Solennité de l'Esprit Saint - Lundi 9 décembre 2024

Lc 1, 26-38

 

La Vierge Marie a-t-elle été heureuse pendant sa vie sur terre ?

Avant de connaître le bonheur au Ciel ?

Lorsque je rencontre les proches d’un défunt pour préparer les obsèques, je leur demande, quand ils ne sont pas trop anéantis, si la personne défunte avait été heureuse dans sa vie ou de sa vie ?

Ils ne le savent pas toujours.

C’est dommage parce que le deuil, et l’action de grâce qui compose la liturgie de l’Adieu avec la demande de pardon, n’est pas le même quand la personne a été heureuse et qu’elle a connu le bonheur au moins une grande partie de sa vie.

C’est une question que nous devrions nous poser régulièrement, sans la repousser à un plus tard qui serait trop tard. Je dirais même que nous devrions nous poser cette question tous les cinq ou dix ans … à partir de l’âge de quinze ou vingt ans et partager la réponse avec nos proches.
J’ai en mémoire la lettre qu’un garçon de dix-sept ans, qui ignorait évidemment qu’il allait mourir accidentellement quelques semaines plus tard, avait écrite pour faire le point sur la première partie de sa vie : il disait l’amour qu’il avait reçu, la joie de ce qu’il avait appris, découvert. Je ne dirais pas que cela a atténué la douleur de ses parents mais ses amis en ont été profondément et durablement marqués dans leur foi en la vie.

On ne sait pas à quel âge la Vierge Marie s’est endormie dans la mort. Une tradition dit vers soixante ans. A-t-elle été heureuse pendant sa vie sur terre ?

Oui ! Il faut répondre oui en toute confiance : elle était heureuse de se savoir aimée du Père, d’être sa fille bien-aimée, heureuse d’avoir été choisie pour être la Mère Bien-Aimée du Fils, heureuse d’être l’épouse fidèle de l’Esprit.

Dans l’évangile, à une femme qui avait crié du milieu de la foule : ‘Heureuse la mère qui t’a porté en elle, et dont les seins t’ont nourri !’, Jésus avait répondu : « Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent ! » (Lc 11, 28). Et saint Augustin avait expliqué : « Marie est bienheureuse parce qu’elle a entendu la parole de Dieu, et l’a gardée : son âme a gardé la vérité plus que son sein n’a gardé la chair. La Vérité, c’est le Christ ; la chair, c’est le Christ. La vérité, c’est le Christ dans l’âme de Marie ; la chair, c’est le Christ dans le sein de Marie. Ce qui est dans l’âme est bien davantage que ce qui est dans le sein ».

Bien sûr Marie a souffert dans sa vie, atrocement à la mort de son Fils, et la Tradition honore « les sept douleurs de la Vierge Marie », sans même évoquer son désarroi à l’Annonciation : le bonheur sur terre est rarement paisible.

Mais elle a été heureuse, et c’est le sens de cette fête de l’Immaculée Conception parce que nos malheurs viennent de nos péchés, pas seulement de nos fautes, mais, avant tout, du péché originel dont nous naissons tous marqués, sauf la Vierge Marie, le péché originel étant la source de tous les péchés.

Ce n’est pas, contrairement à une légende, une invention de saint Augustin, mais l’affirmation de la Sainte Ecriture dans la Lettre de saint Paul aux Romains : « Nous savons que par un seul homme, le péché est entré dans le monde, et que par le péché est venue la mort ; et ainsi, la mort est passée en tous les hommes, étant donné que tous ont péché » (Rm 5, 12).

Tous ont péché, nous sommes tous nés marqués du péché avant d’en être délivrés par le Christ, né de la Vierge Marie qui en a été exemptée, ‘conçue sans péché’, pour être la digne demeure de Dieu parmi les hommes.

Qui peut ignorer que nos péchés sont la première cause des souffrances de nos proches, de toutes les personnes qui nous aiment. Une jeune fille dont le père s’était suicidé en était révoltée : ‘je vais vivre toute ma vie avec un père qui s’est suicidé !’. Elle aurait toute sa vie à prier pour lui, au lieu que ce soit lui qui prie pour elle, s’il était mort dans l’amitié divine.

Et si, avant de céder à quelque tentation que ce soit, nous pensions à ceux qui en seront les victimes, parce que ce n’est pas cela qu’elles attendent de nous ?

Marie a été heureuse de n’avoir fait souffrir personne. Au contraire : elle a rendu Jésus, Joseph, les autres heureux, fiers d’elle.

« Ne contristez pas l’Esprit-Saint » (Gal 4, 30) : ne faites pas de peine à ceux qui vous aiment.

Voilà deux questions que vous pourriez vous poser :

D’abord êtes-vous heureux aujourd‘hui de votre vie ?

L’avez-vous été ? Si oui, dites-le à vos proches, dans tous les cas, écrivez-le pour vous, pour le relire dans cinq ou dix ans.

Deuxièmement, qui avez-vous rendu heureux, cette semaine, cette année, dans votre vie ?

C’est un des plus beaux titres de la Vierge Marie : elle est le bonheur de l’Esprit-Saint.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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