Fête de la Sainte Famille - Dimanche 29 décembre 2024

Lc 2, 41-52

 

A un jour près, mais ce sera pour l’année prochaine, nous aurions fêté aujourd’hui le martyre des Saints Innocents, morts au nom du Christ, massacrés par le roi Hérode lorsqu’il a compris que les mages étaient repartis sans le prévenir de l’endroit où se trouvait le Roi qui venait de naître. Dans sa fureur, « il envoya tuer tous les enfants jusqu’à l’âge de deux ans à Bethléem et dans toute la région, d’après la date qu’il s’était fait préciser par les mages » (Mt 2, 13-18). On se souvient de cet autre massacre rapporté dans l’Ancien Testament, perpétré par Pharaon, de tous les enfants mâles pour empêcher le peuple hébreu de se multiplier (Ex 1, 16).

Ces tyrans cruels sont des personnes pour qui les autres êtres ne sont pas leurs frères ni leur prochain, qui ne reconnaissent pas le sacré et la transcendance de tout être humain depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle.
Ils ne sont pas loin, toutes proportions gardées, de ceux qui continuent à considérer l’embryon comme une chose alors même qu’ils admettent que la personne puisse être marquée par sa vie intra-utérine, que nous gardons tous des traces inconscientes de ce que nous avons vécu dans le sein de notre mère.
C’est quand même une fâcheuse propension de l’esprit humain, du cœur malade de l’homme de réduire la personne à ce qu’elle est capable d’exprimer, aux échanges que l’on peut avoir avec elle. Nous sommes des êtres de relation ne veut pas dire que nous sommes des êtres avec qui nous sommes en relation. Quelle est la relation qu’une personne dans le coma entretient avec son Seigneur qu’elle s’apprête à rencontrer ? Pourquoi précipiter cette rencontre, nous débarrasser d’elle, alors qu’elle fait partie intégrante de notre histoire et de notre identité ?

Dans l’évangile que nous venons d’entendre, nous sommes dans le Temple de Jérusalem et nous voyons les sages et les savants du lieu, les docteurs de la Loi et ceux qui les entourent émerveillés devant un enfant de douze ans. Nous savons, nous, qu’il est Dieu. Eux sont étonnés par les questions qu’il leur pose, par son intelligence, et par les réponses qu’il apporte à leurs propres réponses à ses questions : c’est un dialogue d’égal à égal, alors même qu’il leur est infiniment supérieur. Lui est Dieu. Eux sont déroutés qu’un enfant soit intelligent.

La fin de l’épisode fait revenir les deux êtres les plus saints que la terre ait portés, Marie et Joseph, et l’évangéliste dit que, pris par l’émotion, « ils ne comprirent pas » ce que Jésus leur répondit sur la raison pour laquelle il était resté. Jésus n’insiste pas : il les suit, « il leur était soumis ». Pourquoi ? Pour être un modèle pour tous les enfants de la terre ? Pour les laisser le protéger : à douze ans il n’est plus un enfant mais il a encore besoin d’être protégé par ses parents, qui ont pour mission de protéger sa sensibilité.

La sensibilité est ce qu’il y a de plus humain en Jésus. Ce qu’il y a de plus humain en Jésus n’est pas son corps, tous les humains, toutes les créatures  terrestres en ont. Ce n’est pas son intelligence, ni sa mémoire ou sa volonté, lesquelles ne sont pas, au contraire du corps, « les choses du monde les mieux partagées ». Non, ce qu’il y a de plus humain en Jésus, de plus universel dans son humanité est sa sensibilité.

On ne fait pas assez attention à la sensibilité de Jésus. On le voit pourtant ému de compassion, saisi aux entrailles, qui pleure, dans l’admiration, et nous devrions y penser quand nous prions les Psaumes comme Jésus lui-même les a priés, qui rassemblent tous les sentiments et toutes les émotions de la vie humaine : le Psautier, le grand livre de prière de notre sensibilité.

La sensibilité est la première chose à protéger chez un enfant, chez tout enfant.

J’aurais aimé pouvoir intituler cette homélie : ‘Protéger la sensibilité des enfants’ ou ‘Protéger les enfants’, mais l’Eglise a tellement fauté dans ce domaine que … profil bas.

L’enfant est une éponge : il absorbe, dès le sein de sa mère, toutes les émotions comme les agressions. L’enfant est un être fragile, vulnérable, qui a besoin d’être aimé et protégé, qui a besoin d’attention, de calme et d’affection, qui a également une confiance en cristal. L’enfant est un détecteur de mensonges ! Il fait confiance, et si on lui ment, après il fera semblant.

Une vraie ou sainte famille est une famille où les parents protègent la sensibilité de leurs enfants, qui ne les exposent pas trop tôt, ni inutilement aux noirceurs du monde, aux spectacles inappropriés, aux ombres et obscurités de la vie. L’enfant aura bien le temps de les découvrir, quand sa raison sera capable de maîtriser sa sensibilité. Sans qu’elle se soit auparavant déréglée, ou qu’il ait eu, dans une réaction de défense ou de survie, à l’étouffer.

A douze ans, au Temple, Jésus n’a pas été dupe de ces docteurs de la Loi qui se prétendaient savants, mais qui ignoraient comme tant d’adultes encore aujourd’hui qu’un être humain est, dès sa conception jusqu’à sa mort naturelle, un être sensible, fragile, sacré, à respecter.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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