La fête de Noël est une fête de famille, la fête de toute famille : ce sera le thème de mon homélie samedi prochain, de la messe du 24, du ‘réveillon’, le terme vient de l’Ecriture : restez éveillés !
La fête de Noël est une fête de famille et tout autant une fête de la Création, de la vie donnéeet reçue, de la nature, une naissance à la campagne, entourée d’animaux, et les deux expliquent sa popularité : la famille et la Création. Ajoutons le merveilleux avec les anges et les mages, les trois vont ensemble, la Création, la famille, le merveilleux au meilleur sens du terme, du rêve qui se réalise, de la prière exaucée. La Création est associée au Père tout-puissant, Créateur du Ciel et de la terre, la famille au Christ, le Fils de l’homme, et l’Esprit-Saint fait pour nous des merveilles.
Lorsqu’il traite de « la participation de la famille chrétienne à la vie et à la mission de l’Eglise », quatrième de ses « devoirs principaux » après « la formation d’une communauté de personnes », « le service de la vie » et « la participation au développement de la société », Jean-Paul II utilise cette expression inattendue : « annoncer l’Evangile à toute créature ».
Voilà une 4ème expression à retenir, après « l’effort constant », « le style de vie simple et sobre », et l’importance « d’humaniser la société » : « annoncer l’Evangile à toute créature ». C’est « la consigne explicite et non équivoque du Christ : ‘Allez dans le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création’ » (Mc 16, 15) » (Familiaris consortio n. 54).
Que signifierait en effet une vie de prière en famille sans le respect de la Création ? Peut-il seulement y avoir une liturgie qui ne soit pas en soi une écologie ? Louange au Créateur !
Nous sommes choqués lorsque nous entendons parler de maltraitance animale, choqués de toute forme d’irrespect de la vie et de la planète, de notre consommation effrénée des ressources de la terre et des océans, pour le plaisir – de qui ou de quoi ? Le plaisir de dépenser sans compter ? Il y a un équilibre à trouver entre la mesquinerie des uns et la débauche ostentatoire on disait des nouveaux riches, leur indécence.
La famille chrétienne est le lieu où l’on apprend le respect de la Création, la ligne de crête entre retenue et prodigalité, discrétion et générosité, et les deux s’enseignent dans la vie quotidienne, avec ces modèles de la vie familiale que sont Marie et Joseph. L’évangile nous montre cette année Joseph, l’homme juste : pudique et généreux.
Il est charpentier : il travaille le bois, même si dans la terminologie de l’époque le terme désigne bien plus que ça, plus proche d’un architecte, un artisan polyvalent, mais gardons le travail du bois. Regardez travailler un charpentier, regardez-le façonner le bois, le mesurer, l’évaluer, le toucher, lui parler : est-il possible de respecter les personnes, les hommes et les femmes, et les enfants, sans respecter la matière, les objets, la Création ? Le bois est une créature, et depuis que le Seigneur m’a appelé, je porte sur mon cœur une petite croix en bois.
Joseph l’homme juste est un homme pudique et généreux : généreux dans sa réponse à Dieu, sa confiance dans une situation qui le dépasse, tout comme il est un modèle de pudeur à l’égard de Marie.
Cela ne concerne pas seulement l’enfant à venir, mais leur relation à Dieu : la vie de famille exige discrétion et retenue pour tout ce qui touche l’intime, y compris la vie spirituelle, la prière. En famille, comme en société, on n’expose ni la nudité de son corps, ni celle de son âme. La même pudeur s’impose à l’une et l’autre : on n’entre pas dans les détails, on fait attention à la façon dont on parle. Ce n’est pas un interdit : la pudeur n’est pas le tabou. C’est une question de fragilité et de délicatesse. La famille est le lieu où l’on apprend à nommer les choses, à donner des noms, leurs noms, aux êtres et aux choses, à mettre des mots (et non pas la main) sur les objets, sur les sentiments, sur les événements.
Après avoir, avec de la terre, « modelé toutes les bêtes des champs et tous les oiseaux du ciel, le Seigneur Dieu les amena vers l’homme pour voir quels noms il leur donnerait. C’étaient des êtres vivants, et l’homme donna un nom à chacun » (Gn 2, 19).
Tel est le respect de la Création en famille, qui commence par le respect du créé, le respect du vivant, de tout créature en hommage au Créateur.
Voyez comment les quatre devoirs principaux de la famille s’assemblent admirablement dans la fête de Noël : la formation d’une communauté de personnes dans l’assemblée de la messeet la fête en famille, dans « un effort constant » d’attention à chacun ; le service de la vie dans « un style de vie simple et sobre » qui donne toute sa place à l’adoration du nouveau-né deDieu, Dieu né de Dieu, premier-né d’une multitude de frères ; l’humanisation de la société autour du Prince de la Paix, en étant « humain pour devenir chrétien » ; et la participation à la mission de l’Eglise « d’annoncer la Bonne Nouvelle à toute la Création ».
Quoi de plus beau pour une famille que de prendre le temps de rendre grâce à Dieu, le louer pour ses bienfaits, de s’émerveiller dans une prière confiante au Créateur de tout bien. Loué sois-tu Seigneur !
Voilà le programme que je vous propose pour cette dernière semaine avant Noël : avec Joseph et Marie, respecter l’intimité de chaque personne, de chaque être avec son Créateur, en prenant exemple sur le don total qu’ils font d’eux, la discrétion de Marie, la pudeur de Joseph, la même foi en Dieu.
Joseph l’homme juste, pudique et généreux.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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