Le 1erdécembre, au premier jour de l’Avent, le Pape François s’est rendu sur les lieux mêmes où la Crèche a été inventée en 1223 à Greccio, au centre de l’Italie, par saint François d’Assise. Et le Pape François, dans la lettre qu’il a écrite à cette occasion, a cité saint François quand il en a eu l’idée : « Je voudrais représenter l’Enfant né à Bethléem, et voir avec les yeux du corps, les souffrances dans lesquelles il s’est trouvé par manque du nécessaire pour un nouveau-né, lorsqu’il était couché dans un berceau sur la paille entre le bœuf et l’âne ».
Un ami de François fit comme il lui avait demandé, et le moment venu une foule de frères et d’habitants de la région vinrent avec des fleurs et des torches pour illuminer cette sainte nuit. Ils manifestèrent une joie indicible jamais éprouvée auparavant devant la scène de Noël.
Puis le prêtre, sur la mangeoire, célébra solennellement l’Eucharistie, montrant le lien entre l’Incarnation du Fils de Dieu et l’Eucharistie. A Greccio, il n’y a pas eu de santons : la crèche a été réalisée et vécue par les personnes présentes. C’est vous, mes amis, les santons ! (petit saint, en provençal). Chacun s’en retourna plein d’une joie ineffable. Saint François, par la simplicité de ce signe, a réalisé une grande œuvre d’évangélisation.
Représentons-nous, dit le Pape, le contexte du ciel étoilé dans l’obscurité et le silence de la nuit. Quelle émotion devrions-nous ressentir lorsque nous ajoutons dans la crèche des montagnes, des ruisseaux, des moutons et des bergers ! Nous nous souvenons ainsi, comme les prophètes l’avaient annoncé, que toute la création participe à la fête de la venue du Messie.
Le décor que nous avons choisi ici cette année, des toits de Paris, dit la même chose : vivre en ville ne s’oppose pas à la Création. L’époque de saint François correspond à la naissance des villes. Non seulement nous avons le droit mais le devoir d’ajouter à la crèche des éléments sans rapport avec les récits des évangiles pour rappeler que, dans le monde nouveau inauguré par Jésus, il y a de la place pour chacun. C’est vous mes amis les santons !
Du berger au forgeron, du boulanger au musicien, de la femme qui porte une cruche d’eau aux enfants qui jouent … tout cela représente la sainteté au quotidien, la joie d’accomplir les choses de la vie courante d’une manière extraordinaire lorsque Jésus partage sa vie divine avec nous.
« Je voudrais voir avec les yeux du corps les souffrances dans lesquelles l’enfant Jésus s’est trouvé par manque du nécessaire pour un nouveau-né ». Quel était ce nécessaire qui lui manquait, à Lui qui était la plénitude ?
Notre amour ! Pas de ses parents, mais de l’entourage pour ses parents, du monde, entre nous. Il manquait ce qu’il nous manque et que la crèche représentera jusqu’à la fin des temps : l’attention aux plus petits. Quel est le signe, le message de Noël ? Dieu s’est fait petit enfant : ce que vous avez fait et que vous aurez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait. Et ce soir vous êtes venus. J’étais un nouveau-né et vous êtes venus me visiter. Alléluia ! Joie de votre présence !
Vous êtes, chacun d’entre vous une joie pour Dieu. Comme un Père éprouve une joie infinie à la venue de son enfant. Quel mystérieux échange ! A la joie de votre présence, vous revient maintenant la joie de voir ce qui, sans Jésus, serait invisible à nos yeux.
« Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Amen, je vous le dis, dit Jésus, beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l’ont pas entendu ! » (Lc 10, 24). Qu’ont-ils vu et entendu ?
Ce que nous avons vu et entendu, vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché, nous vous l’annonçons, afin que vous soyez en communion avec nous : l’amour s’est manifesté (cf 1 Jn 1, 1). Qu’est-ce que Jésus a rendu visible, qui ne l’était pas avant sa venue ? Nous l’avons écrit sur le mur extérieur, la façade de l’église, vous l’avez lu en arrivant : Dieu est Amour.
Qu’est-ce qui, avant Jésus-Christ, n’était pas visible ? Qu’est-ce que Jésus a rendu visible de Dieu ? Qu’est-ce que qu’il a incarné, rendu concret ? La toute-puissance de l’Amour éternel.
‘Dieu éternel et tout-puissant’, disons-nous dans une prière de la messe : il est éternel, sans commencement ni fin tandis que nous mortels ne devenons immortels qu’en mangeant Jésus, en écoutant sa parole et en servant ses commandements, en renonçant à nous croire tout-puissants, et en nous gardant de vouloir l’être car la toute-puissance de Dieu est une puissance d’amour et de vie, incapable de faire du mal. La réalité de Dieu est la douceur de Jésus, l’humilité de Dieu qui se fait petit-enfant, le calme souverain de celui qui ne s’est jamais emporté, d’une parfaite maîtrise de soi, y compris lorsqu’il est confronté à l’injustice.
Dieu éternel et tout-puissant, « toi qui donnes la preuve suprême de ta puissance quand tu patientes et prends pitié » dit une autre prière qui résume ces deux ou trois autres qualités rendues visibles en Jésus, la patience et la pitié, la tendresse pour les petits, les malades et les plus faibles, qui va jusqu’au pardon pour ceux qui regrettent : la miséricorde, la tendresse du pardon, de l’amour qui pardonne.
Avec Jésus, nous passons de l’invisible au visible. La raison humaine sait que Dieu est immuable, le même hier, aujourd’hui et toujours. Nous disons maintenant fidèle en Jésus : il ne change pas d’avis, il ne reprend pas ce qu’il donne. La raison humaine affirme que Dieu est pur esprit : grâce à Jésus, nous savons ce que veut dire libre, vis-à-vis du regard des autres, du pouvoir, de l’argent. La raison humaine prétendait qu’il est unique et indivisible : nous le découvrons en Jésus étranger aux conflits, aux disputes, Prince de la Paix, roi d’harmonie.
Vous qui êtes venus ou revenus pour cette fête de Noël à la messe, puissiez-vous contempler ce miracle : Dieu qui par nature est invisible s’est rendu visible !
Il vous reste à présent un pas à franchir : du visible avec les yeux du corps, au visible avec le cœur, comme un profond désir intérieur. Si ces qualités de Dieu vous parlent, vous attirent, venez communier pour les imiter. On se demande parfois ce qu’il faut pour pouvoir communier ? Etre baptisé bien sûr mais plus encore : il faut reconnaître que l’hostie est Dieu, amen, je crois que c’est le Corps du Christ, le recevoir avec amour, le désirer du fond du cœur, pour l’imiter dans sa vie : la douceur et l’harmonie, l’indulgence et le pardon, la fidélité à sa parole, la liberté à l’égard de ce qui passe, et surtout, aujourd’hui, la volonté de faire la paix, ne jamais s’habituer ni se résigner aux disputes ou aux conflits. Jésus est venu rassembler dans l’amour et l’unité.
Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Jésus exulta de joie et il bénit son Père sous l’action du Saint-Esprit. L’amour s’est manifesté pour que nous soyons en communion avec lui. Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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