17ème dimanche du temps ordinaire - 28 juillet 2024

Jn 6, 1-15

 

Quels sont les miracles de Jésus avec lesquels vous avez du mal ou le plus de mal ?

Déjà à les croire, à croire qu’ils sont réels, qu’ils ont vraiment eu lieu, que Jésus est Dieu et que Dieu est avec lui comme dit Nicodème au début de l’évangile de saint Jean : « Rabbi, nous le savons, c’est de la part de Dieu que tu es venu comme un maître qui enseigne, car personne ne peut accomplir les signes que toi, tu accomplis, si Dieu n’est pas avec lui » (Jn 3, 2). Saint Jean parle en effet de ‘signes’ et non pas de ‘miracles’, à la différence des autres évangélistes.

Quels sont les miracles de Jésus que vous préférez ? Les guérisons d’un aveugle, d’un lépreux, d’un paralytique, d’un possédé ? Est-ce que vous mettez sur le même plan la multiplication des pains qu’on vient d’entendre et la marche sur les eaux qui suit dans l’évangile de saint Jean ? Ou vous contentez-vous, si je puis dire, de sa résurrection, qu’il avait lui-même annoncée, tant en paroles qu’en ayant rendu la vie à des morts, la fille de Jaïre, le fils d’une veuve de Naïm, son ami Lazare ? Il en avait confié le pouvoir à ses Apôtres lors de leur envoi en mission : « Proclamez que le Royaume des Cieux est tout proche : guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, expulsez les démons » (Mt 10, 7).

Les Actes des Apôtres rapportent deux résurrections opérées par les Apôtres, l’une par Pierre à Joppé (l’ancien nom de Jaffa, à 70 kms au nord de Gaza) d’une femme nommée Tabitha (Ac 9, 36), la seconde par Paul d’un adolescent du nom d’Eutyque (en français Prospère) (Ac 20, 9), de même que l’Ancien Testament relate deux résurrections opérées par les prophètes Elie et Elisée, Elie du fils de la veuve de Sarepta (1 R 17, 17) et Elisée du fils d’une Sunnamite qui lui avait fait construire une petite chambre quand il passait chez elle, ce qui lui avait valu d’avoir enfin un enfant (2 R 4, 17).
Elisée avait guéri miraculeusement un lépreux, le général Naaman : presque tous les miracles de Jésus étaient déjà présents dans l’Ancien Testament. Il y a une grande continuité des signes dans la Bible. Ce qui m’amène à vous proposer cette question : quel est, selon vous, le plus grand miracle de l’Ancien Testament ? Est-ce que c’est la manne au désert ? Est-ce que c’est la sortie d’Egypte, la traversée à pied sec de la Mer rouge, dans laquelle se noient Pharaon et toute son armée ? Est-ce que c’est une des résurrections que j’ai évoquées ?

Je vais vous donner ma réponse mais permettez-moi d’ajouter deux autres questions : Quel est dans l’Ancien Testament le grand livre d’objections ?
Parler des miracles, c’est forcément parler des objections qu’ils suscitent pour notre raison – ils ne sont pas ‘possibles’, par définition, et certains pensent également qu’ils ne sont pas ‘utiles’ : à quoi bon avoir nourri des foules quand tant de gens meurent encore aujourd’hui de faim ? Avoir guéri des aveugles, et d’autres malades, alors que la santé n’a progressé que pour les plus privilégiés etc. Quelle était l’utilité de marcher sur la mer ou de changer l’eau en vin à Cana ?

3ème question, en prolongement des deux précédentes : Quel est selon vous le miracle que nous devrions tous demander dans la prière, le miracle qui ferait le plus de bien au monde ?
Cela ressemble au Songe de Gabaon, quand le Seigneur apparut à Salomon et lui dit : « Demande ce que je dois te donner » (1 R 3, 5). Salomon ne demande ni de longs jours, ni la richesse, ni la mort de ses ennemis, mais le discernement, un cœur intelligent et sage. Ah si Dieu pouvait donner la sagesse à nos gouvernants ! ça, serait un miracle.

Voici mes réponses.

Le plus grand miracle de l’Ancien Testament est le Buisson ardent : un feu qui brûle sans rien consumer, le symbole de l’amour de Dieu. Souvenez-vous, dans le Livre du prophète Daniel, de l’histoire des trois enfants jetés dans la fournaise. Le roi Nabuchodonosor stupéfait dit à ses conseillers : « Nous avons bien jeté trois hommes, ligotés, au milieu du feu ? » Ils répondirent : « Assurément, ô roi ». Il reprit : « Eh bien moi, je vois quatre hommes qui se promènent librement au milieu du feu, ils sont parfaitement indemnes, et le quatrième ressemble à un être divin » (Dn 3, 92).
Le Buisson ardent est le miracle qui se reproduit à chaque messe quand, sans rien changer aux apparences du pain et du vin, l’amour divin fait qu’ils deviennent le Corps et le Sang du Christ. C’est du Buisson en Feu que Dieu s’est révélé comme Celui qui est : Je suis qui je suis. Je suis le Pain de Vie entendrons-nous dans le Discours du Pain de Vie.

Le grand livre d’objections de la Bible est le livre de Job. C’est face au malheur que la raison défaille, cherche des explications ou des coupables : ainsi raisonnent les amis de Job, il a dû faire quelque chose de mal pour qu’il lui arrive pareille misère, comme les disciples le diront à propos de l’aveugle-né : « Rabbi, qui a péché, lui ou ses parents, pour qu’il soit né aveugle ? » (Jn 9, 2). C’est la différence entre une célébration d’obsèques et une messe de mariage : devant la mort, on attend des explications alors que l’amour ne nous étonne pas. La joie ne perturbe pas la raison. Le Livre de Job se déroule comme une longue litanie d’objections que Dieu accueille patiemment pour dire à la fin à Job : regarde la beauté de la Création, adore ma puissance, fais-moi confiance.

Quel est le miracle qui ferait le plus de bien au monde ?
La réconciliation. Avec Dieu bien sûr, « Laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2 Co 5, 20), et entre nous, toutes les familles divisées, ces fratries et ces amis brouillés, ces peuples en guerres sans fin.

Les exégètes disent que la plupart des récits de vocation dans la Bible sont construits sur le même schéma : quand Dieu appelle, la personne répond par une objection, qu’elle est trop jeune, qu’elle ne sait pas parler, etc. Philippe ici a raison : ils n’ont rien à donner.
Ces objections ne sont pas contraires à la foi, au contraire, elles sont indispensables pour s’affermir et progresser, elles sont le sain travail de la raison, le signe que notre foi est vivante. Elles font partie de la prière et du dialogue avec Dieu. Ce n’est pas lui manquer de respect, mais au contraire, se mettre à son écoute.

A chaque messe, nous célébrons la Résurrection du Christ avec ce miracle de sa présence réelle, miracle de la transsubstantiation, promesse de notre propre résurrection. Si Dieu peut changer du pain et du vin en son Corps et son Sang, combien plus changera-t-il nos corps mortels pour vivre de sa Vie ! « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement » (Jn 6, 51).

Dites-moi ou plutôt dites-Lui vos objections.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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