J’ai dit Mardi aux enfants du Catéchisme qu’ils devaient être fiers d’être à l’église, de venir au Catéchisme, d’apprendre à connaître Dieu. J’étais comme à chaque début de séance en train de leur raconter l’évangile du dimanche suivant, quand je me suis interrompu : tenez-vous bien s’il vous plaît ! Asseyez-vous correctement. Vous n’êtes pas des sacs à patates, vous n’êtes pas des petits oiseaux : vous êtes des enfants de Dieu. Les sacs à patates, on les pose comme ça sur un banc, broum … Vous êtes des enfants de Dieu !
Quel est le bonheur que vous voulez dans la vie : est-ce que c’est le bonheur des vaches ? Les enfants comprennent d’eux-mêmes ce que cela signifie.
Je leur disais cela d’autant plus sincèrement qu’il m’arrive moi-même de m’asseoir comme un sac à patates, et que j’ai connu le bonheur des vaches. J’y pense parfois dans mon bureau, quand je reçois en entretien : tiens-toi bien ! Assieds-toi correctement, honore cette personne qui te fait confiance. A votre avis, cette voix intérieure vient-elle de l’Esprit saint ou de mon éducation ? Et lorsque nous ne répondons pas à une invitation, pour revenir à la parabole, est-ce contraire à l’Esprit Saint ou un manque d’éducation ?
Lorsqu’il s’agit de Dieu, de la messe le dimanche, notre présence vient de l’Esprit saint.
Que nous puissions être pleins de gratitude pour nos parents, nos éducateurs, ceux qui nous ont appris à respecter le sacré, certainement. Une invitation à des Noces est sacrée, non pas du fait que le mariage soit religieux, et dans cette parabole, il n’est question que du repas. Une invitation à des Noces est sacrée parce qu’elle est une des plus hautes marques de confiance, de confiance plus que d’affection, et la confiance est sacrée.
Ce roi faisait confiance à ses invités, censés comprendre l’honneur qu’il leur faisait. Son invitation était désintéressée : un roi n’attend rien de ses sujets, ni approbation, ni réélection, ni rémunération, tout lui appartient. J’aime cette prière qui dit à Dieu : nos chants n’ajoutent rien à ce que tu es.
« Tu n’as pas besoin de notre louange, et pourtant c’est toi qui nous inspires de te rendre grâce : nos chants n’ajoutent rien à ce que tu es, mais ils nous rapprochent de toi, par le Christ, notre Seigneur » (4ème préface eucharistique).
Elle s’applique à cette parabole, comme à notre présence à cette messe : Seigneur, tu n’as pas besoin de notre amour, et pourtant tu nous aimes, et ton amour nous inspire à chacun, par la grâce de l’Esprit saint, de t’aimer à notre tour. Nos chants, nos prières, nos actions n’ajoutent rien à ce que tu es, mais nous rapprochent de toi, par Jésus Christ, notre Seigneur.
L’amour de Dieu n’est pas intéressé : il est pure confiance. On ne peut qu’adorer : c’est grand.
Dans la parabole, la première façon de ne tenir aucun compte de l’invitation du roi, d’y être indifférent, la négliger (‘neglexerunt’, dit la Bible latine) est de donner la priorité au travail : ils « s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à son commerce ». Ils n’ont pas le temps.
L’autre façon est la violence, de ceux qui « empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent et les tuèrent ». Le roi se mit en colère contre eux : « il fit périr les meurtriers ». Et si le texte ne dit pas ce qu’il advient à ceux qui avaient préféré partir au travail (on peut espérer qu’ils font partie de ceux sont été ramassés en vrac, ‘les mauvais comme les bons’), il fait preuve de la même sévérité à la fin, pour celui qui ne porte pas le vêtement de noce.
Il y a ceux qui n’ont pas le temps. Ceux qui réagissent comme des bêtes sauvages. Et il y a les rabat-joie et les pisse-froid, signe qu’il ne suffit pas d’être à la fête, dans la salle des noces, si c’est pour y faire la tête.
Saint Luc, qui raconte également cette parabole, la raconte différemment. Il pointe lui aussi le caractère gratuit, désintéressé de l’invitation, nous enjoignant à faire de même : « Quand tu donnes un déjeuner ou un dîner, n’invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni de riches voisins ; sinon, eux aussi te rendraient l’invitation et ce serait pour toi un don en retour. Au contraire, quand tu donnes une réception, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles ; heureux seras-tu, parce qu’ils n’ont rien à te donner en retour : cela te sera rendu à la résurrection des justes » (Lc 14, 12-15).
Et comme un des convives s’exclame : « Heureux celui qui participera au repas dans le royaume de Dieu ! », Jésus raconte l’histoire d’un homme qui « donnait un grand dîner, et avait invité beaucoup de monde. À l’heure du dîner, il envoya son serviteur dire aux invités : “Venez, tout est prêt”. Mais ils se mirent tous, unanimement, à s’excuser. »
Sauf que, dans le texte de saint Luc, on entend les prétextes qui sont ridicules : “J’ai acheté un champ, et je suis obligé d’aller le voir”. “J’ai acheté cinq paires de bœufs, et je pars les essayer”. “Je viens de me marier, et c’est pourquoi je ne peux pas venir” (Lc 14, 20).
Ici, dans le texte de saint Matthieu, les invités ne disent rien, pas un mot. Comme l’homme qui ne porte pas le vêtement de noce et que le Roi interroge : il garde le silence.
Vous pouvez ne pas croire en Dieu. Vous pouvez ne pas aller à la messe. Vous pouvez ne rien vouloir changer à votre vie, ne rien faire pour les autres. Vous pouvez faire ce que vous voulez, mais vous le dites, sans attendre le dernier moment, quand tout est prêt. Quand vous savez qu’on compte sur vous. Pas fiable. Toute une gradation, de ‘pas très fiable’ jusqu’à : trahison.
A la messe, l’assemblée garde le silence la plus grande partie du temps, hormis les chants ou répons, pour que chacun puisse répondre librement au Seigneur dans son cœur. Et dans sa vie.
Jésus j’ai confiance en toi. Je sais que la seule chose que tu nous demandes est de te répondre. Ecouter et répondre. C’est une question de confiance : le dialogue se construit dans le temps, de sorte que chacun puisse faire valoir à l’autre ses désirs comme ses contraintes, ses goûts comme ses empêchements. Chacun prend l’autre au sérieux, en sachant que, quoi qu’il arrive, il sera entendu. Un pauvre crie, le Seigneur entend.
Jésus je n’avais pas vraiment confiance en moi. Ou plutôt je ne pouvais pas avoir confiance en moi en sachant de quoi je suis capable : capable de vivre tout seul, pour moi, sans toi, en profitant des autres, comme si tu n’existais pas, comme si les autres n’existaient pas, comme si tu ne nous appelais pas, comme si tu ne nous attendais pas.
Seigneur, en venant à toi, je découvre à quel point tu as confiance en moi, que tu es un Dieu d’amour, d’indulgence et de tendresse, que tu nous aimes chacun d’un amour infini. Aide-moi à être digne et fier de ta confiance, heureux de ton amour.
Confiance, il nous aime.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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