4ème dimanche du temps ordinaire - 31 janvier 2021

Mc 1, 21-28

 

Qu’est-il devenu ce possédé, cet homme tourmenté une fois qu’il a été délivré de son mal ? A-t-il repris sa vie d’avant, comme nous le souhaitons, revenir à la vie d’avant, avant la pandémie, et je vous pose la question : quand la pandémie s’arrêtera, quand le virus disparaîtra, est-ce que vous reprendrez votre vie d’il y a un an ? Y a-t-il des choses que vous changerez dans votre vie ? Certains n’auront pas le choix, qui ont vécu la mort d’un proche, la perte de leur travail ou de leur outil de travail, mais sinon ?
Est-ce que vous pensez que nous profiterons mieux des joies dont nous sommes privés, oubliant l’exhortation de dimanche dernier : « que ceux qui profitent de ce monde soient comme s’ils n’en profitaient pas vraiment. Car il passe, ce monde tel que nous le voyons » (1 Co 7, 31).

Peut-être le temps n’est-il pas encore venu de poser la question, alors posons-la autrement : qu’est-il devenu l’esprit impur, que Jésus a expulsé de cet homme ? Autant nous ne savons pas ce que l’homme est devenu, autant nous savons ce que l’esprit impur est devenu, parce que les deux évangiles de Matthieu et de Luc le disent de façon identique :
« Quand l’esprit impur est sorti de l’homme, il parcourt des lieux arides en cherchant où se reposer, et il ne trouve pas. Alors il se dit : “Je vais retourner dans ma maison, d’où je suis sorti.” En arrivant, il la trouve inoccupée, balayée et bien rangée. Alors il s’en va, il prend avec lui sept autres esprits, encore plus mauvais que lui ; ils y entrent et s’y installent. Ainsi, l’état de cet homme-là est pire à la fin qu’au début » (Mt 12, 43-45 ; Lc 11, 24-26).

Je me souviens de ce père que j’ai accompagné à la mort de sa fille, que je venais de baptiser, partie en trois semaines d’une tumeur au cerveau. Cet homme donné à son travail prenant conscience du si peu de temps passé avec son enfant promet de changer. Un mois après, il acceptait une promotion avec un engagement professionnel ‘pire’ sur le plan familial.

Quand on guérit d’un cancer, les médecins parlent de rémission plutôt que de guérison. Pareil pour nous qui professons notre foi en la rémission des péchés, et c’est une parole mystérieuse du Christ qu’on trouve à deux reprises dans l’évangile de saint Jean : Va et ne pèche plus.
A la femme adultère, « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus » (Jn 8, 11).
Au paralytique qui gisait près de la piscine de Bethzatha, le retrouvant dans le Temple : « Te voilà guéri. Ne pèche plus, il pourrait t’arriver quelque chose de pire » (Jn 5, 14).

Ne pèche plus ?

Le paralytique était dans cet état depuis trente-huit ans. Jésus lui demande s’il veut guérir. « Seigneur, je n’ai personne pour me plonger dans la piscine au moment où l’eau bouillonne ; et pendant que j’y vais, un autre descend avant moi ». ‘Ne pèche plus’ signifie : Ne pèche plus contre l’Espérance. Ne pèche plus par désespérance.

Ne désespérez jamais.

Mardi nous fêterons la Présentation du Seigneur et nous retrouverons le vieillard Syméon et la prophétesse Anne, ces deux Anciens que saint Luc met en scène pour incarner l’Espérance.
Ils sont pour tous les jeunes de tous les temps une invitation à ne pas s’étonner de trouver autant de personnes âgées à l’Eglise, et à prendre soin d’elles. Et pour les personnes âgées un appel à témoigner de leur foi. Saint Luc utilise deux termes pour leur Espérance : « Syméon était un homme juste et religieux qui attendait la Consolation d’Israël ». Anne « parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient la Délivrance de Jérusalem ». Vous voyez la différence ? moins entre Israël et Jérusalem qu’entre Consolation et Délivrance.

Il n’est pas très compliqué de consoler : il suffit d’être là, aux côtés de l’affligé. La délivrance coûte beaucoup plus cher. Je n’ai personne ! dit le paralytique, et un commentaire ajoutait : il y avait beaucoup de monde et il n’y avait personne. Consoler les affligés est une œuvre de miséricorde spirituelle et une promesse du Christ : Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés. C’est le premier degré d’humanité, ce que tout enfant attend de sa maman, ce que notre âme d’enfant demande à la Vierge Marie, d’être pris tendrement dans ses bras, dans son grand manteau bleu. Avec toute personne dans la peine, il faut commencer par là !

Heureux les pauvres, dit Jésus au début des Béatitudes, signe du regard du Père sur ses enfants souffrants : mon pauvre enfant.
Une des leçons du livre de Job est l’attitude de ses amis venus le consoler. C’est le rôle d’un ami. Et puis, ça dérape : comme cela se passe des siècles avant le Christ, qu’ils ne connaissent pas le Christ, ils ne savent pas vers qui se tourner, et au lieu de se tourner vers Dieu pour le supplier, que font-ils ? Ils se tournent vers Job, pour comprendre ce qui lui arrive, trouver des explications à ses souffrances. Ils se mettent face à lui au lieu de se mettre à ses côtés, comme nous l’avons appris de Jésus : il est venu se mettre à nos côtés pour nous remettre ensemble devant son Père et notre Père. Si vous voulez consoler quelqu’un, allez auprès de lui, à ses côtés.

Et pour le délivrer ? L’esprit impur revient si la maison reste inoccupée. C’est pourquoi à chaque messe, après le Notre Père, nous prions :
Délivre-nous Seigneur de tout mal, et donne la paix à notre temps ; par ta miséricorde, libère-nous du péché, rassure-nous devant les épreuves en cette vie où nous espérons le bonheur que tu promets et l’avènement de Jésus Christ, notre Sauveur.

C’est l’Espérance qui empêche le démon de s’installer. Ne désespérez jamais.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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