L’amour, en sa réalité éternelle, Dieu est Amour, – l’amour a deux sœurs jumelles : la grâce et la vérité. Les trois sont immortelles, qui sont l’être même de Dieu, et si la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ, c’est dans la plénitude de l’Esprit de vérité que la grâce s’est manifestée. On pourrait d’ailleurs modifier la salutation d’ouverture de nos messes en disant :
« La grâce de notre Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu le Père, et l’Esprit de Vérité – soient toujours avec vous ».
Nous disons ‘et la communion de l’Esprit Saint’ pour reprendre la formule de saint Paul à la fin de la 2ème Lettre aux Corinthiens, sachant que l’Esprit fait la communion parce qu’il est l’Esprit de Vérité. Au contraire du menteur qui divise, l’unité veut la vérité.
Pourquoi vous dis-je cela ?
Pour comprendre ce que dit l’évangile du disciple que Jésus aimait quand il est entré à son tour dans le tombeau vide : « il vit et il crut ».
‘C’était donc vrai’.
L’expression est un peu trop familière pour être à la hauteur de l’événement. On peut lui préférer la parole d’Edith Stein, sainte Thérèse Bénédicte de la Croix, quand elle a découvert le Christ, à l’été 1921, elle avait 30 ans. Elle se trouvait chez une amie, elle a pris dans la bibliothèque ‘La vie’ de sainte Thérèse d’Avila. Elle lit le livre, le referme et murmure : « Là est la vérité ».
Elle commentera ensuite : « Je rencontre dans mon être un autre Être, qui n’est pas le mien mais qui est le fondement et le support du mien ». Et elle demande le baptême.
Son entrée dans la grâce, dans le mystère du tombeau vide, avait eu lieu cinq ans plus tôt, lors de la visite de la cathédrale de Frankfort : « Nous sommes entrés quelques minutes et pendant que nous étions là, dans un respectueux silence, est entrée une femme avec son panier de commissions, elle s’est agenouillée sur un banc pour faire une brève prière. Ce fut pour moi quelque chose de totalement nouveau. Dans les synagogues ou dans les églises protestantes dans lesquelles j’étais allée, les gens ne venaient que pour les offices religieux. Mais ici arrivait n’importe qui, au milieu de ses travaux quotidiens, dans l’église vide de monde, comme pour un dialogue confidentiel. Je n’ai jamais pu oublier cela ».
« Dans l’église vide de monde, comme pour un dialogue confidentiel » : dans le tombeau vide le disciple que Jésus aimait a entendu résonner en lui-même : « Crois-tu cela ? », que nous entendions au 5ème dimanche de Carême quand Jésus dit à Marthe : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » (Jn 11, 26).
Il y a trois réalités qui ne meurent jamais : l’amour, la grâce et la vérité.
De l’amour, nos expériences humaines peuvent fausser notre jugement. Nos expériences contribuent à notre connaissance mais demandez à Edith Stein philosophe, passionnée de phénoménologie, quelle confiance on peut faire à notre expérience des choses. Toute la philosophie, depuis l’origine, cherche à savoir quelle confiance on peut faire aux apparences : ici, en l’occurrence, à un tombeau vide.
Notre expérience de l’amour est très différente de sa réalité profonde, expérience souvent aussi superficielle que blessée de conflits et de séparations, de reniements et de trahisons. Pourtant au jour de Pâques, le Christ ressuscité se rend présent auprès de ses disciples, qui l’avaient abandonné. L’amour de Dieu ne rejette personne. Là où le péché a abondé, la grâce a surabondé (Rm 5, 20).
L’amour ne disparaît jamais.
Notre expérience de la grâce, elle, est devenue plus grossière, polluée comme notre planète, par toutes sortes d’artifices qui nous font oublier son infinie simplicité. La Vierge Marie ne sera jamais ni en papier glacé ni en photos retouchées. Pour comprendre ce qu’est la grâce, le plus facile est de remplacer le mot par celui de simplicité.
Notre expérience de la vérité est encore plus abîmée, par la peur dès notre plus jeune âge, quand on s’aperçoit qu’il est si facile de mentir pour ne pas se faire gronder, de se vanter pour se faire apprécier, de tricher plutôt que de travailler. C’était la première proposition du Diable à Jésus lors des Tentations : tu n’as qu’à dire de ces cailloux, et même à ces cailloux que ce sont des pains. Dieu peut, par sa puissance, multiplier les pains ; mais il ne changera jamais une créature en une autre : ce serait contraire à la vérité. Et c’est pourquoi dans son humanité il a connu la mort parce que nous sommes des créatures temporelles, même si lui le Christ est Dieu.
L’amour, la grâce et la vérité.
Qu’est-ce qui ressuscite au Jour de Pâques ? L’humanité de Jésus qui en est la parfaite, unique et définitive incarnation, par la sainte Trinité : l’amour de Dieu le Père, la grâce de Jésus Christ, et l’Esprit de Vérité.
L’amour, la grâce et la vérité. C’est par ces trois merveilles que nous entrerons dans l’éternité.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
Vous avez la possibilité de recevoir les homélies du Père Lancrey-Javal en remplissant ce formulaire