d’un combat renouvelé contre l’individualisme, la puissance la plus destructrice de nos vies.
Occupez-vous de vos familles ! – pourrait être le mot d’ordre de ce Carême, alors que jamais peut-être la politique familiale n’a tenu une si faible place dans la campagne pour l’élection présidentielle, et même dans l’Eglise nous passons plus de temps à parler de la Création qu’à respecter la place que le Créateur a donnée à la famille, cellule de base de la société : homme et femme il les créa.
La solidarité familiale est le point d’inflexion du combat contre l’égoïsme. Elle est au cœur de la Création comme de la Loi où le respect de la vie (5ème commandement) passe par le respect de ceux qui nous ont donné la vie, la croissance et l’être (4ème). Tel est le renouveau auquel nous sommes appelés.
Dans le triptyque du Mercredi des Cendres, les trois volets de l’aumône, la prière et le jeûne, le plus important est au centre : la prière, suivi par l’enseignement du Notre Père (Mt 6, 7-15), la prière des enfants de Dieu, la prière familiale par excellence. Priez en famille et pour vos familles.
Soyez inventifs et réalistes dans ce temps de renouveau. Priez pour la famille chrétienne et pour la famille humaine : pour l’Eglise, les croyants, pour ceux qui nous gouvernent, pour la paix entre nous.
Vous pourriez par exemple vous rendre chaque vendredi dans une église pour prier tout ou partie des stations du chemin de croix, ou reprendre la grande prière d’intercession du Vendredi saint pour ouvrir vos intentions aux dimensions du monde.
Faire l’aumône, dans la vie chrétienne, ne se limite pas à l’argent : l’aumône désigne tout acte de charité, tout don gratuit, qui n’attend rien en échange, et qui marque, dans notre monde sur-financiarisé, envahi par la valeur matérielle, une attention réconfortante et désintéressée.
Donnez à vos familles le temps d’attention dont chacun a besoin, qu’ils soient petits, anciens, malades ou éloignés : allez les visiter si vous ne vivez pas avec eux. Aidez les parents débordés : gardez leurs enfants pour que le couple puisse se retrouver. Parrains et marraines, prenez le temps d’une rencontre en tête à tête avec vos filleuls.
La prière, l’aumône et le jeûne : au nom du Père, la prière est ultimement adressée au Père -, et du Fils, que l’aumône reconnaît en chacun de nos frères – et du Saint-Esprit qui pousse le Fils de l’homme au désert, dans la solitude et le jeûne.
Le jeûne, Mercredi des Cendres et Vendredis de Carême, n’est pas une performance, pas une privation complète, mais l’expérience assumée du manque et de l’envie refusée.
Le jeûne est avec l’aumône l’autre volet de la prière. Dans le Journal d’un curé de campagne, Bernanos en fait une leçon de l’ancien à son jeune confrère : « Tu ne pries pas assez pour ce que tu souffres. La prière doit être à la mesure de nos peines ».
Le jeûne, la sensation du manque vient nettoyer la prière, pour qu’elle soit de pénitence et de conversion. Les vendredis de Carême, venez prier à l’heure du déjeuner et vous confesser. Diminuez vos sorties, refusez les dîners le vendredi, et lisez l’évangile : la Passion du Christ. Comment, à Gethsémani, devant la mort, Jésus ressentit tristesse et angoisse (Mt 26, 37) : ce n’est pas un péché.
Occupez-vous de vos familles : renouez avec le rituel sacré du dimanche du déjeuner après la messe, ou du dîner le samedi soir si vous allez à la messe anticipée. Comme entendu dans la 1ère lecture : « réunissez le peuple, tenez une assemblée sainte, rassemblez les anciens, réunissez petits enfants et nourrissons ! » (Joël 2, 16). Le dimanche est le jour de la Résurrection.
Occupez-vous de vos familles, pour l’immense majorité d’entre vous qui en avez bénéficié (80 – 20), et donnez une famille à ceux qui en ont souffert, qui y ont été maltraités. C’est le rôle de l’Eglise de donner une famille à ceux qui en ont manqué.
Vierge Marie, mère de tendresse, mère de l’Espérance, aide-nous à vivre ce Carême avec toi à l’écoute et au service de tous les membres de nos familles.
Occupez-vous de vos familles et priez pour la paix.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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