Vendredi Saint - 30 mars 2018

Jn 18,1- 19,42

 

Pourquoi Jésus est-il mort ?

La réponse n’est pas évidente. Pilate lui-même par deux fois dit : « Je ne trouve en lui aucun motif de condamnation » (Jn 19, 4. 6).

Le petit groupe d’accusateurs, car il ne faut pas imaginer une foule en grand nombre, ce petit groupe composé par « les grands prêtres et les gardes » donne alors le motif : « suivant la Loi il doit mourir, parce qu’il s’est fait Fils de Dieu » (Jn 19, 7). Quand Pilate entend ces paroles, il redouble de crainte. On peut faire de Pilate un personnage falot et peureux : ce serait mal connaître l’empire romain.

Le texte dit ensuite comment le sort de Jésus s’est joué : Pilate cherchait à le relâcher, mais des Juifs se mirent à crier : « Si tu le relâches, tu n’es pas un ami de l’empereur. Quiconque se fait roi s’oppose à l’empereur » (Jn 19, 12). C’est pourquoi Pilate fera placer cet écriteau sur la croix ; il était écrit : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs » (Jn 19, 19). Pour nous qui avons célébré hier soir le lavement des pieds, nous savons à quel point cette affirmation est fausse : Jésus ne s’est pas fait roi mais serviteur. Tout au long de l’évangile, nous voyons son refus de toute royauté terrestre : après la multiplication des pains, Jésus, sachant « qu’ils allaient venir l’enlever pour faire de lui leur roi, de nouveau se retira dans la montagne, lui seul » (Jn 6, 15). Jésus n’est pas le roi des Juifs. Jésus n’est pas le roi des Chrétiens. Jésus est le Roi de l’Univers.

Qui peut le plus peut le moins ?

C’est ce qui ressortait dimanche des injures des passants dans la Passion selon saint Marc : « Hé ! toi qui détruis le Sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, descends de la croix ! ». De même, les grands prêtres se moquaient de lui avec les scribes, en disant entre eux : « Il en a sauvé d’autres, et il ne peut pas se sauver lui-même ! Qu’il descende maintenant de la croix, le Christ, le roi d’Israël ; alors nous verrons et nous croirons » (Mc 15, 29-32).

Je vous signale que nous raisonnons de façon comparable quand nous nous indignons que Dieu, le Père tout-puissant, le Créateur du ciel et de la terre, ne vienne pas nous guérir d’une maladie ou nous délivrer d’une épreuve : il a créé le monde, il a sauvé son peuple, et il ne viendrait pas nous guérir ?

Saint Jean donne dès le début du récit le motif de condamnation de Jésus, quand Jésus dit que sa royauté n’est pas de ce monde : « si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. » Pilate lui dit : « Alors, tu es roi ? » Jésus répondit : « C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix » (Jn 19, 36-37).

Et Pilate de répondre : « Qu’est-ce que la vérité ? ».

Ayant dit cela, il sort de nouveau et déclare : « Moi, je ne trouve en lui aucun motif de condamnation ». Il vient pourtant de l’exprimer : Jésus est mort pour avoir rendu témoignage à la vérité. Pour avoir dit la vérité aux Pharisiens qu’ils étaient des hypocrites et des amis de l’argent, comme nombre d’amis de l’argent aujourd’hui sont des pharisiens … Pour avoir dit aux puissants de ce monde qu’ils abusaient de leurs pouvoirs, qu’il soit financier, politique, moral ou religieux.

Jésus est mort pour avoir dit la vérité, comme tant d’autres avant lui et tant d’autres après lui : c’est le destin des prophètes, des messagers de l’évangile et de tous les porteurs de nouvelles. Bonnes ou mauvaises : ce n’est pas la nature de la nouvelle qui fait qu’on s’en prend à celui qui l’annonce. Mais le changement, la conversion qu’elle implique : « Convertissez-vous et croyez à l’Evangile, à la Bonne Nouvelle » – en est la version positive. La version plus négative est : « Souviens-toi que tu es poussière et retourneras en poussière ».

Souvenez-vous ce soir de tous ceux à qui vous ne parlez plus, que vous ne voulez plus voir, avec qui vous êtes brouillés, parce qu’ils vous ont dit quelque chose que vous ne vouliez pas entendre, une vérité qui vous est insupportable. Ce n’était pas à eux de le faire ?

Peut-être : cela nous amène à la différence avec Jésus, à la spécificité de Jésus, à la divinité de Jésus : il dit la vérité parce qu’il est lui-même, en personne, la vérité. La vérité n’est pas une théorie ni une doctrine : elle est Dieu fait homme, l’incarnation de l’amour.

Chaque fois que nous proférons un mensonge, que nous disons ou que nous faisons un mensonge, nous participons à la crucifixion de l’Amour.

Quand vous êtes allés vous confesser ces jours-ci, – vous pouvez encore y aller demain, ou la semaine prochaine, il n’est jamais trop tard ! – vous avez réfléchi à ce qui vous pesait, sur le cœur, sur la conscience, que vous regrettiez, dont vous n’étiez pas fiers, que vous ne voudriez pas recommencer. Dans tous les cas, sans exception, il s’agissait de mensonges. En pensée, en parole ou en acte. Toute injure est un mensonge. Tout refus de prière est un mensonge. Tout manque d’amour est un mensonge.

La Passion du Christ, c’est la passion de la vérité.

Nous allons à présent faire monter vers Dieu la grande prière du Vendredi Saint. Qu’elle soit portée par la demande que Jésus a lui-même adressée à son Père : «  Consacre-les, sanctifie-les dans la vérité » (Jn 17, 17).
Nous pourrons ensuite communier au Corps du Christ : que nous puissions le faire, comme il le veut, « en esprit et en vérité » (Jn 4, 23).
Et puis chacun pourra venir vénérer, embrasser la Croix : en mettant un genou à terre, nous demanderons au Seigneur de purifier de notre vie tout ce qui nous sépare de lui, tout ce qui a besoin d’être relevé, redressé, sauvé.

La Passion du Christ, c’est la passion de la vérité.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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