Dimanche des Rameaux et de la Passion - 5 avril 2020

Mt 26, 14 – 27, 66

 

Au début du Carême, au temps de la vie d’avant, qui nous paraît rétrospectivement comme celui de l’insouciance, je suis allé parler de la confession, plus exactement de la réconciliation à des élèves de Terminale d’un lycée catholique, dans le cadre d’une conférence mensuelle qui leur tient lieu de formation religieuse. Ils étaient 150, présence obligatoire, pas vraiment emballés. Difficile de parler de la confession à des baptisés qui ne vont plus à la messe, à plus de 90% ! et il faudra un jour se poser la question de l’appellation catholique de ces établissements dont si peu d’élèves le sont en sortant (catholiques). Difficile de parler du péché sans parler du Diable ; des tentations sans parler du Tentateur ; du péché sans parler de la mort. Nous célébrons en ce dimanche des Rameaux et de la Passion, et tout au long de la Semaine sainte, notre Salut. Sauvés de quoi ?

Sauvés de quoi ? De la mort ? Non, nous mourrons tous, nous passerons tous « par le chemin de tout le monde », suivant l’expression de la Bible. Nous ne mourrons pas tous de façon aussi atroce que Jésus : il est mort étouffé, asphyxié de souffrances. Nous ne verrons pas tous la mort arriver : les plus chanceux s’endormiront. Mais les temps que nous vivons nous amènent à y penser et à préparer ce passage angoissant. C’est le terme que l’évangile emploie pour Jésus : il a ressenti tristesse et angoisse, et il a demandé à ses disciples de ne pas le laisser seul : « Restez ici et veillez avec moi ». Auprès de chaque mourant, il faudrait un volontaire, des équipes de volontaires qui se relaient. Pour lui tenir la main, prier.

Dans le passé, on restait ensuite, après, auprès du mort, jusqu’à sa sépulture. Le récit aurait d’ailleurs pu s’arrêter là, à l’ensevelissement, quand le corps de Jésus est déposé au tombeau : « Marie Madeleine et l’autre Marie étaient là, assises en face du sépulcre ». Les hommes étaient partis, les femmes étaient restées près de la Croix. Puis près du tombeau. Elles sont parties à leur tour, remplacées par des soldats. Le récit se conclut comme il avait commencé : « Suis-je donc un bandit, pour que vous soyez venus avec des épées et des bâtons ? ».

Le Christ ne nous a pas sauvés de la violence ni de la mort. Ni de la maladie, alors qu’il avait ressuscité Lazare. Le Christ ne nous a pas sauvés de la souffrance. Il nous a sauvés du malheur éternel qui s’appelle l’enfer. La prière centrale de la messe, la 1èreprière eucharistique le rappelle de façon très explicite, au moment où le prêtre, avant d’invoquer l’Esprit saint en imposant les mains sur le pain et le vin, dit à Dieu, et il le dit en notre nom à tous : « Assure toi-même la paix de notre vie, arrache-nous à la damnation et reçois-nous parmi tes élus ».
Assure toi-même la paix de notre vie, de notre vie avec toi, auprès de toi, notre vie bienheureuse, en faisant de nous tes élus, « le petit nombre qui sera sauvé », c’est ce que signifie le mot ‘élus’. La porte est étroite (Lc 13, 23). Et pour cela arrache-nous à la damnation par la guérison du péché, la purification de notre cœur, et non pas la longévité de notre corps.

Mes amis, qu’y a-t-il de plus séduisant, de plus attrayant, de plus facile à vouloir ? La santé du corps ou la pureté du cœur ?
Eh bien, pour que vous sachiez que l’une a un intérêt relatif, certain, mais éphémère, tandis que l’autre est la condition du bonheur éternel, le Christ Jésus a enduré les supplices de la Passion, sans que la souffrance, la haine, la méchanceté et la mort n’aient la moindre prise sur son Amour pour nous. Et de son cœur ouvert sont sortis les sacrements de l’Eglise.

Le lendemain, les représentants du peuple se rendent chez Pilate, inquiets : « Seigneur (titre divin qu’ils donnent à un gouverneur romain), nous nous sommes souvenus que cet imposteur (en latin ‘seductor’) a dit de son vivant qu’après trois jours il ressusciterait. Ordonne que le sépulcre soit gardé pour éviter que ses disciples ne viennent dérober le corps et ne disent au peuple : ‘Il est ressuscité des morts !’ Cette dernière imposture serait pire que la première ».
Quelle est cette ‘première imposture’ dont ils parlent ?
Celle que le Grand prêtre avait révélée en adjurant Jésus « par le Dieu vivant, de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu » (Mt 26, 63). Je t’adjure de nous dire si elle est vraie, cette acclamation qui reconnaît en toi un envoyé de Dieu : ‘Hosanna au Fils de David !’.

Beaucoup ont cette vision de Jésus. Beaucoup d’entre vous aiment en Jésus son humanité. Ils espèrent qu’il est l’envoyé de Dieu qui saura se faire entendre de Lui, comme Marthe la sœur de Lazare le suppliait : « Je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera ». Jésus, mets fin à l’épidémie ! Jésus, assure la paix de notre vie !

Puis-je vous rappeler sa réponse : « N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive » (Mt 10, 34), le glaive de la Parole de Dieu qui va jusqu’au point de partage de l’âme et de l’esprit, et juge des intentions et des pensées du cœur (He 4, 12). Le glaive qui transperce le cœur de Marie, et de tous ceux dont le cœur souffre de la mort du seul Juste. Posez-vous la question : que ressentez-vous quand vous regardez, contemplez Jésus sur la croix ?

Nous pouvons faire de cette Semaine sainte un bel hommage à un homme admirable, Jésus, maître de sagesse, modèle de bonté, penser avec nostalgie aux rameaux que nous n’aurons pas cette année, être rassurés qu’il puisse y avoir des hommes d’une telle qualité, pour ‘sauver’ les autres. Ou bien nous prenons au sérieux le Salut, et chaque jour de cette Semaine, à chaque heure, nous invoquerons son Nom : Jésus Sauveur. « Tu l’appelleras du nom de Jésus car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés » (Mt 1, 21). Nous prêtres en portons le sigle sur nos vêtements liturgiques : IHS, Jésus Sauveur des Hommes.

Si nous ne voulons pas mourir étouffés par nos péchés, voici le souffle à donner à notre vie, voici la respiration de ces Jours saints, la prière permanente de notre cœur : « Jésus Sauveur, prends pitié de nous pécheurs ».

Jésus Sauveur, prends pitié de ceux qui meurent.

Jésus Sauveur, prends pitié de moi pécheur.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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