Pourquoi les divorcés remariés, divorcés d’un mariage catholique et remariés civilement, ne peuvent-ils plus communier ? Parce qu’ils ne sont plus dans la communion des sacrements. Toute rupture, toute entorse à l’égard d’un sacrement se répercute sur les autres sacrements. De même qu’il n’est pas possible de communier si on ne s’est pas confessé depuis longtemps. Pourquoi alors les baptisés non confirmés peuvent-ils se marier religieusement ?
Parce que nous ne sommes pas cohérents. L’Eglise de France a renoncé à exiger des baptisés qu’ils soient confirmés pour se marier au motif qu’ils ne se feraient pas confirmer ‘librement’. En France, les trois quarts des baptisés ne sont pas confirmés. Moins de 300.000 baptêmes chaque année. 40.000 confirmations.
Le premier geste de la confirmation est d’imposer les mains. Confirmer signifie affermir, donner de la fermeté : c’est Dieu qui confirme son amour de toujours, qui donne sa force, et non pas la personne qui viendrait ratifier son baptême, qui confirmerait son accord avec le baptême reçu à la naissance. La confirmation est devenue une sorte de ‘bar-mitsva’ (où le jeune garçon juif accède à sa majorité religieuse). Elle est proposée à l’adolescence, au pire âge d’engagement et d’auto-identification. Un peu comme les parents qui ‘proposent’ à leurs enfants d’aller se coucher. Ou de manger proprement.
Le deuxième signe, essentiel, de la confirmation est l’onction avec le saint-Chrême, qui vient renouveler l’onction faite au moment du baptême. Le baptême du nouveau-né est constitué de quatre signes : le baptême d’eau et d’esprit, l’onction avec le saint-Chrême, la remise du vêtement blanc, et le cierge allumé à la lumière de Pâques, de la Résurrection. L’onction est alors accompagnée de cette explication : « Tu es maintenant baptisé. Le Dieu tout puissant, Père de Jésus, le Christ, notre Seigneur, t’a libéré du péché et t’a fait renaître de l’eau et de l’Esprit-Saint. Désormais, tu fais partie de son peuple, tu es membre du Corps du Christ, et tu participes à sa dignité de prêtre, de prophète et de roi. Dieu te marque de l’huile du salut afin que tu demeures dans le Christ pour la vie éternelle ».
Pourquoi recommencer cette ‘chrismation’ au moment de la confirmation ?
Elle est renouvelée (et non pas répétée) : elle est portée à un niveau supérieur en étant faite par l’Evêque et non plus le prêtre ou le diacre, pour signifier un lien nouveau à l’Eglise, suivant l’adage ancien : là où se trouve l’Evêque, là se trouve l’Eglise. La confirmation vient agréger de façon nouvelle le baptisé à l’Eglise toute entière, lui donnant un appui, en l’appuyant à une communauté plus large que sa famille de naissance.
Le troisième signe de la confirmation est une joie profonde, attestée par tous ceux qui reçoivent cette onction de douceur et de force. Ils découvrent que l’Eglise est là pour soutenir, et non pour écraser. Et chaque fois que nous souvenant de ce don de Dieu nous prions l’Esprit saint, nous prenons cet appui, nous trouvons ce soutien dont nous avons besoin.
Le baptême crée un lien personnel avec le Christ : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » (Gal 2, 20). La communion fait grandir cette relation d’amour, relation divine qui ne serait pas complète sans l’Esprit Saint : la confirmation vient compléter notre lien au Christ en nous agrégeant à son Corps qui est l’Eglise, par le don de l’Esprit.
Il y a vingt ans mourait le philosophe Cornelius Castoriadis, qui fut un des grands penseurs de l’autonomie. Nous devrions nous y intéresser car c’est ce que nous cherchons dans l’Eglise : une juste autonomie de la personne. C’est une part essentielle de notre liberté, la capacité aussi bien d’initiative que d’assumer ses choix.
Cornelius Castoriadis s’intéressait à la personne comme à la société, à la psychanalyse comme à la sociologie. Il avait l’intelligence de rapprocher les choix que nous faisons des problèmes que nous rencontrons. Il s’inquiétait des solutions cherchées individuellement aux problèmes engendrés socialement : par exemple, face au chômage, dans un marché du travail de plus en plus désorganisé, le réflexe individuel est d’apprendre à se vendre pour survivre, dans un lien faussé à l’emploi. Or non seulement tout le monde n’en a pas la capacité – de trouver des solutions de survie aux problèmes collectifs, mais il n’est pas sûr qu’elles existent : il n’est pas sûr qu’il existe de solutions individuelles aux problèmes engendrés socialement. Il faut réentendre les voix de ceux qui depuis longtemps nous alertent : s’il y a une chance de résoudre des problèmes engendrés socialement, la solution ne peut être que collective. On peut penser à l’écologie et à l’avenir de la planète. Il en va effectivement de l’avenir, car ce n’est jamais que la traduction sur le plan social de la réalité religieuse : s’il y a une chance d’accéder à la vie éternelle, cela ne peut se faire que par le Christ et l’Eglise. Je le dirai tout à l’heure en présentant l’Hostie : voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde.
Mieux encore, en matière de foi et de Salut, notre appartenance communautaire prime sur nos mérites personnels. Plus exactement, notre lien au Christ, dans l’Esprit, est l’unique source de nos mérites. Il est plus salutaire et vivifiant d’aller à la messe le dimanche, de participer à la prière commune que de faire dans son coin une bonne action ce jour-là. Dieu sait pourtant qu’il y a de la joie à faire du bien ! Pourquoi ne le vivons-nous pas à la messe ? Il nous faut re-trouver la joie et la grandeur de ce qui rassemble, unit, construit et contribue à une réponse collective et fraternelle aux péchés du monde. Les nôtres (nos péchés) peuvent être ‘remis’, pardonnés, mais ceux du monde ?
L’autonomie est le contraire de l’individualisme. Elle est l’appropriation et l’intériorisation de la Loi. Elle est la capacité à faire le bien de soi-même, porté par une force commune, la force de l’Esprit-Saint. Voilà ce que vient initier la confirmation dans l’âme du baptisé : une juste autonomie à l’égard de la Loi et de la Communauté, pour ne pas chercher à s’en affranchir, mais l’assumer comme un appui. Pour aimer plus et mieux. Tel est le don de l’Esprit.
Souvenez-vous de votre joie quand, petit enfant, vous avez été enfin autorisé à sortir tout seul, comme un grand. L’ivresse de la liberté ! Au jour de la Pentecôte, les Apôtres sortent, « comme des grands » !
C’est la douce joie de la confirmation : le sacrement de l’autonomie chrétienne.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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