Des douze femmes (le nombre est symbolique) qui, selon Jean-Paul II, préfigurent la Vierge Marie dans l’Ancien Testament*, celle qui éclaire le mieux la fête de ce jour est la reine Esther, du petit livre du même nom (livre éponyme), le livre d’Esther.
Esther est une belle jeune femme qui a trouvé grâce aux yeux du Roi Assuérus, et trouvé place dans son palais, dans son harem, tandis que la première reine, Vashti, a été renvoyée, répudiée à cause de son orgueil et sa rébellion – un peu comme la première Eve.
Esther ignore la raison réelle de sa présence au palais du Roi, alors qu’une terrible menace est sur le point de s’abattre sur le peuple juif auquel elle appartient et pour lequel elle va devoir intercéder auprès du Roi. Le danger vient d’un fourbe, Aman, aussi ambitieux que vaniteux, un personnage en tous points diabolique.
C’est un conte, un midrash. Le ressort de l’intrigue repose sur l’impossibilité pour Esther de se rendre auprès du Roi sans y avoir été conviée, sous peine de mort. C’est interdit. Mardochée, le tuteur d’Esther, lui en donne pourtant l’obligation morale : ‘tu fais partie de ce peuple en danger de mort, tu es un membre de ce corps, dirait saint Paul, et ne va pas t’imaginer que tu es à l’abri dans la maison du roi et que tu serais la seule de ton peuple à en réchapper. Si tu ne fais rien, c’est d’un autre lieu que viendra le secours pour les tiens et la délivrance, tandis que toi et la maison de ton père, vous périrez. Qui sait si ce n’est pas en vue d’une circonstance comme celle-ci que tu as accédé à la royauté ?’ (Esther 4, 14).
Qui sait si ce n’est pas pour intercéder pour nous que la Vierge Marie est montée aux cieux, auprès de Dieu, entrée, comme nous le fêtons en ce jour, dans le palais du Roi de l’Univers ?
Son Assomption est une récompense ! Evidemment ! L’un n’empêche pas l’autre. Demandons-nous d’ailleurs de quoi Marie a été récompensée ? D’avoir accueilli, porté, mis au monde et élevé Jésus, le Christ le Fils de Dieu ? Ou d’avoir ainsi, comme lui et pour lui, rempli la même mission de Salut, sur terre puis au Ciel : le Salut de l’Humanité !
Marie est au Ciel où elle intercède pour nous.
Elle est celle qui a, au plus haut point, été consciente de son lien et à Dieu et à l’humanité, de sa double dépendance de Dieu et des autres.
Du livre d’Esther, le passage que nous lisons à la messe, le jeudi de la 1ère semaine de Carême, commence par ces mots : « La reine Esther, dans l’angoisse mortelle qui l’étreignait, chercha refuge auprès du Seigneur » (Esther 4, 17k).
Ce n’est pas parce qu’elle était vierge de tout péché que Marie n’a pas ressenti elle aussi de l’angoisse devant la mort ? Comme Jésus lui-même a ressenti frayeur et angoisse (Mc 14, 33) ?
Et cette angoisse continue qui est l’angoisse d’une mère pour ses enfants. Pascal disait que le Christ est « en agonie jusqu’à la fin du monde » (ajoutant : « Il ne faut pas dormir pendant ce tempslà ») : semblablement, Marie angoisse pour ses enfants.
Elle l’a exprimée lors de différentes apparitions, notamment à La Salette, le 19 septembre 1846, une des quinze ou seize apparitions reconnues par l’Eglise (sur les milliers recensées).Elle y est apparue, pour reprendre le titre d’un des livres de Léon Bloy, comme « Celle qui pleure ».
Le Pape Jean-Paul II l’a expliqué dans une lettre du 6 mai 1996 à l’évêque de Grenoble pour le 150ème anniversaire de cette apparition : « Marie, Mère pleine d’amour, a montré en ce lieu sa tristesse devant le mal moral de l’humanité.
Par ses larmes, elle nous aide à mieux saisir la douloureuse gravité du péché, du rejet de Dieu, mais aussi la fidélité passionnée que son Fils garde envers ses enfants, Lui, le Rédempteur dont l’amour est blessé par l’oubli et les refus ».
Comme une Mère, elle « appelle à se ressaisir : elle invite à la pénitence, à la persévérance dans la prière et particulièrement à la fidélité de la pratique dominicale ».
Son message est « un message d’espérance, car notre espérance est soutenue par l’intercession de Celle qui est la Mère des hommes ». Son angoisse à la mesure de l’Espérance !
A la fin du livre d’Esther, le méchant, Aman, est puni par le châtiment qu’il avait préparé, qui se retourne contre lui, car le mal se retourne contre celui qui le commet. Telle est l’Espérance que nous célébrons en ce jour, que les bons seront récompensés et les méchants punis, avec lacertitude de la victoire de l’Amour.
Et la Vierge Marie est là pour nous guider et nous rassurer ; et nous accueillir, au jour de notre mort, auprès de son Fils, pour la vie éternelle :
Je vous salue Marie, pleine de grâce ;
Le Seigneur est avec vous.
Vous êtes bénie entre toutes les femmes,
Et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni.
Sainte Marie, Mère de Dieu,
Priez pour nous pauvres pécheurs,
Maintenant et à l’heure de notre mort.
Amen !
*Dans ces catéchèses données en mars 1996, Jean-Paul II avait répertorié les femmes qui dans l’Ancien Testament préfigurent la Vierge Marie. Il avait dressé une liste symbolique de douze femmes comme les douze apôtres. Il les avait réparties en deux séries, une série de mères, des figures maternelles de l’enfantement, et une série de figures prophétiques, « protagonistes authentiques de l’histoire du Salut ».
Les six figures maternelles sont Eve, Sarah (femme d’Abraham, mère d’Isaac), Rachel (femme de Jacob, mère de Joseph), la mère de Samson (au Livre des Juges), Anne la mère de Samuel, et Rebecca (femme d’Isaac, mère de Jacob). Les six figures du courage sont Miryam la sœur de Moïse, la prophétesse Deborah à laquelle s’associe Yaël, Judith, Esther et enfin Abigaïl qui empêcha David de se faire justice lui-même. Ces femmes sont des figures du salut, puisque Myriam sauva Moïse de la mort, Abigaïl sauva David d’un grand péché, et Deborah, Yaël, Judith, Esther sauvèrent le peuple de ses ennemis.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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