Dimanche de l'Epiphanie - 7 janvier 2018

Mt 2, 1-12

 

C’est vrai ou c’est pas vrai les mages ?

J’aurais pu poser la question à Noël à propos des anges : ça existe ou pas les anges ? Sauf que ceux qui ne croient pas aux anges ne croient pas au diable, qui au départ était un ange. Comme tous les bébés, comme tous les êtres vivants, comme toutes les créatures de Dieu. J’ai rencontré des fiancés qui se demandent s’ils vont se marier à l’Eglise. Tout à la fin, le fiancé me dit que pour lui ‘Dieu est une création de l’homme’. Que voulez-vous répondre ? C’est une formule épatante, multi-usages, il suffit de changer le sujet : le diable est une création de l’homme. Les mages sont une création de l’homme. Etc. etc. Je lui ai répondu : vous allez être bien surpris.

Il y a deux arguments qui peuvent faire douter de l’existence des mages : saint Matthieu est le seul à en parler, et son récit est teinté de merveilleux, ce que l’évangile n’est pas. C’est d’ailleurs le principal motif de désaffection de l’Eglise catholique, la raison pour laquelle il y a de moins en moins de Catholiques pratiquants : dans un monde d’illusions, nous refusons de vendre du rêve. – ‘Vous proposez le paradis ?’ – Certes sauf qu’il n’est accessible qu’à ceux qui ne mentent pas.
Le récit des mages est une belle page sur le refus du mensonge : mensonge du roi Hérode qui prétend vouloir se prosterner devant l’enfant. Les mages, eux, ne manquent pas à leur parole en ne retournant pas chez Hérode. La question m’est souvent posée de la validité d’un engagement pris auprès d’une personne malhonnête, qui plus est investie d’une autorité. La réponse est : si la personne vous ment, coupez court.

La première fonction des mages est de rappeler que, dans un monde corrompu, et quel que soit le degré de corruption, il existe des personnes honnêtes. C’est la première qualité des mages : ils sont honnêtes. Ils arrivent à Jérusalem et ils disent le but de leur voyage : ils ne racontent pas d’histoires. Ils sont riches, vu la façon dont ils sont accueillis et vu les présents qu’ils font. Ils sont riches de multiples savoirs, accumulés à force d’études. Ils sont riches et honnêtes : oui, c’est possible. C’est affaire de travail et de courage.

Ils sont honnêtes avec eux-mêmes : comme les bergers qui sont allés voir ce que les anges avaient annoncé, les mages sont allés voir ce que leurs recherches indiquaient. C’est le seul reproche que je fais aux incroyants : ils sont rarement honnêtes avec eux-mêmes.

Les mages sont honnêtes : ils brillent comme des astres dans la nuit, la nuit qui s’était abattue sur Jérusalem. L’évangile dit en effet qu’en apprenant la naissance du Messie, « le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui ». La Ville sainte vibrant au diapason du tyran ! Qu’Hérode soit bouleversé est normal, mais pas « tout Jérusalem avec lui » !
Comment peut-elle être ‘avec lui’ ? – lui qui convoque les grands prêtres pour traiter ensuite avec les mages en secret ? On dit que c’est le propre de la diplomatie d’œuvrer dans la discrétion. C’est la perte de la politique que les tractations secrètes qui se font au détriment du peuple et de l’intérêt commun. Celui qui fait la vérité vient à la lumière (Jn 3, 21).
Souvenez-vous dimanche dernier, dans l’évangile, de la prophétie du vieillard Syméon : cet enfant, disait-il à Marie en parlant de Jésus, « provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction – et toi, ton âme sera traversée d’un glaive – : ainsi seront dévoilées les pensées qui viennent du cœur d’un grand nombre » » (Lc 2, 35). On sait les pensées qui sont venues au cœur du roi Hérode après que les mages furent repartis : « il entra dans une violente fureur. Il envoya tuer tous les enfants jusqu’à l’âge de deux ans à Bethléem et dans toute la région, d’après la date qu’il s’était fait préciser par les mages » (Mt 2, 16). L’évangile de Luc et l’évangile de Matthieu sont tout à fait cohérents et très loin du merveilleux dont on voudrait affubler cette histoire.

Il y a quelque chose d’assez comparable entre l’histoire des mages et celle de saint Nicolas transformé en Père Noël : deux fêtes populaires méprisées par les élites qui ignorent ce qui est populaire dans ce qui est commercial. 6 décembre saint Nicolas, 6 janvier l’Epiphanie. Dans le premier cas, le crime a eu lieu avant Noël et avant que saint Nicolas vienne ressusciter les enfants tués par l’ogre. Pour les mages le crime a lieu après Noël et après leur départ. Le rôle de l’ogre est tenu par Hérode. Dans les deux cas, la lumière vient du Christ. C’est en lui que tous les enfants assassinés reprendront vie.

La visite des mages et le massacre des saints innocents sont un enseignement profond sur la foi et l’espérance : qu’est-ce qui fait que nous pouvons affirmer que les mages ont existé ? Indépendamment de toutes les informations plutôt satisfaisantes concernant les phénomènes astrologiques qui ont eu lieu à ce moment-là ?

La réponse est : l’adoration véritable.

« L’amour ne cherche pas son intérêt » (1 Co 13, 5). Les mages ne demandent rien à Jésus. Ils se prosternent devant lui. Ils déposent leurs offrandes. Et ils repartent par un autre chemin. Si les mages avaient été une invention humaine, ils auraient demandé quelque chose pour eux ou leurs proches, ils auraient été comme tous ces chrétiens qui ne le sont plus parce que ‘ça ne leur apporte rien’.

Quel est le cadeau qui leur est fait ? L’amitié véritable. Avec Jésus et entre eux. Ils ne se connaissaient pas. Ils avaient marché plusieurs milliers de kilomètres, l’un depuis le Soudan, les sources du Nil, le deuxième depuis l’Inde lointaine, le troisième des chaînes mongoliques. Ils se sont retrouvés au bord de la Mer morte, à l’entrée de la Terre sainte. Ils sont repartis ensemble : ils sont devenus amis parce que, pour être amis, il ne suffit pas d’une sympathie, d’une affinité ou d’une histoire. Il faut un horizon plus grand, un avenir, un projet, une espérance en commun. C’est le deuxième vœu que je forme pour vous pour cette année, après l’honnêteté sur le modèle des mages : je vous souhaite de vous faire des amis véritables, comme les mages le sont devenus grâce à Jésus. Grâce à l’adoration véritable.

Et le troisième vœu ?

Il est de faire comme les mages qui « regagnèrent leur pays » au singulier, et non pas leurs pays au pluriel : ils vivent désormais dans le même pays, le Royaume de Dieu, notre pays à nous Chrétiens où Dieu se fait petit enfant et où l’Amour est roi.

Trois bons vœux pour cette année : l’honnêteté, l’amitié et l’unité dans la foi.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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