J’ai lu la veille de la Toussaint sur le site du journal La Croix un article très intéressant que je voudrais partager avec vous. Sa thèse est que « nous avons insensiblement substitué au Dieu du Salut, et donc de la faute et de la rédemption, un Dieu protecteur ».
Le titre de l’article n’était pas attirant : « Pour nos contemporains, le paganisme est plus efficace que le monothéisme ». Comme quoi, il ne faut pas s’arrêter aux titres, et je le dis à ceux qui ont du mal avec celui du Christ-Roi.
L’auteure ou autrice, Laurence Devillairs enseigne la philosophie à Paris, au Centre Sèvres et à l’Institut catholique, et vient de publier un livre sur la philosophie de Pascal.
Elle convoque ici Freud et Ricoeur, Freud qui estimait que la religion est « une compensation apportée à la dureté de la vie : sa tâche est de protéger l’homme ». Et Ricoeur d’expliquer que le danger de demander à Dieu protection et réconfort et non pas le Salut, est de faire passer le domaine de compétence de la religion de la vie après la mort, à la seule vie présente. « Du coup, la religion s’adresse moins à la crainte qu’au désir ». Ce qui devient un problème quand ce désir n’est pas un grand désir d’amour, de vérité, de justice.
J’ai envoyé cet article à une amie. Elle m’a répondu : ‘Voilà exactement ce dont vous vous privez en ne laissant pas les femmes prêcher’. C’était drôle, imparable et la démonstration parfaite du propos : le passage de l’adoration de Dieu à la satisfaction de nos désirs, quand nous en venons à penser que le Christ a choisi ses apôtres sous l’influence de son époque
Telle est, mes amis, la principale raison de l’éloignement de nos contemporains des réalités divines, de leur indifférence pour la question religieuse : nous leur présentons un Dieu au rabais, un Dieu gentillet. En tout cas, pas la majesté divine, le Dieu de Gloire.
La fête du Christ-Roi entend rééquilibrer ce basculement d’un Dieu qui sauve à un Dieu qui protège, en nous ramenant à notre message principal : la vie éternelle, le Salut, la Gloire de notre Dieu. Le Christ est Roi parce qu’il est Juge des vivants et des morts.
J’en viens à la difficulté de ce passage de l’évangile de saint Luc qu’est la béatification d’un malfaiteur : aujourd’hui avec moi au Paradis, dit Jésus. L’apparente absolution de ses péchés – sans qu’il y ait réparation de ses fautes ? N’est-ce pas contradictoire avec à ce que nous croyons de la pénitence et d’une nécessaire réparation ?
Je vais vous poser une seule question.
Combien pensez-vous qu’il y ait eu et qu’il y aura eu à la fin des temps de personnes qui auront prié pour ce bon larron, de messes célébrées pour lui chaque fois que ce texte est proclamé, écouté, médité ?
Souvenez-vous de l’onction à Béthanie : « Amen, je vous le dis : partout où cet Évangile sera proclamé – dans le monde entier –, on racontera aussi, en souvenir d’elle, ce qu’elle vient de faire » (Mt 26, 13 ; Mc 14, 9).
On vient de faire rêver les foules avec un Américain qui a gagné deux milliards de dollars à la loterie. Ridicule, peanuts !à côté de que ce bon larron aura reçu pour le laver de ses fautes. Ce bon larron a gagné au moins deux milliards de messes pour le pardon et la réparation de ses péchés. Mais ne croyez pas qu’il en aille de même pour nous.
Pénitence pour les pécheurs ! Ou plus exactement : Gloire à Dieu et pénitence pour les pécheurs !
Pourquoi tant de scandales surviennent-ils dans l’Eglise, de la part de ministres de l’Eglise ?
Ils viennent du mépris par ses serviteurs de la Gloire de Dieu, de l’ignorance que Justice sera faite, la justice promise par Dieu que les bons seront récompensés et les mauvais châtiés. Oui, nous avons l’espérance que « Justice sera créée ».
Le sentiment d’impunité est la marque suprême de l’orgueil humain.
Notre plus grande faute sera toujours de sous-estimer la Gloire de Dieu.
Il retentit, ce cri de la Passion : « Tu ne crains donc pas Dieu ! ».
Gloire à Dieu et pénitence pour les pécheurs !
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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