Oui à la jouissance de Dieu !
Le Carême est un chemin vers Pâques. C’est-à-dire la Résurrection ! Le but est somptueux ! Pas moins que la vision de Dieu, la jouissance de Dieu, la béatitude céleste ! Que signifie ressusciter ? Certainement pas ‘reprendre ses activités’, comme nous le disons d’une personne et même d’un animal qui était malade : il est ressuscité, il recommence à manger, il reprend ses activités … Non ! Ressusciter signifie vivre le bonheur éternel en Dieu ! Nous le verrons tout au long du Carême, au 4ème dimanche dans la guérison de l’aveugle-né à qui Jésus demande : « Est-ce que tu crois au Fils de l’homme ? – Et qui est-il, Seigneur, pour que je croie en lui ? Jésus lui dit : Tu le vois, et c’est lui qui te parle. – Je crois, Seigneur ! Et il se prosterna devant lui ». Pareil au 2ème dimanche, la Transfiguration, au 3ème dimanche avec cette femme de Samarie qui va chercher ses voisins : venez voir !
Mais n’anticipons pas.
Nous devons pour cela tenir nos sens en éveil, ces sens spirituels dont je vous parlais le 15 janvier : « le regard d’amour, l’écoute patiente, le flair pour rendre service, la douceur de l’indulgence, le goût de la fidélité ».
Le Carême est un chemin vers Pâques davantage qu’un temps de privations. Ou plutôt il n’est un temps de privations que pour autant qu’elles nous fassent avancer, et c’est pourquoi il n’est pas sûr que le mot ‘privation’ soit le plus approprié, même si, en français, il porte en lui ce caractère privé, intérieur, secret de la conscience et du cœur, ‘ta pièce la plus retirée’ dit l’évangile, qui montre que ce chemin collectif de l’Eglise, ‘synodal’ dit le Pape dans son message de cette année, est aussi une démarche personnelle à la rencontre du Seigneur.
En écoutant cet évangile, qui pourrait considérer l’absence d’applaudissements, d’approbation sociale et d’admiration des foules comme une privation (hormis les narcissiques qui les considèrent comme un dû) ? L’aumône n’est pas une privation, la prière n’est pas une privation, et le jeûne, au sens chrétien, n’est pas une ‘privation’ mais un renoncement. La misère est une privation : le jeûne est une restriction volontaire, temporaire, un renoncement, pas uniquement alimentaire, mais à tout ce qui nous empêche d’avancer, nous détourne ou nous ralentit. Dans la dispersion, l’éparpillement de nos vies et de nos activités, c’est nécessaire !
Dans renoncer, il y a ‘non’. Non, comme dans renoncer.
Lorsque nous parlons de renoncement, nous pensons à cette phrase du Livre de l’Exode qui dit que « Dieu renonça au mal qu’il avait voulu faire à son peuple » (Ex 32, 14), qui déforme notre compréhension parce qu’en réalité Dieu renonça à faire justice immédiatement. On renonce à un bien pour un bien plus grand, le bien commun. Nous le verrons en son point culminant, lors la Semaine sainte, quand le Christ renonce à sa propre volonté : lui qui était de condition divine, il n’a pas jugé bon de revendiquer ce rang, il a renoncé (Ph 2). Et il s’y est tenu : il ne s’agit pas seulement de faire des choix, mais de s’y tenir et de les assumer.
Si on vous demandait de citer un évangile où Jésus dit : ‘Non’ ?
Où il refuse ?
J’ai tapé sur internet : ‘Jésus refuse’. La première réponse renvoyait sur une Eglise Evangélique Méthodiste d’Agen – (Agen !) : « Pourquoi Jésus refuse-t-il à certains moments d’accomplir des miracles ? », comme dans les tentations au désert où Jésus refuse de donner prise à Satan. Le texte qui était commenté est le passage où des Pharisiens demandent un signe à Jésus : « Maître, nous voudrions voir un signe venant de toi » (Mt 12, 38). « Cette génération mauvaise et adultère réclame un signe, mais, en fait de signe, il ne lui sera donné que le signe du prophète Jonas ».
Le 2ème item renvoyait sur un autre pasteur, de l’Hérault, qui rappelait que Jésus lors de sacrucifixion avait refusé le mélange analgésique de vin et de myrrhe, acceptant toutes les souffrances de la Passion. “Ils lui donnèrent du vin aromatisé de myrrhe, mais il n’en prit pas” (Mc 15, 23).
A l’école de Jésus, je vous propose pour ce Carême de ré-apprendre à dire Non (ce que le petit enfant fait spontanément à deux-trois ans !), en privilégiant évidemment ce qui est mal, en soi, objectivement, toujours et partout. Le mensonge, typiquement. Que diriez-vous d’un Carême sans–mentir ? Le livre de l’Apocalypse dit de ceux qui « suivent l’Agneau partout où il va : dans leur bouche, on n’a pas trouvé de mensonge ; ils sont sans tache » (Ap 14, 5). Non au mensonge.
C’est une chose de dire non à ce qui est mal. C’est autre chose de dire non à une bonne chose, un plaisir, de renoncer à un bien pour un bien plus grand, lorsque ce premier bien par exemple n’est que pour soi, ne relève pas du bien commun. Voilà un chemin vers Pâques : renoncer à ce qui nous détourne ou nous ralentit, à ce qui nous disperse. Et dire Oui au Christ ! à son amour ! à la Résurrection ! Que ton oui soit oui et ton non soit non (Mt 5, 37).
Non comme dans renoncer. Oui à la jouissance de Dieu.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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