Hier à la Toussaint, nous avons fêté ceux qui sont au Paradis, dans le bonheur de Dieu, et nous prions maintenant pour ceux qui sont au Purgatoire. Hier nous nous sommes réjouis de ceux qui ont lavé leur vêtement dans le sang de l’Agneau, et nous leur avons demandé de prier pour nous. Aujourd’hui c’est nous qui prions pour ceux dont les péchés sont pardonnés mais pas encore réparés – nous disions expiés.
Le Purgatoire est un lieu de purification et de réparation.
La 1èrelecture, du livre des Martyrs d’Israël, relate l’acte plein de foi et d’espérance d’un des frères Maccabées (d’où l’ancien nom du livre – des (frères) Maccabées), qui offre « un sacrifice pour le péché … afin que les morts soient délivrés de leurs péchés ».
Ce texte du 2èmesiècle avant le Christ est limpide : « C’était un geste inspiré par la pensée de la résurrection. Car, s’il n’avait pas espéré que les morts ressusciteraient, cette prière aurait absurde et inutile ».
Cette résurrection, dit saint Paul, en 2èmelecture, du chapitre 15 de la Lettre aux Corinthiens, est le plus grand don de Dieu et du Christ lui-même : « Le Christ est ressuscité d’entre les morts, pour être parmi les morts le premier ressuscité ». Et tout l’enjeu de notre vie et de notre mort, comme de ceux qui nous ont précédés est de vivre et mourir dans le Christ pour avoir part à sa Résurrection.
Comment se fait cette purification, et en quoi est-elle nécessaire ?
La parabole de la vigne et des sarments rappelle qu’elle est l’aujourd’hui de notre vie, qu’il est absurde d’imaginer s’en passer, absurde et dangereux si nous voulons entrer dans la vie éternelle. Quel est le point commun de tous les Saints que nous avons fêtés hier ? Leur désir de sainteté. Nul ne l’est à l’insu de son plein gré. Il en faut en avoir le désir, la conscience et la volonté, puisque c’est par ces deux termes que la Congrégation pour la doctrine de la foi, dans un très rare enseignement magistériel sur les fins dernières, a défini l’âme : un élément spirituel doué de conscience et de volonté.
Voilà pourquoi le Purgatoire sera douloureux, en raison de la conscience que nous prendrons de nos fautes, avant même l’émondage de nos attaches mauvaises : Tout sarment qui est en moi mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ; tout sarment qui donne du fruit, il le nettoie, pour qu’il en donne davantage.
Saint Augustin, dans un sermon sur la dédicace des églises (Office des Lectures du dernier dimanche d’octobre), utilisait une autre image : « lorsque les croyants sont catéchisés, baptisés, formés, c’est comme s’ils étaient sciés, ajustés, rabotés par le travail des charpentiers et des bâtisseurs ». Il ajoutait : « Cependant, on ne fait la maison de Dieu que lorsque la charité vient tout assembler ».
La vigne ou la construction sont deux belles images qui nous empêchent toutefois d’accorder l’attention requise à la dynamique d’entrée dans la vie éternelle, au mouvement, de l’âme qui s’élève vers Dieu comme l’encens dans la prière du soir.
Saint Jean de la Croix compare l’âme humaine à un oiseau qu’un fil attaché à sa patte empêche de s’élever. Ah ! si nous n’avions qu’un seul fil qui nous empêche de nous élever …
La Purification de l’âme, la réparation de nos fautes, le rachat des péchés est la condition pour que l’âme des défunts puisse monter au Ciel, à la suite du Christ et de son Ascension auprès du Père.
On ne peut s’élever qu’en s’enracinant. C’est le rôle de l’éducation, religieuse, d’une culture, d’une tradition, en l’occurrence d’une tradition de prière, une tradition liturgique. Voilà ce que représente le rite chrétien de l’enterrement : les défunts sont inhumés pour renouer avec leurs vraies racines et pouvoir s’élever dans la Gloire du Ciel. L’usage d’incinérer les corps ne le contredit pas qui insiste davantage sur la purification des péchés.
L’un comme l’autre n’ont de sens que par le lien des défunts à la communauté des croyants, au Corps du Christ qu’est l’Eglise. C’est ce que signifiait l’ancienne expression ‘Hors de l’Eglise, point de Salut’ : hors du Christ, pas de Paradis.
Prions pour que nos défunts et nous-mêmes acceptions de nous unir au Christ, pour que nous puissions tous nous retrouver auprès de Lui. « En dehors de moi, vous ne pouvez rien faire » dit le Christ, comme une autre façon de dire ce qu’il disait à Thomas qui prétendait ne pas savoir le chemin … « Moi, Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père sans passer par moi » (Jn 14, 6).
Hors du Christ, pas de Paradis.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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