Les bons Catholiques, attachés à la bonne et sainte doctrine, sautent en l’air quand on leur parle de réincarnation. Cela m’étonne toujours car, jusqu’à l’Ascension, la résurrection du Christ est une forme de réincarnation, une forme particulière, une sorte de ‘ré-une-même-incarnation’ dans un corps vivant doté de fonctionnalités nouvelles puisqu’il traverse les murs, Jésus apparaissant à ses disciples alors que les portes du lieu où ils se trouvaient étaient verrouillées (Jn 20, 19), mais déjà, avant, il pouvait marcher sur l’eau.
Jésus ressuscité apparaît dans un corps aux propriétés largement semblables aux nôtres. Saint Luc, dans le passage qui précède celui qu’on vient d’entendre, relate que les apôtres parlaient de Jésus quand lui-même fut présent au milieu d’eux. « Saisis de frayeur et de crainte, ils croyaient voir un esprit ! Jésus leur dit : « Voyez mes mains et mes pieds : c’est bien moi ! Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os comme vous constatez que j’en ai » (Lc 24, 38-42). Et il prend du poisson grillé qu’il mange devant eux.
Que dit la réincarnation ?
Que croient les tenants de cette croyance ?
Ils croient à la survivance de l’âme après la mort.
Nous aussi.
« L’Eglise affirme la survivance et la subsistance après la mort d’un élément spirituel, qui est doué de conscience et de volonté, en sorte que le ‘moi’ humain subsiste. Pour désigner cet élément, l’Eglise emploie le mot ‘âme’, consacré par l’usage de l’Ecriture et de la Tradition. Sans ignorer que ce terme prend dans la Bible plusieurs sens, elle estime néanmoins qu’il n’existe aucune raison sérieuse de le rejeter et considère même qu’un tel outil verbal est absolument indispensable pour soutenir la foi des chrétiens » (Congrégation pour la doctrine de la foi, note du 17 mai 1979 approuvée par Jean-Paul II sur la vie éternelle et l’au-delà).
Pour qu’il y ait réincarnation, il faut la survivance de l’âme et sa migration dans un corps vivant, qu’on peut voir, entendre, toucher. C’est le cas du Christ ressuscité jusqu’à l’Ascension.
Que se passe-t-il alors ? Nous venons de l’entendre : Jésus emmène ses disciples à Béthanie. Il lève les mains et les bénit. Et, tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et il était emporté au ciel.
La suite est dans la 1ère lecture, du Livre des Actes des Apôtres, où saint Luc poursuit le récit : « tandis que les Apôtres le regardaient, il s’éleva, et une nuée vint le soustraire à leurs yeux » (Ac 1, 9). Et comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que, devant eux, se tenaient deux hommes en vêtements blancs, qui leur dirent : « Galiléens, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui a été enlevé au ciel d’auprès de vous, viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel » (Ac 1, 10-11).
Tel est le ‘mystère de la foi’ que nous proclamons à chaque messe après la consécration : le Christ est mort et ressuscité ; il est monté au Ciel : nous attendons sa venue dans la Gloire.
Car la Gloire est la nature même de Dieu.
La Gloire fait la différence entre résurrection et réincarnation : celui qui croit à la réincarnation ne croit pas à la Gloire de Dieu. Nous croyons à la Résurrection et nous disons qu’en s’élevant au Ciel, le Christ est glorifié.
C’était l’évangile d’il y a dix jours, le 15 mai : « Maintenant, disait Jésus après que Judas fut parti le livrer, le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt » (Jn 13, 32). Quand ? à l’Ascension !
Glorifié est plus exact que ‘spiritualisé’, plus précis que ‘divinisé’ : la Résurrection du Christ et son Ascension dans la Gloire est la condition de notre propre résurrection et de notre participation à la Gloire de Dieu. Jésus-Christ est monté au ciel pour nous rendre participants de sa divinité (2ème Préface de l’Ascension).
Participer à la Gloire de Dieu ! Quelle promesse ! Quelle espérance ! D’où l’exclamation de saint Paul : « Le Christ en vous, l’espérance de la gloire ! » (Col 1, 27). Nous pourrions le murmurer intérieurement quand nous communions : Le Christ en nous, l’espérance de la gloire ! Le pluriel est vital, ‘en nous’ et non pas ‘en moi’, car le Christ vit en moi si je le sais et le reconnais en mes frères.
La résurrection n’est pas une réincarnation : voilà une bonne nouvelle, la Bonne Nouvelle !
Ce n’est pas une vie terrestre sans fin que nous avons à mener, à recommencer sans cesse, à devoir s’adapter à des corps voire des espèces variées … Nous avons une seule vie terrestre pour entrer à la suite du Christ dans la Gloire !
Voilà la 1ère bonne nouvelle ; la 2ème, je vous la dirai dimanche prochain … Pour l’heure retenez ceci : la résurrection n’est pas une réincarnation, mais la glorification de tout notre être, la victoire définitive de l’amour !
Père Christian Lancrey-Javal, curé
Vous avez la possibilité de recevoir les homélies du Père Lancrey-Javal en remplissant ce formulaire