Ce qui est remarquable chez les Mages n’est pas qu’ils soient venus de très loin : la reine de Saba avait traversé les océans pour venir admirer la sagesse du roi Salomon. Ce n’est pas qu’ils s’extasient devant un enfant : même un roi cruel comme Nabuchodonosor avait fondu devant le prophète Daniel. Ce n’est pas que des riches entrent chez des pauvres et les couvrent d’or et de cadeaux : le général Naaman était venu avec un chargement de présents royaux. Ce qui est remarquable est la synthèse, l’ensemble des trois : que de riches étrangers puissants se prosternent devant un petit enfant pauvre, confirmant le Nom proclamé dans la nuit de Noël, et invoqué au premier jour de l’année : il est le Prince de la Paix.
Saint Augustin, dans La Cité de Dieu, fait de la paix un des désirs les plus profonds de la vie humaine : « Quiconque observe quelque peu les choses humaines et notre commune nature le reconnaîtra avec moi : de même que tous désirent la joie, il n’est personne qui n’aime la paix. Puisque même ceux-là qui veulent la guerre ne veulent rien d’autre assurément que la victoire, c’est donc à une paix glorieuse qu’ils aspirent à parvenir en faisant la guerre. Qu’est-ce que vaincre, en effet, sinon abattre toute résistance ? Cette œuvre accomplie, ce sera la paix » (XIX, 12).
Et il donne dix définitions de la paix dont les cinq premières ont trait à notre vie personnelle, sur le plan individuel de notre être, corps et âme et esprit :
- La paix du corps, c’est l’agencement harmonieux de ses parties (sans qu’une douleur localisée nous mette au tapis).
- La paix de l’âme (avant toute réflexion, indépendamment de sa raison), c’est le repos bien réglé de ses désirs et pulsions.
- La paix de l’âme raisonnable, c’est l’accord bien ordonné de la pensée et de l’action (la volonté et l’action : quand je fais ce que je veux).
- La paix de l’âme et du corps, c’est la vie et la santé bien ordonnées (la bonne santé, ce bien si précieux que nous appelons chaque année de nos vœux).
- La paix de l’homme mortel avec Dieu, c’est l’obéissance bien ordonnée dans la foi et le respect de la loi divine, éternelle.
Les cinq suivantes portent sur la paix sociale, nos relations entre nous, avec un maître mot, un peu daté aujourd’hui, la concorde, une forme d’harmonie sociale :
- La paix des hommes, c’est leur concorde bien ordonnée (nous dirions : leur bonne entente).
- La paix de la maison (la communauté familiale au sens large), c’est la concorde bien ordonnée de ses habitants dans le commandement et l’obéissance.
- La paix de la cité, c’est la concorde bien ordonnée des citoyens dans le commandement et l’obéissance.
- La paix de la cité céleste, c’est la communauté parfaitement ordonnée et parfaitement harmonieuse dans la jouissance de Dieu, et en Dieu (quand nous verrons Dieu).
- La paix de toutes choses, c’est la tranquillité de l’ordre.
Cette dernière est un classique, qui est suivie de cette définition : « L’ordre est la disposition des êtres, désignant à chacun la place qui lui convient ».
Qu’en pensez-vous ?
Bof ? Attachons-nous à un aspect, actuel, que l’on pourrait appeler le ‘principe hiérarchique’ : êtes-vous d’accord que la paix, la bonne entente entre nous, en famille, en société, dans le couple entre l’homme et la femme, dans la famille entre parents et enfants, dépend pour une large part du bon exercice de l’autorité, pour reprendre les termes de saint Augustin : « dans le commandement et l’obéissance » ?
Je redis la phrase : « La paix de la maison, c’est la concorde bien ordonnée de ses habitants dans le commandement et l’obéissance ».
La crise de l’Eglise ne vient-elle pas de la terrible défaillance de l’autorité depuis le rappel du premier commandement de l’adoration de Dieu, jusqu’à la sanction des plus pervers de ses ministres ?
Une de mes amies proche et catholique ne supporte pas le texte de saint Paul : ‘Femmes, soyez soumises à vos maris’, qu’on entend régulièrement à la messe. Chaque fois elle est indignée que des femmes acceptent de le lire : ‘Quoi ? Il y a une femme qui a accepté de lire ça ?’. Sérieux ?
Je lui réponds que sont aussi insupportables dans un autre registre les paroles du Christ sur la damnation éternelle. Il y a des choses qui nous échappent, mais qu’il nous faut chercher à comprendre, patiemment et résolument, en posant cet acte de foi que l’Esprit Saint viendra, comme pour les mages, nous guider.
Autre exemple, cette parole de saint Paul qui dit qu’il n’y a pas d’autorité qui ne vienne de Dieu. C’est dans la Lettre aux Romains : « il n’y a d’autorité qu’en dépendance de Dieu, et celles qui existent sont établies sous la dépendance de Dieu » (Rm 13, 1). Là aussi il nous faut invoquer l’Esprit-Saint, pour ne pas la prendre à la lettre mais l’entendre comme la nécessité de se re-placer dans la lumière de Dieu, et très concrètement comme l’obligation pour toute autorité de reconnaître celle suprême de Dieu, de se référer à Dieu venu pour servir et non pour dominer.
Et quand l’autorité ne le fait pas ? On fait comme les mages : on évite, par un autre chemin, ce qui conduit au péché.
Pour construire la paix, contemplons l’amour de Dieu dans sa manifestation (son épiphanie) la plus désarmante, en ouvrant comme les Mages notre cœur à sa Parole, en nous souvenant de cette phrase de saint Jean : mes petits-enfants, gardez-vous du péché. Notre vie personnelle comme la vie sociale s’en verra transformée. L’amour de Dieu, la haine du péché.
Adorons en Jésus la véritable autorité, de la Sainteté.
Obéissons à Celui seul qui peut nous sauver.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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