L’année de mon arrivée comme curé de cette paroisse, il y a quatre ans, dans l’édito de la feuille de messe du 13 janvier 2013, j’ai titré : objectif baptême d’adultes. C’est le signe de vie d’une communauté. Il y en a eu tous les ans, trois ou quatre en moyenne, c’est insuffisant et c’est mon regret. C’est le moment, mes amis, dans la vie, de voir ce qui ne va pas, de prendre des résolutions d’année nouvelle, de se ressaisir comme on le dit aux jeunes et aux enfants.
Nous ne pouvons pas être comme les responsables politiques qui déconsidèrent leur mission par des promesses non tenues, sans cesse renouvelées, oubliées, niées ou relativisées. Nous sommes des fidèles du Christ, de ce pays à qui Jean-Paul II demandait au Bourget le 1er juin 1980 : qu’as-tu fait de ton baptême ? La question exacte était : « France, Fille aînée de l’Eglise, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? ».
Il faut l’entendre en ce 15 janvier, jour de la fête de saint Rémi évêque de Reims, fils de sainte Céline, aumônier de saint Clotilde, grand artisan du baptême de Clovis, le roi des Francs. Le martyrologe romain porte mémoire de la lettre qu’il adressa à Clovis en 482 : « Secourez les malheureux, protégez les veuves, nourrissez les orphelins… Que votre tribunal reste ouvert à tous et que personne n’en sorte triste ! Toutes les richesses de vos ancêtres, vous les emploierez à la libération des captifs et au rachat des esclaves. Admis en votre palais, que nul ne s’y sente étranger ! Plaisantez avec les jeunes, délibérez avec les vieillards ! ». Soyez tout à tous, disait saint Paul.
Pourquoi sommes-nous si faibles en France à annoncer le Christ et l’Evangile, et suscitons-nous si peu de vocations, pas seulement de prêtres, mais au bonheur ! C’est cela le baptême : un désir de bonheur, avec Jésus.
Je confesse que j’ai cessé de vous faire prier pour avoir des Catéchumènes, comme on prie pour avoir des enfants. Après avoir fixé cet objectif de baptême d’adultes, chaque dimanche, dans la prière universelle, nous avons prié le Seigneur « pour ceux qui ne croient pas en toi, qui ne t’adorent pas, qui ne t’espèrent pas, et qui ne t’aiment pas. Qu’à la lumière de l’Esprit-Saint et en obéissant à leur conscience, ils aient le bonheur de te connaître, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ. Seigneur, nous te prions ».
Quand il raconte ce que faisait Jean-Baptiste, l’évangéliste saint Luc dit que « le peuple était en attente » (Lc 3, 15). Il l’a été longtemps, et s’est maintes fois découragé et détourné de Dieu, avant que paraisse le Christ, mais ses prières ont été exaucées. Il en va de même pour nous, nous ne savons pas le jour et l’heure, c’est-à-dire le délai pour que nos prières soient exaucées, mais nous ne recevrons pas ce que nous ne demandons pas. D’une demande forte, répétée, persévérante, incessante ! – et non en demandant une fois, en passant.
J’ai arrêté cette prière quand j’ai supprimé la prière universelle, pour une raison liturgique que je maintiens, de rythme de célébration, de volume de textes (nos messes sont trop bavardes), et cela m’amène à la 2ème contrainte dans l’annonce de l’évangile : il faut passer beaucoup de temps avec les personnes qui veulent découvrir le Christ. Il faut passer beaucoup de temps avec les enfants, avec ceux qu’on aime. Aimer Dieu, c’est lui donner du temps. Jean-Baptiste s’était mis à l’écart, loin de Jérusalem, pour échapper à l’animation de la vie, pour aider les foules à sortir de leur quotidien. Lorsque le Pape invite les Catholiques à ‘sortir’, il s’agit d’un entre-soi, d’un monde homogène qui court le risque de réunir ceux qui se sont choisis.
L’évangile de saint Jean, dans le verset qui suit le passage de ce jour, dit que Jean-Baptiste vit Jésus qui allait et venait. « Le lendemain, Jean se trouvait là avec deux de ses disciples. Posant son regard sur Jésus qui allait et venait, il dit : ‘Voici l’Agneau de Dieu’. Les deux disciples entendirent ce qu’il disait, et ils suivirent Jésus » (Jn 1, 35-37). Jean-Baptiste est un homme attentif à Dieu et aux autres. Il voit, il repère dans la foule un homme seul. Si une personne étrangère à l’Eglise vient ici à la messe, il y a fort à parier qu’elle en repartira sans que personne lui ait adressé la parole, sinon pour lui dire ‘la paix du Christ’, et c’est tout. Je m’adresse à vous tous : quand vous voyez un visage nouveau, une personne seule, engagez la parole, accueillez le Christ en tout nouvel arrivant. Ne laissez partir personne sans lui avoir parlé.
Le 3ème axe de progrès est dans la place que nous laissons à l’Esprit Saint. Arrivant à Ephèse, Paul demanda aux disciples : « Avez-vous reçu l’Esprit-Saint ? » Ils lui répondirent : « Nous n’avons même pas entendu dire qu’il y a un Esprit Saint. » – « Quel baptême avez-vous donc reçu ? » – « Le baptême de Jean ». Ils se firent alors baptiser au nom du Seigneur Jésus, et l’Esprit Saint vint sur eux, et ils se mirent à prophétiser (cf. Ac 19, 2-5). Qui prions-nous pour annoncer l’évangile, pour avoir des catéchumènes, de nouveaux enfants de Dieu ?
Quand un proche est malade, je supplie Jésus. Comme Marthe et Marie, les sœurs de Lazare, j’invoque son intercession. Quand je veux remercier Dieu, et c’est par là que nous devrions commencer, je m’adresse au Père : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l’as voulu ainsi dans ta bienveillance ». Mais, quand nous prions le Seigneur pour ceux qui ne croient pas en lui, qui ne l’adorent pas, qui ne l’espèrent pas, qui ne l’aiment pas, – Qui prions-nous ?
« Qu’à la lumière de l’Esprit-Saint et en obéissant à leur conscience, ils aient le bonheur de te connaître, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ ». Dieu seul convertit : c’est l’Esprit Saint, « lumière de la conscience » disait Jean-Paul II, que nous devons invoquer pour la conversion de nos proches et des plus lointains, dans le respect de leur liberté intérieure. L’Esprit Saint agit dans le cœur de chacun.
Voilà ce que je vous propose en ce début d’année. De prier le Seigneur « pour ceux qui ne croient pas en toi, qui ne t’adorent pas, qui ne t’espèrent pas, et qui ne t’aiment pas. Qu’à la lumière de l’Esprit-Saint et en obéissant à leur conscience, ils aient le bonheur de te connaître, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ ». Suivant quel rythme ? Notre pain quotidien.
De passer plus de temps avec les personnes qui veulent découvrir le Christ. Il faut donner du temps plus qu’en passer : un temps gratuit, offert, perdu. Un des grands moments de la vie de cette paroisse sont les Journées d’Amitié, ouvertes à tous, où on passe, on prête attention, et qu’on achète ou non au profit de la paroisse, on se rencontre, on passe du temps ensemble. Je pense que nous pourrions nous y entraîner, chaque dimanche. Vous connaissez des personnes éloignées de l’Eglise, non baptisées, non pratiquantes, non satisfaites. Amenez-les, discuter, rencontrer des croyants heureux.
Heureux de connaître le Christ, heureux de l’Eglise : heureux les croyants, qui sont fiers de leur baptême, de ce que le Christ a apporté à notre humanité. Heureux les croyants qui ont une identité. Qui savent qui ils sont parce qu’ils savent qui est Dieu. C’est l’ignorance qui tient éloignés de Dieu, de l’Eglise, autant que le péché, et le rôle de l’Esprit Saint, dit Jésus, est de nous faire entrer dans la vérité
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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