6ème dimanche de Pâques - 17 mai 2020

Jn 14, 15-21

 

Nous ne sommes pas égaux devant le mal et la souffrance. Nous sommes égaux devant le Bien : c’est un trait fondamental de la Révélation et de notre foi, même si nous ne vivrons cette égalité qu’en Dieu, dans l’éternité bienheureuse, quand justice sera créée, ce qui ne nous empêche pas de nous y préparer et d’y œuvrer dès à présent de toutes nos forces.

Nous sommes égaux devant le Bien et tout être humain est capable de bien faire, de bien agir, de se conformer aux commandements de Dieu, de prendre le Christ pour modèle, de se laisser inspirer par l’Esprit. C’est pourquoi le Seigneur nous a envoyés « dans le monde entier, proclamer l’Evangile à toute la création » (Mc 16, 15).

Nous sommes égaux devant le Bien mais nous ne sommes pas égaux devant la souffrance et le mal dont nul n’a la même expérience, que certains ressentent moins violemment ou supportent plus vaillamment que d’autres ; bien des femmes trouvent les hommes douillets.

Nous ne sommes pas égaux devant le malheur et l’injustice. Surtout, nous ne sommes pas égaux devant l’infidélité qui est un très grand malheur. On dit que le 1ercommandement de Dieu, c’est : ‘Ecoute !’. Jésus lui-même l’enseigne : « Le premier commandement c’est : Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur, et tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et de toute ta force. Voici le second : Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mc 12, 29-31).
Ecoute et pratique ! Mets en pratique ! Celui qui écoute la Parole sans la mettre en pratique est comparable à un homme qui se regarde dans un miroir, et qui s’en va en oubliant qui il est (cf. Jc 1, 23-24).

Le 1ercommandement de Dieu est la fidélité, et nous ne sommes pas égaux en ce domaine, ne serait-ce qu’à l’égard de Dieu, persuadés que nous sommes que nos infidélités sont sans conséquence. Le prophète Osée ironisait : « Venez, retournons vers le Seigneur. Après deux jours il nous fera revivre, le troisième jour il nous relèvera et nous vivrons en sa présence » … et la réponse de Dieu devrait nous saisir : « Que te ferai-je, Ephraïm ? Que te ferai-je, Juda ? Car ton amour est comme la nuée du matin, comme la rosée qui tôt se dissipe » (Os 6, 2 … 4).

Lorsqu’on est prêtre et confronté à toutes sortes d’infidélités, pas seulement conjugales, on finit par être frappé à la longue par la différence de perception qu’en ont l’homme et la femme. Non que la femme soit plus fidèle que l’homme, mais ce n’est pas de la différence de l’homme et de la femme dont je veux vous parler, mais de l’Esprit-Saint, et de la vie dans l’Esprit, suivant la promesse de Jésus de ne pas nous « laisser orphelins ».

L’Esprit Saint est un principe féminin. Quand Jésus annonce cet « autre Défenseur » que le Père nous donnera, on peut entendre cet autre comme une autre personne divine, mais aussi comme une autre façon pour Dieu d’être avec nous, voire une autre façon de faire, comme le féminin est une autre forme, une autre expression de notre humanité.

L’Esprit Saint est un principe féminin. Il n’est pas une femme comme l’Ecriture dit que l’Eglise est une femme, l’épouse que le Christ a fondée et aimée : « il s’est livré lui-même pour elle, afin de la rendre sainte en la purifiant par le bain du baptême, il la voulait, cette Église, resplendissante, sans tache, ni ride, ni rien de tel ; il la voulait sainte et immaculée » (Eph 5, 25 … 27). Elle est née de son côté transpercé sur la Croix. De son cœur ouvert, il en est sorti du sang et de l’eau, les sacrements de l’Eglise, qui s’est définie elle-même en quelque sorte comme le sacrement de l’union à Dieu et de l’unité entre nous.

L’Eglise est une femme, je disais dans mon homélie du Jeudi saint la pécheresse pardonnée, – mais l’Esprit Saint, l’âme de l’Eglise, est un principe féminin, dont Jésus a toutes les qualités par sa divinité, à commencer par les deux termes qu’on emploie pour l’Esprit, comme pour Jésus : force et douceur. Il n’y a que dans le Christ Jésus que se réalise l’harmonie parfaite du masculin et du féminin.

S’il fallait définir quelques différences du féminin et du masculin, je commencerais par le sens de la fidélité. La vie dans l’Esprit est une fidélité au Seigneur. Est proprement féminin le refus de toute compromission en la matière, la claire perception de cet enjeu radical de notre identité. Être, c’est être fidèle.
Elle entraîne une deuxième différence dans sa modalité d’expression, dans ce que nous nommons pudeur, que le masculin traitera davantage en retenue voire en refus (d’expression). La pudeur féminine exprime d’autant plus facilement ses sentiments que son rapport au corps est physiologiquement différent, naturellement incarné.
Je rappelle à nouveau à ceux qui auraient en tête des exemples contraires de soin de son propre corps et de sa santé que mon propos ne porte pas sur l’homme et la femme, mais le masculin et le féminin : la manifestation la plus évidente de l’attention au corps est la liturgie de l’Eglise, qui révèle toute sa féminité dans son attention au sacré.

Fidélité, pudeur, soin, un quatrième trait du principe féminin est le caractère plénier de la confiance qu’il exige. Nous l’entendions dimanche dernier : c’est dans l’Esprit et par l’Esprit que le Christ demande à ses disciples de lui faire la même confiance qu’à son Père et notre Père.
Le principe féminin est un principe entier par son intériorité. Lorsque Jésus prévient ses disciples qu’ils comparaîtront devant les tribunaux, qu’ils pourront être mis à mort, à cause de lui, il les exhorte au seul courage authentique, qui ne cherche pas l’admiration extérieure mais qui vient de la force du cœur : l’Esprit vous dira ce que vous aurez à dire.

Il me reste deux traits à évoquer rapidement qui est pour le premier constitutif de l‘Eglise, à savoir un besoin de sécurité qui prime sur une recherche de reconnaissance sociale, voilà qui est bien plus féminin que masculin, et enfin, et c’est le plus important, un rapport différent au temps. Tous les rapports de force, si masculins, sont des marques d’impatience. L’Esprit saint est un principe féminin de douceur et de patience, par la conscience du temps incompressible d’engendrement et de croissance.

Il peut y avoir en chacun de nous, homme ou femme, autant de masculin que de féminin. Mais il est clair que la vie dans l’Esprit est faite de fidélité, de pudeur, de sacré, d’engagement complet, évidemment d’intériorité, de défiance du danger, et enfin de respect du temps pour naître d’en haut ou naître à nouveau.

L’Esprit Saint est un principe féminin.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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