En cette année jubilaire, il convient de rappeler le passage manquant de cet évangile, la prière du Notre Père avec la demande sur le pardon que saint Matthieu formule en termes de dettes : « Remets-nous nos dettes comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs » (Mt 6, 12).
Notre première dette envers Dieu est envers la Création.
Nous sommes en dette envers l’ensemble de la Création.
Notre premier débiteur c’est Dieu et notre première dette envers Lui est envers l’ensemble de la Création, chacune des créatures qu’il nous a confiées, à commencer par nos semblables.
Comment pourrions-nous vivre en paix les uns avec les autres si nous continuons à nous comporter de façon aussi injuste à l’égard de Dieu et de la Création ?
Depuis 10 ans, la journée mondiale de prière pour la paix le 1er janvier (dont le titre cette année est : « Remets-nous nos dettes, donne-nous ta paix »), a un équivalent au 1er septembre, journée mondiale de prière de sauvegarde de la Création (depuis que l’Eglise catholique s’est associée à l’initiative de l’Eglise orthodoxe).
Les deux vont ensemble : la prière pour la paix et la prière pour la sauvegarde de la Création. Les deux sont œuvres de justice et de miséricorde.
Un des messages les plus forts du Pape François fut l’année suivante, 2016 Année jubilaire de la Miséricorde, où il exhorta à prendre conscience de notre responsabilité dans nos attitudes, comportements, façons de vivre, et à « user de miséricorde envers notre maison commune ».
Aux deux listes habituelles de 7 œuvres corporelles et 7 œuvres spirituelles de miséricorde*, il ajouta deux nouvelles œuvres : une œuvre de miséricorde spirituelle est « la contemplation reconnaissante du monde » (Cf. Encyclique Laudato si, n. 214).
Une œuvre de miséricorde corporelle est le soin que nous prenons pour réduire notre consommation « comme par exemple de faire un usage raisonnable du plastique et du papier, de ne pas gaspiller l’eau, la nourriture et l’énergie électrique, de trier les déchets, de traiter avec soin les autres êtres vivants, d’utiliser les transports publics et de partager un même véhicule entre plusieurs personnes, et ainsi de suite » (Cf. Encyclique Laudato si, n. 211).
Contempler et prendre soin.
Quatre ans plus tard, en 2020, dans la série de catéchèses que le Pape François donna au sortir de la pandémie sur le thème ‘Guérir le monde’, il indiqua lors de son audience du 16 septembre 2020 que « le meilleur antidote contre l’usage abusif de notre maison commune est la contemplation ».
« Nous avons besoin de faire silence, d’écouter et de contempler pour découvrir la valeur et le rayon de la lumière divine qui émanent de la Création ».
« Contempler et prendre soin sont deux attitudes pour corriger et rééquilibrer notre rapport d’êtres humains avec la Création ».
Ce Carême peut être ce temps privilégié de contemplation et d’attention au vivant.
Les cendres dont nos fronts vont être marqués ne sont pas le signe de quelque processus biologique d’usure du temps : ils sont le signe de la violence que nous faisons subir au vivant et à notre maison commune. Par nos consommations excessives, nous ‘brûlons’ notre terre !
Ne les recevons donc pas comme une fatalité mais comme un appel à la conversion.
Dans le Sermon sur la Montagne, un peu avant le passage de ce jour, traitant de ces offenses que nous infligeons, Jésus nous commande de nous réconcilier avec ceux qui nous entourent : « Lorsque tu vas présenter ton offrande à l’autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande, là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier, et ensuite viens présenter ton offrande » (Mt 5, 24).
Dans la même logique du double commandement de l’amour de Dieu et l’amour du prochain, saint Paul dit dans la 2ème lecture : « Laissez-vous réconcilier avec Dieu » (2 Co, 5, 20).
Tu veux te réconcilier avec Dieu ? Avec tes frères ?
Va d’abord te réconcilier avec la Création.
Dépêche-toi pendant que tu es en chemin, si tu veux éviter que l’Adversaire « ne te livre au juge, le juge au garde, et qu’on ne te jette en prison » (Cf. Mt 5, 25).
Contempler et prendre soin : voilà un beau et bon chemin de rédemption.Père Christian Lancrey-Javal, curé
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