2ème dimanche de l'Avent - 9 décembre 2018

Lc 3, 1-6

 

Le 2ème dimanche de l’Avent est un mystère lumineux, non pas au sens des mystères lumineux du Rosaire, plutôt par sa proximité avec la fête de l’Immaculée Conception, célébrée comme une fête de lumière : il est un dimanche de lumière comme le 2ème dimanche de Carême est celui de la Transfiguration. Après une entrée en matière, toute en rupture, puisque le 1er dimanche de Carême est l’envoi au désert, tandis que le 1er dimanche de l’Avent appelle au réveil et à la vigilance – ce 2ème dimanche mérite d’être considéré pour lui-même.

La place de deuxième est difficile. C’est la vocation chrétienne par excellence, du messager : elle est l’identité de Jean-Baptiste qui annonce que celui qui vient après lui existait avant lui, et sera le Christ, le Messie.

Dans une fratrie, le deuxième est l’enfant rebelle : c’est la place de tous les révolutionnaires de l’Histoire, à l’exception du Che Guevara qui avait eu une santé fragile et enfance à part, choyé et dorloté par ses grands-mères. Les deuxièmes doivent se rebeller pour exister. C’est autre chose que de choisir librement cette place qui est le propre de la vocation chrétienne, de la Deuxième Alliance.
C’est le rôle de la lumière de rejeter les ténèbres, et la raison pour laquelle nous commençons nos messes en reconnaissant nos péchés, la raison pour laquelle ce temps de l’Avent, temps de joie, se célèbre avec des ornements violets.

Les trois figures de l’Avent, Isaïe, Jean-Baptiste et Marie, ont fait le choix de s’effacer devant plus grand. Pour Isaïe, il s’agit d’honorer la transcendance de Dieu : à Lui, tout honneur et toute gloire. On dit de ses écrits (que nous lisons aux messes de semaine pendant l’Avent) qu’ils sont ‘poétiques’, autant dire incompréhensibles … C’est la transcendance de Dieu qui le rend obscur, par éblouissement de lumière. Isaïe est un auteur qui n’a pas cherché à exister pour lui-même : il a porté au plus haut degré la vocation de messager. Sa devise est : « Me voici, envoie-moi ». « J’entendis la voix du Seigneur qui disait : « Qui enverrai-je ? Qui ira pour nous ? » Et je dis : « Me voici, envoie-moi » » (Is 6, 8).
Lorsqu’un évêque est nommé, l’usage veut qu’il se choisisse une devise. Celle de notre évêque Mgr Michel Aupetit, est : « Je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10, 10). Nous-mêmes prêtres, au jour de notre ordination, nous choisissons une phrase qui éclaire notre consécration. Dans l’Ancien Testament, le nom de la personne avait cette signification : Isaïe signifie ‘Dieu, sauve’. Isaïe = le Salut de Dieu, c’est le résumé de l’évangile de ce dimanche : « tout être vivant verra le salut de Dieu ».

Jean-Baptiste était prophète lui aussi, le dernier des prophètes avant le Christ : « Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean. Il est venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui. Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière » (Jn 1, 6-8). Le Prologue de saint Jean concluait par le passé chacune de nos messes : nous l’entendrons au matin de Noël et au soir du 31, le plus grand texte de toute l’Ecriture. « A tous ceux qui l’ont accueilli, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu ».

La lumière de Noël vient de la place que nous donnons aux enfants. C’est ainsi que nous représentons la Vierge Marie, totalement consacrée à la mission de son Fils : elle est Vierge de lumière quand elle nous donne Jésus. Sa ‘devise’ est semblable à celle d’Isaïe : « Voici la servante du Seigneur. Qu’il me soit fait selon ta parole ».

Le Père Maurice Zundel racontait une discussion d’enfants qui venaient de faire leur première communion et comparaient entre eux ce qu’ils avaient ressenti. Une petite fille a eu ce mot : ‘Eh bien moi, il m’efface’. Ne l’entendez pas comme si cela signifiait qu’on n’existerait plus, au contraire, c’est l’accomplissement de la promesse de Dieu quand il effacera tout ce qui nous trouble et nous sépare de lui, ‘quand il essuiera toute larme de nos yeux’. Nous existons pleinement quand nous acceptons la primauté de Dieu, quand nous comprenons notre vocation chrétienne de deuxième : Par Lui, avec Lui et en Lui. Trop d’enfants sont élevés avec l’obligation d’être les meilleurs, trop de parents rêvent que leurs enfants soient les meilleurs. La juste formulation n’est pas qu’on soit les meilleurs mais qu’on devienne meilleur. En donnant la première place à l’amour de Dieu.

Maintenant il nous faut revenir à la première partie de l’évangile qui liste six leaders terrestres littéralement les protagonistes de l’époque, l’empereur Tibère, Ponce Pilate le gouverneur, le roi Hérode, un autre roi son frère Philippe, et deux grands prêtres Hanne et Caïphe, six noms de petits potentats, et le septième, Jean. Six hommes qui ont été de tristes exemples de la propension humaine à sauver sa peau. C’est le mot d’ordre actuel, dans le sauve-qui-peut, où chacun veut sauver sa peau.
Mais il faut bien qu’il y en ait qui prennent la tête, qui assument cette fonction ! L’objection est sérieuse à la vocation chrétienne de deuxième : tout groupe, toute communauté, toute société a besoin d’un leader, et l’Eglise ne déroge pas à cette règle avec le Pape à sa tête, un évêque à la tête de chaque diocèse, un curé par paroisse. Deuxième vraiment, une vocation chrétienne ?
En ce domaine l’Eglise ne déroge pas non plus aux péchés des hommes, tant par sa hiérarchie exclusivement masculine que par ses abus de pouvoir, car ce sont les deux grands péchés de l’humanité que l’inégalité homme femme, et l’absence de fraternité – collégialité. Le risque mégalo menace tous les numéros un (il les menace et les attire). L’Eglise est sainte lorsque le Pape est la voix du Christ, l’évêque fidèle au pape, le curé à l’évêque, tous consacrés au salut des âmes. Nous sommes tous le deuxième de Quelqu’un. Méfiez-vous de celui qui le dénie, l’enfant de ses parents, le travailleur de ses mandants, l’époux de son épouse, le curé comme l’évêque de l’Eglise.

J’ai trouvé chez Zundel une réflexion lumineuse sur la responsabilité des leaders : leur rôle est d’assurer un espace de sécurité qui devienne un espace de générosité. « How beautous mankind is – Combien belle est l’humanité écrivait Shakespeare dans un de ses sonnets. Rien n’est plus vrai à condition qu’elle soit et que l’on ne l’empêche pas d’être, en refusant fût-ce à un seul homme, cet espace de sécurité qui lui permettra de faire de lui-même un espace de générosité » (‘Quel homme et quel Dieu’, retraite au Vatican de 1972).

C’est la tension, voire la contradiction que nous vivons quand nous imaginons que cet espace de sécurité est un espace de confort, alors qu’il faut choisir entre liberté et confort. Demandez à Jean-Baptiste : il a renoncé à son confort ; il a préféré la liberté. « Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour rendre témoignage à la Lumière » (Jn 1, 8). Il a accompli le premier sa vocation de deuxième. Nous sommes tous le deuxième de Quelqu’un. Et nous Chrétiens du Christ Jésus. Deuxième, une vocation chrétienne.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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