L’Ascension est le jour idéal pour parler du Purgatoire. Surtout cette année, au lendemain du 8 mai où nous avons prié pour les âmes des morts de toutes les guerres, puisque c’est l’origine biblique de notre prière pour les âmes du Purgatoire, la prière relatée au 2ème Livre des Martyrs d’Israël pour des soldats morts au combat sur lesquels on avait trouvé des objets idolâtres : « on organisa une collecte afin d’offrir un sacrifice pour leurs péchés. C’était un fort beau geste, plein de délicatesse, inspiré par la pensée de la résurrection. Car, si on n’avait pas espéré que ceux qui avaient succombé ressusciteraient, la prière pour les morts aurait été absurde et superflue. … Voilà pourquoi on fit ce sacrifice d’expiation, afin que les morts soient délivrés de leurs péchés » (2 Mac 12, 43 … 46).
Le Purgatoire n’est pas un lieu ni un temps – la question de sa durée – combien de temps ça dure ? – n’a pas de sens. Il désigne l’état des défunts dont l’âme a besoin d’être purifiée pour se tenir en présence de Dieu. C’est un dogme de foi, auquel correspond une pépite de l’Histoire de l’Eglise : cela s’est passé au 14ème siècle de notre ère.
En 1316, Jean XXII est élu Pape, en Avignon, et premier Pape qui se soit véritablement installé à Avignon, dont il en avait été l’Evêque quelques années plus tôt en 1310. Originaire de Cahors, Jean XXII est élu à 72 ans comme ‘pape de transition’ vu son aspect chétif et sa voix fluette qui cachaient une santé de fer portée par une remarquable hygiène de vie : il mourut à 90 ans, après 18 ans du pontificat le plus long des 7 papes d’Avignon (de 1305 à 1377 – en ne comptant pas les 2 ou 3 antipapes de 1378 à 1418).
Il n’a pas laissé un bon souvenir et il a fallu attendre presque 600 ans pour qu’un nouveau Pape reprenne le nom de Jean (Jean XXIII) tant Jean XXII commit d’erreurs théologiques. La pire fut sa contestation de la pauvreté du Christ et de l’Eglise, et celle qui nous intéresse porte sur la vision de Dieu après la mort. Jean XXII avait en effet déclaré dans un de ses sermons que cette vision de Dieu est seulement donnée à la fin des temps, et pas à l’âme séparée du corps. Il avait repris cela dans un écrit de 1333 qui avait suscité une telle émotion que le roi de France Philippe VI avait ordonné un examen de cette affirmation contraire à la théologie traditionnelle et au sensum fidei.
Jean XXII prétendait que les âmes des défunts demeurent après leur mort « sous l’autel de Dieu » (cf. Ap 6, 9), et qu’elles y jouissent de la vision de la nature humaine du Christ, n’obtenant la béatitude et la vision plénière qu’après le jugement dernier.
La contestation fut si vive que Jean XXII convoqua une commission de cardinaux et de théologiens et il s’engagea le 3 janvier 1334 à rétracter sa position si elle était contraire à la doctrine de l’Eglise. Ce qu’il fit à la fin de la même année, le 3 décembre 1334 : il reconnut son erreur devant les cardinaux. Et il mourut le lendemain !
Son successeur fut le pape Benoît XII, lequel avait, comme cardinal, composé un traité « Du statut des âmes des Saints avant le jugement général », où il soutenait la position traditionnelle, contraire à celle de Jean XXII.
Dès son élection Benoît XII convoqua une nouvelle commission de théologiens, et à l’issue de leurs travaux, il publia la Bulle Benedictus Deus du 29 janvier 1336 qui marque un tournant doctrinal décisif en matière de fins dernières et qui constitue une explication objective de « l’Ascension du Christ ».
Dans cette Bulle dogmatique Benedictus Deus, le pape Benoît XII déclare que les âmes qui n’ont plus besoin de purification ne doivent plus attendre dans un état intermédiaire, mais « même avant leur réunion avec leur corps et avant le jugement général (…) sont et seront dans le ciel », de sorte que, dès lors, « ils voient la réalité divine en vision directe et en face-à-face, sans médiation d’une créature ».
Voilà l’explication objective de « l’Ascension du Christ » : le Ciel n’est plus fermé.
Le Christ est au Ciel, avec son et notre humanité, nous ouvrant ainsi le Royaume. Il est la Porte. Et nous les sauvés.
Si l’homme passe par la mort justifié, c’est-à-dire dévoué au Christ et accepté par lui, il entre dans le Royaume de Dieu. Le Ciel s’est ouvert.
Les âmes qui n’ont plus besoin de purification sont au Ciel : elles voient la réalité divine en vision directe et en face-à-face, sans médiation.
Les âmes qui meurent dans l’amitié divine mais qui ont encore besoin de purification passent par le Purgatoire, et nous prions pour elles parce que nous pouvons les aider « en vertu de la communion des saints ». Nous pouvons contribuer à leur purification en offrant des prières, des messes « mais aussi des aumônes, (des indulgences) et des œuvres de pénitence » (Catéchisme de l’Eglise Catholique 1030-1032).
Mais leur Salut est assuré ! Non seulement le Purgatoire n’est pas obligatoire, mais cette purification, le Purgatoire est déjà une victoire !
Hosannah, Hosannah ! Hosannah au plus haut des cieux …
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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