Dimanche de l'Epiphanie - 5 janvier 2025

Mt 2, 1-12

 

Là où les Mages ont été sages, c’est dans l’écoute et l’application du conseil reçu en songe de ne pas retourner chez Hérode et de regagner leur pays par un autre chemin.

Ils ne l’ont pas ‘ghosté’ de façon irrationnelle sur un coup de tête. Ils ont été « divinement avertis en songe » comme on peut l’être d’un danger, comme Noé fut « divinement averti en songe » du Déluge. La Lettre aux Hébreux lui rend hommage : « Grâce à la foi, Noé, accueillit cet oracle avec respect et construisit une arche pour le salut de sa famille » (He 11, 7).

Il ne suffit pas de recevoir un avertissement ou un conseil, encore faut-il le suivre ! Et le texte de la Lettre aux Hébreux va encore plus loin qui estime pour Noé que « sa foi condamnait le monde, et lui reçut en héritage la justice qui s’obtient par la foi ».
« Sa foi condamnait le monde » : l’expression est terrible si l’on y réfléchit. La foi de ceux qui font confiance en Dieu condamne les cœurs endurcis. A chaque messe, nous prions pour ceux qui ne croient pas en Dieu, pour qu’ils écoutent leur conscience et leur cœur.

Quand Hérode a envoyé les mages à Bethléem se renseigner sur l’enfant, pour aller ensuite se prosterner devant lui, est-ce qu’il pensait ce qu’il disait ? Avait-il déjà en tête la décision de l’éliminer ?
Pas plus que Judas n’avait pris la décision de livrer Jésus avant les derniers jours à Jérusalem. Nos décisions sont des aboutissements. Elles sont précédées de toute une succession de choix de vie, d’influences, d’habitudes.
D’où la nécessité de briser régulièrement des engrenages, de rompre avec des enchaînements, de repartir à frais nouveaux, en nous mettant en ce début d’année à l’école des Mages, dans ces deux domaines que sont les lieux à éviter et les personnes à ne plus voir ou moins écouter.

Dans les résolutions de cette nouvelle année, il y a clairement des personnes et des endroits à fréquenter davantage, je parle de Dieu et des églises, et des personnes et des endroits dont il faut s’éloigner, non qu’ils soient forcément mauvais en soi mais parce qu’ils ne sont pas bons pour nous.

Ce sont les deux réflexions que je voudrais vous partager.

Ce fut une bonne chose pour les Mages de s’en retourner par un autre chemin, de ne pas faire un aller-retour qui aurait eu quelque chose de régressif au regard de l’événement vécu.

On peut finir comme on a commencé lorsqu’il s’agit d’une réalité autonome ou d’un temps à délimiter : c’est suivant ce principe d’inclusion que sont construits nombre de passages de la Bible où les mots qui ouvrent une séquence sont repris à la fin pour la refermer. Mais dans notre vie ouverte sur la vie divine, il importe au contraire de ne pas refermer sur eux les dons de Dieu.
Lorsque Jésus à l’Ascension laisse ses disciples au mont des Oliviers (Ac 1, 12), où avait eu lieu son arrestation, il ne les renvoie pas en Galilée mais à Jérusalem attendre la force d’en haut, d’un nouveau départ.

C’est la difficulté des expériences spirituelles que le retour dans le monde.

Le plus difficile dans la prière en silence est le retour au quotidien, de revenir sur terre. Les deux grandes révélations que sont le don de la Loi à Moïse sur l’Horeb et la Transfiguration de Jésus sont l’une et l’autre suivies d’une saisissante déconvenue : en retournant auprès du peuple, Moïse découvre qu’ils se sont construits un veau d’or ; en retournant auprès de ses disciples après la Transfiguration, Jésus les trouve impuissants à chasser un démon et guérir un enfant (« que par la prière » Mc 9, 29).

Après cette fête sublime de Noël, ce début d’année exige de tirer les leçons du trimestre passé, de mettre en œuvre les décisions que notre conscience nous demande pour la respiration de notre cœur et le salut de notre âme.
Combien d’entre nous vivent en apnée dans une spirale d’activités sans possibilité de s’arrêter pour souffler, écouter, respirer. Il faut en stopper certaines : à la différence de la rentrée de septembre, où l’on démarre de nouvelles activités, celle de janvier est celle où l’on fait le tri, pour se dégager des liens étouffants.

Il y a des lieux auxquels nous devons renoncer comme les Mages pour Jérusalem, pour ne pas revoir Hérode : notre marge de liberté se trouve dans ces relations artificielles, ces personnes que nous considérons parfois trop vite comme des ‘amis’.
Il y a un test facile, qui vient des enseignements de sainte Thérèse d’Avila sur la prière : demandez-leur un jour, à ces ‘amis’, à un moment qui s’y prête, s’ils cherchent à conformer leur volonté à la volonté de Dieu. C’est l’expression de sainte Thérèse, une de ses définitions de la prière : ‘conformer sa volonté à celle de Dieu’.
Comment pouvons-nous avancer avec des amis qui vont en sens contraire ?

Alors que s’ouvrent pour cette nouvelle Année Sainte les Portes de la Foi des Cathédrales du monde, entrons résolument sans nous laisser retenir par l’Adversaire. C’est l’heure de faire le tri entre les personnes, les endroits, les activités qui nous rendent meilleurs, pour nous dégager de ceux qui nous tirent vers le bas, flattent nos mauvais côtés, nous enferment dans le passé.

Saint Ignace avait fait cette expérience déterminante de ses lectures et loisirs, entre les romans de chevalerie dont il sortait abruti et les écrits spirituels moins distrayants mais autrement plus nourrissants et surtout plus fructueux, qui lui ont permis de porter du fruit.

Pour porter du fruit (Mt 7, 17 ; Lc 6, 44), il faut faire le tri.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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