Un des plus beaux titres et des plus célèbres de la Vierge Marie est ‘Porte du Ciel’. Il explique son manteau bleu : le manteau bleu de la Vierge Marie est le bleu du Ciel où elle trône, elle, la Reine du Ciel ou Reine des Cieux, Regina Caeli ou Regina Caelorum, où elle brille comme une étoile, d’où le succès du chant ‘Regarde l’étoile’.
La vraie Porte du Ciel, c’est le Christ Jésus, l’unique Médiateur, le bon Pasteur : « Amen, amen, je vous le dis : Moi, je suis la porte des brebis » » (Jn 10, 7). Moi, je suis la porte, dit Jésus : si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra entrer. Car personne ne va au Père sans passer par moi (Jn 14, 6).
Honorons ce titre de Marie au seuil de cette nouvelle année, en reprenant une très ancienne hymne mariale, où se trouvent réunis sa Maternité divine et le titre de Porte du Ciel : « Sainte Mère du Rédempteur, Porte du ciel toujours ouverte » – en latin : Alma Redemptóris Mater –
L’Alma Redemptoris Mater, Sainte Mère du Rédempteur est une des quatre grandes hymnes latines à la Vierge Marie qui sont (encore) chantées à certains offices, à la fin notamment des Complies, la dernière prière avant de se coucher. Finir sa journée avec la Vierge Marie ! Pour l’heure nous commençons l’année. Mais voilà ce que nous pourrions faire cette année : nous tourner chaque soir vers la Vierge Marie comme le petit enfant attend que sa maman vienne l’embrasser pour tranquillement s’endormir.
Ces hymnes à Marie se répartissent suivant les temps liturgiques :
Le Salve Regina, au temps ordinaire (de la Trinité à l’Avent).
L’Alma Redemptoris Mater, au temps de l’Avent et de Noël (jusqu’au 2 février).
L’Ave Regina Caelorum, au temps du Carême (jusqu’au mercredi saint).
Le Regina Caeli, au temps de Pâques (jusqu’à la Trinité).
Dans l’Alma Redemptoris Mater, l’adjectif Alma, traduit par ‘Sainte’, signifie nourrissante ou nourricière, et, de façon figurée, bienveillante, bonne.
« Sainte Mère du Rédempteur, Porte du ciel toujours ouverte » – littéralement : Toi qui demeures une Porte du ciel toujours ouverte – quæ pérvia caeli porta manes.
Les deux mots comptent, d’abord l’adjectif ‘ouverte’, ‘pervia’, qu’on peut traverser (per et via), accessible, praticable. Autrement dit, on ne s’arrête pas à elle : elle conduit au Christ. D’où l’adjectif bienheureuse qu’on trouve dans une antienne similaire, l’Ave maris stella qui dit : « Bienheureuse porte du ciel Felix caeli porta », car est bienheureux celui qui s’ouvre au Christ. Bienheureuse celle qui a cru aux paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur.
L’autre mot qui compte, et n’est pas repris dans la traduction, est le verbe ‘manes’ (demeurer) « Toi qui demeures une Porte du ciel toujours ouverte », quæ pérvia caeli porta manes.
Vierge Marie, tu es celle qui reste, qui reste présente, fidèle, quoi qu’il advienne, qui était là au pied de la Croix. Marie est celle qui reste présente quelles que soient nos tourments. Vous savez le tri que font nos épreuves : il y a ceux qui étaient là et ceux qui n’y étaient pas, avec le plus souvent de bonnes excuses.
Mais le coeur qui saigne n’a pas besoin de raisons : il a besoin de présence. Il a besoin de soutien, d’aide, de réconfort, et le moment venu, d’encouragements pour reprendre la route.
Ces encouragements forment la suite de la prière adressée à Marie : « viens au secours de ceux qui tombent – et qui cherchent à se relever » ! Succúrre cadénti súrgere qui curat pópulo. C’est une chose de défaillir ; c’est une grâce à demander de pouvoir reprendre la route.
Elle prend tout son sens au seuil de cette année nouvelle.
La question que nous pourrions nous poser en effet est : pourquoi fêtons-nous la Maternité divine de Marie au 1er janvier, au premier jour de l’année civile, à l’entrée de la nouvelle année, en réalité à la fin de l’Octave de la Nativité ? Pourquoi ne la fêtons-nous pas plus logiquement, et même ‘biologiquement’ le 25 mars, au jour de l’Annonciation ?
Si nous étions cohérents, nous fêterions la maternité divine au moment de la Conception, neuf mois avant la naissance de l’enfant.
La réponse est : la maternité ne se réduit pas à l’enfantement. Elle est le soin et l’amour donnés à l’enfant, et l’angoisse de la mère dure toute la vie !
Marie n’est pas la Mère de Dieu parce qu’elle l’a porté en son sein, parce qu’elle l’a mis au monde. Elle l’est devenue vraiment, pleinement au pied de la Croix quand « Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : ‘Femme, voici ton fils’. Puis il dit au disciple : ‘Voici ta mère’. Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui » (Jn 19, 26-27).
Nous gagnerions à entendre dans sa plénitude le titre d’Alma Mater, mère nourricière, la nourrice du Rédempteur. Elle nous rappelle l’ampleur de la maternité divine de Marie : elle est mieux que le signe, l’incarnation de la tendresse de Dieu, qui nourrit son peuple.
Donner à manger : le premier acte d’amour d’une mère pour son enfant, premier acte de miséricorde à l’égard de toute humanité : j’avais faim et vous m’avez donné à manger. Donner à manger, et même, dit Jésus, donnez-leur vous-mêmes à manger. « Celui qui a de quoi vivre en ce monde, s’il voit son frère dans le besoin sans faire preuve de compassion, comment l’amour de Dieu pourrait-il demeurer en lui ? » (Jn 3, 17).
L’homme ne vit pas que de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. La Vierge Marie nous donne cette Parole de Dieu, message éternel d’amour et de paix. Le 1er janvier est la journée mondiale de prière pour la paix, parce que la Parole que la Vierge Marie a donnée au monde, qu’elle a nourrie de sa propre chair, est une parole de paix : la paix soit avec vous, dit Jésus au soir de la Résurrection. Que la paix de Noël vous accompagne tout au long de l’année. Que la Vierge notre mère veille sur vous et guide vos pas : elle est la Porte du Ciel toujours ouverte.
Alma Redemptóris Mater,
quæ pérvia caeli porta manes,
Et stella maris,
succúrre cadénti
súrgere qui curat pópulo :
Tu quæ genuísti, natúra miránte,
tuum sanctum Genitórem :
Virgo prius ac postérius,
Gabriélis ab ore sumens illud Ave,
peccatórum miserére.
Sainte Mère du Rédempteur
Porte du ciel, toujours ouverte,
étoile de la mer
viens au secours du peuple qui tombe
et qui cherche à se relever.
Tu as enfanté, ô merveille !
Celui qui t’a créée,
et tu demeures toujours Vierge.
Accueille le salut de l’ange Gabriel,
et prends pitié de nous, pécheurs.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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