7ème dimanche du Temps Ordinaire - 23 février 2025

Lc 6, 17. 27-38

 

Quelle différence faites-vous entre le plaisir et la joie ?

Mince, la frontière peut sembler mince entre la satisfaction, le plaisir, la joie, le bonheur et nous entendions dimanche dernier les Béatitudes selon saint Luc : Heureux, bienheureux.

Disons qu’ils n’ont pas la même chronologie, et, en paraphrasant la 2ème lecture de ce dimanche où saint Paul dit que « ce qui vient d’abord, ce n’est pas le spirituel, mais le physique » (1 Co 15, 46), ce qui vient d’abord, ce n’est pas la joie, mais le plaisir ; ensuite seulement vient la joie.

Le plaisir et la joie n’ont pas non plus la même durée de vie parce que le plaisir est une sensation et la joie un sentiment, dont on prend conscience, parfois trop tard, et même si les sentiments passent, ils sont moins soumis au temps, ce qui fait aussi qu’ils sont moins excitants.
Ce n’est pas un hasard si la représentation chrétienne du bonheur est une éternité de joie, et non de plaisirs, même si le Psaume 15 parle d’une éternité de ‘délices’. La phrase complète est : « Tu m’apprends le chemin de la vie : devant ta face, débordement de joie ! A ta droite, éternité de délices ! ».

Plaisir et joie n’ont pas la même relation aux autres : le plaisir est plus personnel, la joie a vocation à être partagée. Il y a un plaisir à se retrouver seul, pas une joie. Plaisir qui peut se transformer en souffrance de l’isolement.
On peut garder un plaisir pour soi, on ne cache pas sa joie. Sauf Elisabeth au début de l’évangile de saint Luc lorsque, enfin, elle « conçut un enfant. Pendant cinq mois, elle garda le secret » (Lc 1, 25) jusqu’à être sûre que l’enfant naîtrait. Quand l’Ange Gabriel l’annonce à Marie (« Élisabeth, ta parente, a conçu, elle aussi, un fils et en est à son sixième mois »), ce n’est plus un secret. Cette joie éclate au grand jour lorsque Elisabeth « mit au monde un fils. Ses voisins et sa famille apprirent que le Seigneur lui avait montré la grandeur de sa miséricorde, et ils se réjouissaient avec elle » (Lc 1, 58).
La naissance de l’enfant, le don de la vie est la première de toutes les joies.

Le plaisir a des formes plus variées que la joie, plaisirs du corps, des sens, de l’intelligence dans la compréhension du monde ou la résolution de problèmes, plaisir du travail terminé, de l’effort récompensé, du succès ou de la réussite. La joie est plus simple qui suppose une confiance, et c’est pourquoi Jésus nous demande de re-devenir comme des enfants pour être capables de nous réjouir de sa présence. C’est la joie de Zachée quand Jésus lui dit : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer chez toi » (Lc 19, 5).

Souvenez-vous aussi de ce passage où Jésus nous demande de garder ses commandements pour demeurer dans son amour « comme moi j’ai gardé les commandements de mon Père et je demeure dans son amour » (Jn 15, 10), et il ajoute : « Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite ». La joie dont il parle est celle de l’amour.
Cette joie-là n’est pas un sentiment passager : elle est la promesse du Royaume, et le Pape Benoît XVI la considérait dans l’évangile de saint Luc comme le synonyme de l’Esprit-Saint.

Une 2ème grande joie est la joie des retrouvailles. Ce n’est plus la joie de Noël mais la joie de Pâques quand Jésus ressuscité apparaît aux saintes femmes puis à ses disciples. Nous avons tous connu de telles joies, elle est une des plus universelles.
Personnellement, je ne me lasse pas de ces vidéos de retour d’un enfant à la maison, ou encore d’animaux qui retrouvent leur maître ou la personne qui les a sauvés. Il y a de la surprise dans la joie, une grâce de l’étonnement.

Cependant, la différence entre le plaisir et la joie n’est pas tant la durée, le partage, la simplicité ou la surprise : la différence est dans leur lien à la Loi. Le plaisir est autorisé ou interdit. Il dépend de la Loi, civile, morale ou religieuse, et entretient avec elle un lien étroit, au point que la transgression peut être un plaisir en soi, le plaisir de l’interdit.

La joie ne connaît pas d’autre loi que l’amour. Aime et fais ce que tu veux.

C’est autre chose que de faire ou de se faire plaisir, ce que refuse David dans la 1ère lecture, de se faire plaisir en se débarrassant du roi Saül. L’amour trouve sa joie dans ce qui est vrai : il renonce aux satisfactions inutiles, aux faux plaisirs apparents. Il ne se perd pas en route : il sait que le chemin est exigeant, ce chemin que trace l’évangile de ce dimanche et que la Tradition désigne sous le nom de la Loi Nouvelle, la Loi de l’Esprit, en un mot la loi de l’amour.

Si la 1ère grande joie est la joie d’une naissance ou d’une renaissance comme dans la parabole du fils prodigue (celui qui était mort est revenu à la vie), si la 2ème grande joie est dans cette même parabole la joie des retrouvailles, et nous prions pour que tant de nos proches retrouvent la foi de leur enfance, la 3ème grande joie est celle de la fidélité.

C’est la joie de la Pentecôte quand l’Esprit descend sur les disciples assemblés dans la prière, au complet après que Judas eut été remplacé par Matthias choisi parmi ceux qui étaient avec eux depuis le commencement (Ac 1, 22).
La joie de la fidélité est signifiée par deux fois dans la parabole des talents : “Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup ; entre dans la joie de ton Seigneur” (Mt 25, 21. 23).

On peut, dans la vie ou à certains moments de notre vie, ne pas avoir beaucoup de plaisirs mais connaître de grandes joies. Le plaisir ou la joie : parfois il faut choisir.

Que préférez-vous entre une vie de plaisirs et une éternité de joie ?

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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