Après le Saint-Sacrement dimanche dernier, « sacrement de la piété, signe de l’unité, lien de la charité » (dit saint Augustin dans un commentaire de l’Evangile de Jean), je vous propose d’honorer aujourd’hui un autre signe et sacrement de l’unité : le mariage, au surlendemain de la fête du Cœur sacré de Jésus (le 3ème vendredi après la Pentecôte), et au lendemain du Cœur immaculé de Marie, prions pour les mariés, pour toutes celles et tous ceux qui s’engagent dans le mariage – je le dis au présent car l’engagement est de tous les instants et le mariage ne se conjugue pas au passé.
Il ne serait pas juste que le mariage soit le seul sacrement qui n’ait pas un jour qui lui soit dédié, une fête à Lui, pour encourager, soutenir, admirer les mariés. Qui n’a pas besoin d’encouragements ?
Le Jeudi saint nous fêtons l’institution de l’eucharistie, et du sacerdoce. A la Pentecôte, le sacrement de la confirmation, cinquante jours après la nuit de Pâques où les adultes sont baptisés et où nous renouvelons les promesses de notre baptême. Le 2ème dimanche de Pâques le sacrement du pardon. Cela fait cinq : eucharistie, ordination, baptême, confirmation et confession. Le sacrement des malades est célébré aux alentours du 11 février, fête de Notre-Dame de Lourdes, journée de prière pour les malades.
Il ne manque que le sacrement du mariage, le plus important pour la société !
Après le Cœur sacré de Jésus et le Cœur immaculé de Marie, fêtons ce dimanche le cœur à cœur des époux, le lien sacré qui les unit. Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas.
La procession d’entrée du mariage symbolise la façon dont l’homme et la femme quittent père et mère pour s’attacher l’un à l’autre et former une seule chair dans le Christ. C’est la fin de l’évangile que nous venons d’entendre où Jésus affirme la primauté de notre Père du Ciel sur les liens du sang : « Qui est ma mère ? qui sont mes frères ? » – « Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère ».
Un homme était venu pour se faire baptiser. Hosanna ! Le problème était qu’il est pacsé avec une personne opposée à la chose religieuse. Nous étions très embarrassés et assez partagés entre nous : il va se retrouver dans une situation impossible ! C’est déjà difficile de vivre dans le monde, au milieu de personnes pour qui Dieu n’existe pas et qui n’ont d’autres dieux que la science, le confort ou l’argent, mais combien plus quand on s’engage avec l’une d’elles ! C’est le type même du ‘conflit de loyauté’.
L’expression est en vogue pour les enfants déchirés entre des parents divorcés, même si, en rigueur de terme, la loyauté étant la fidélité à un engagement, on ne peut pas dire que les enfants soient engagés vis-à-vis de leurs parents : ils leur sont soumis (jusqu’à leur majorité) comme Jésus était soumis à ses parents (Lc 2, 51). Sauf que les parents de Jésus étaient plus que conscients de leur responsabilité à l’égard de leur enfant. Et ils étaient guidés et se laissaient guider par l’Esprit-Saint.
Qu’allait faire cet homme pacsé, engagé civilement et moralement avec une personne opposée à Dieu, que lui venait de rencontrer ?
Le problème en réalité se posait de son côté à elle : est-ce qu’elle l’aimait suffisamment pour respecter sa conscience à lui, même si c’était contraire à ses convictions à elle ? Est-ce qu’elle l’aimait suffisamment pour renoncer à ses propres convictions ? Allait-elle être capable de sortir de sa bulle ?
C’est d’une certaine façon la question posée par l’évangile de ce dimanche quand Jésus se fait traiter de démon par ceux qu’il appelle à sortir de leur bulle et se remettre en question : c’est le drame de tout l’évangile, quand les auditeurs de Jésus sont tellement enfermés dans leurs schémas de pensée qu’ils sont incapables de l’écouter.
Ils imaginaient peut-être qu’en suivant Jésus, ils allaient manquer de loyauté à l’égard de la Loi ou de leur communauté ? Mais on oublie toujours qu’il n’y a de loyauté qu’à l’égard de ce qui est juste, honorable, digne d’éloges. La loyauté n’a pas de sens en dehors de la justice. Ce n’est pas un hasard si l’Ecriture appelle Satan le mystère de l’iniquité (2 Th 2, 7) : le diable se repaît de ce qui est contraire à la Loi divine comme de ce qui n’est pas équitable entre nous.
Il faut repartir de la définition de la justice que le Pape François rappelait dans sa catéchèse du 3 avril dernier : « la justice consiste dans la constante et ferme volonté de donner à Dieu et au prochain ce qui leur est dû » (CEC 1807). A Dieu et au prochain.
Dans le mariage, qui est mon prochain ? Le conjoint.
Le bonheur des époux suppose que chacun donne à l’autre ce qui lui est dû, une de mes amies dit que chacun améliore les qualités de l’autre et n’aggrave pas ses défauts. Qu’ils cherchent ce qui est équitable. Le but de la justice est que « chacun soit traité selon sa dignité ».
Cela nécessite une grande vigilance : « votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer » (1 P 5, 8). Et saint Pierre poursuit : « Résistez-lui avec la force de la foi, car vous savez que tous vos frères, de par le monde, sont en butte aux mêmes épreuves ». Le texte latin de la Bible dit : ‘à la même Passion’.
Que cette Passion continue à animer le cœur à cœur des époux, leur donnant d’être attentifs à ce qui est équitable, dans l’amour. Que l’Esprit-Saint les éclaire : du cœur à cœur avec Dieu dépend le cœur à cœur des époux.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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