Seulement deux des quatre évangélistes racontent la naissance de Jésus : Matthieu et Luc. Et Luc ajoute une scène de l’enfance quand Jésus avait douze ans et qu’il était resté au Temple. En revanche, les quatre évangélistes s’accordent pour faire un long récit des trois derniers jours de sa vie, depuis le dernier Repas que nous célèbrerons Jeudi saint avec le lavement des pieds jusqu’à sa mort sur la Croix que nous viendrons vénérer Vendredi saint, avant le temps suspendu du Samedi Saint.
Nous nous arrêtons aujourd’hui à sa mort, mais l’Eucharistie qui nous réunit est le rappel de sa Résurrection : Nous annonçons ta mort Seigneur Jésus, nous proclamons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire.
Pourquoi un si long récit de ces dernières vingt-quatre heures, disproportionné au regard de ses trois années de mission, la vie publique de Jésus, de l’ensemble de ses miracles et de ses enseignements ?
La réponse est dans la question qui jaillit à notre esprit à l’annonce de la mort de quelqu’un : comment est-il mort ?
Aux familles qui téléphonent pour organiser des obsèques, une prière d’Adieu, j’exprime notre tristesse, notre compassion, et je demande si la personne était malade, si son départ était prévisible ou soudain.
Comment est-il mort ? C’est la question qu’ont posée ceux qui avaient entendu parler de Jésus ou l’avaient eux-mêmes entendu, et c’est en partie ainsi que les évangiles se sont construits, à partir des premières discussions au soir et au lendemain de sa mort, quand apôtres et disciples se sont retrouvés et ont reconstitué ce qui s’était passé. Des moments particuliers ont été retracés, certains ont peut-être été relatés par le Christ lui-même, de sa Résurrection jusqu’à l’Ascension, et l’Esprit-Saint leur a fait ensuite se souvenir de tout ce qui s’était passé (cf. Jn 14, 26).
Ah, si nous pouvions vivre la même émotion, être aussi bouleversés !
C’était la mort d’un ami.
Ce n’était pas seulement la mort d’un homme dans la force de l’âge, l’exécution terrible et injuste d’un innocent, dont les malfaiteurs crucifiés avec lui disent : il n’a rien fait de mal, – ce n’est pas seulement la mort d’un homme exceptionnel, un « prophète puissant en paroles et en actes » qui était passé en faisant le bien, diront les disciples d’Emmaüs, c’était la mort d’un ami.
Je pense à ceux qui le vivent en ce moment, ou qui n’arrivent pas à en faire le deuil, la mort d’un ami.
Pour le Christ, son martyre : le mot veut dire témoin, le témoignage que Jésus a rendu à l’amour que son Père, Dieu nous porte, à la confiance que nous pouvons avoir en la puissance de son amour.
Des trois paroles du Christ en Croix que saint Luc rapporte, sur les sept que nous connaissons, deux sont adressées à son Père, qui nous concernent toutes les deux, la première sur le pardon, Père pardonne-leur, la seconde sur la confiance, Père entre tes mains je remets mon esprit.
Père.
Jusqu’à sa mort sur la Croix, Jésus nous a appris à prier Notre Père.
Il faut le rappeler à ceux qui bloquent sur cette parole de la Passion selon saint Matthieu : ‘Pourquoi m’as-tu abandonné’ (Mt 27, 46), qui, elle, n’est pas adressée au Père, mais qui est le titre du Psaume 21 « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » que Jésus cite dans le texte « Éli, Éli, lema sabactani ? », pour que nous le lisions jusqu’à la fin : « On proclamera sa justice au peuple qui va naître : Voilà son œuvre ! » (Ps 21, 32).
Père.
Jésus-Christ est plus que notre ami : il est notre frère, Celui qui, en nous donnant sa vie, nous donne son Père comme Notre Père. Il le dit au Jour de Pâques : « Je monte vers mon Père et votre Père ».
Dans la Passion selon saint Jean, Vendredi, il nous donne sa Mère, la Vierge Marie : Voici ta mère.
Et chaque jour, plusieurs fois par jour, jusqu’à l’heure de notre mort, nous prions les deux, bien sûr différemment : Notre Père.
Et Je vous salue Marie.
Nos prières à la vie et à la mort d’un ami.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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