32ème dimanche du temps ordinaire - 10 novembre 2024

Mc 12, 38-44

 

Est-ce qu’il est possible d’être en communion les uns avec les autres, ce qui est le critère de la vie chrétienne – comme dit le Prologue de la 1ère Lettre de saint Jean : « si nous marchons dans la lumière, comme Dieu est lui-même dans la lumière, nous sommes en communion les uns avec les autres » (1 Jn 1, 6-7) – en étant en désaccord sur un certain nombre de sujets ?

Pour qu’il y ait communion, il faut qu’il y ait une communauté, un minimum de vie commune, mais cela ne suffit pas. Tant de divisions, de conflits au sein de nos familles, de la société, de nos églises. L’unité est difficile : nos divergences sont le reflet de nos différences.

Des désaccords ont marqué l’histoire de Eglise. Saint Paul s’est opposé à saint Pierre, parce qu’il était dans son tort (Gal 2, 11). Cette question nous concerne tous : jusqu’à quel point peut-on ne pas être d’accord dans l’Eglise ?

Heureusement qu’on n’est pas toujours d’accord, ce n’est pas seulement une question de liberté, déjà religieuse, c’est une condition du bonheur de pouvoir exprimer un avis différent ou opposé, sans y donner une audience excessive, ni devoir prendre les autres à témoin. Pour être heureux il faut pouvoir être en désaccord sans moins nous aimer.

Comme tout Catholique, et comme prêtre, il y a des sujets sur lesquels je ne suis pas d’accord avec mon évêque, avec les évêques, avec le pape, sur des formulations et surtout sur des sujets d’actualité et c’est pourquoi, en principe, nous les évitons en homélie, parce qu’il en va de même pour vous avec moi, qui m’écoutez ou me lisez. Vous voulez un exemple ? L’idée de faire payer l’entrée dans la Cathédrale de Paris rénovée ? Non je ne vous donnerai pas d’exemple.

Nos désaccords sont, quand on les analyse, presque toujours l’expression d’inquiétudes, et l’évangile de ce dimanche en est une illustration remarquable de fausses ou vraies sécurités, qui oppose l’angoisse des scribes de ne pas être reconnus à la confiance d’une pauvre femme qui s’en remet entièrement entre les mains du Seigneur.

Quand quelqu’un n’est pas d’accord avec vous, écoutez-le, voyez sur quoi porte le désaccord, l’importance du sujet, demandez-vous ce qui l’inquiète, et ce qui vous, vous inquiète. De ne pas être reconnu à votre juste valeur ? Ou de ne pas savoir si vous mangerez demain ?

Dans un des plus beaux textes sur la Providence, qu’une de mes filleules avait choisi le mois dernier pour son mariage, le Christ nous invite à ne pas nous inquiéter de ce que nous allons manger, boire, ni comment nous allons nous habiller : « Tout cela, les païens le recherchent. Votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. Ne vous faites pas de souci pour demain : demain aura souci de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine » (Mt 6, 31-34).

Chercher le Royaume de Dieu, c’est vouloir la communion, qui est autre chose que de recevoir la communion à la messe, bien qu’elle en soit le désir et l’engagement.

La communion est l’être de Dieu : Dieu est communion. L’amour est communion. Et nous sommes des êtres créés à son image, pour la communion.

La communion est le cœur de la foi chrétienne, plus que la résurrection, et nous commençons nos messes avec l’invocation qui nous vient de saint Paul : « La grâce de notre Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu le Père, et la communion de l’Esprit Saint soit toujours avec vous » (cf. 2 Co 13, 13).

« Ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour ; ayez soin de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix » (Eph 4, 3). Supporter et dépasser nos désaccords, en ayant entre nous, dit encore saint Paul, les sentiments (ou les dispositions) qui étaient dans le Christ Jésus (Ph 2, 5).
Ce sont ces sentiments (ou dispositions) dont parle saint Paul lorsqu’il nous exhorte à être « d’accord les uns avec les autres » (Rm 12, 16 et 2 Co 13, 11). « Soyez joyeux avec ceux qui sont dans la joie, pleurez avec ceux qui pleurent » (Rm 12, 15).
Et il ajoute : « Ne vous fiez pas (trop) à votre propre jugement » (Rm 12, 16). Ne soyez point sages à vos propres yeux. C’est le reproche que Jésus fait dans l’évangile de ce dimanche à ceux qui se voient, comme dit un Psaume, « d’un œil trop flatteur pour trouver et haïr leur faute » (Ps 35, 3). Lisez ce Psaume 35 : il est magnifique !

Aux catéchumènes qui se préparent au baptême, aux fiancés qui se préparent au mariage, à vous qui m’écoutez, je rappelle que l’objectif n’est pas d’être d’accord avec tout ce que dit le prêtre, en particulier pour ce qui ne relève pas de la Sainte Doctrine Catholique, l’Ecriture lue par la Tradition à la lumière de l’Esprit. Les commentaires que nous en donnons n’ont d’autre but que de nourrir votre âme, votre prière, votre réflexion.

A la Toussaint, nous avons fêté la Communion des Saints, dont le Catéchisme enseigne qu’elle désigne deux réalités distinctes : la communion aux choses saintes, « sancta« , les biens spirituels, les sacrements, la Messe ; et la communion entre les personnes saintes, « sancti« , notre assemblée, les membres de l’Eglise, l’humanité sauvée (CEC 948).
C’est de la première que vient la seconde, de notre union au Christ par les sacrements et la prière que vient l’unité entre nous, et non l’inverse.

C’était le sens de l’expression « la foi et les mœurs » où la première détermine l’autre, dans cette nécessaire cohérence que le Christ souligne dans la 1ère partie de l’évangile de ce dimanche (contre ceux qui « disent et ne font pas » – Mt 23, 3).

Le Catéchisme, dans un paragraphe intitulé ‘la prière comme communion’ dit que « la prière est chrétienne en tant qu’elle est communion au Christ et qu’elle prend place (il dit même ‘qu’elle se dilate’) dans l’Église qui est son Corps » (CEC 2565).
Elle cherche l’harmonie, pour se faire un jour plénitude.
N’ayons donc pas peur de nos inquiétudes ni de nos désaccords : la Communion étant l’être de Dieu, elle est le don de l’Esprit, dans la prière.

L’amour est communion.

 

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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