1er dimanche de Carême - 26 février 2023

Mt 4, 1-11

 

Arrière Satan, Vade retro Satana ou Satanas, la formule en tant que telle, et non Vade  – Va-t-en ! comme ici, ou Vade post me – Passe derrière moi ! vient de l’évangile de saint Marc quand Jésus annonce sa Passion, sa mort et sa Résurrection, qu’il commence à enseigner à ses disciples qu’il « fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit tué, et que, trois jours après, il ressuscite. Jésus disait cette parole ouvertement. Pierre, le prenant à part, se mit à lui faire de vifs reproches » (Mc 8, 33). Que dit Pierre exactement ? « Dieu t’en garde, Seigneur ! cela ne t’arrivera pas » (Mt 16, 23). Voilà le génie du Diable, sa promesse d’impunité : cela ne peut pas t’arriver. Et nous, nous lisons la Bible parce qu’il n’y a rien dans la Bible qui ne puisse nous arriver.

Combien de fois ai-je rencontré des personnes, de tous âges, toutes surprises de ce qui leur arrivait, comme si ce n’étaient pas pour elles, comme si elles pensaient ne pas en être capables, ou victimes. Votre mère ne vous avait pas prévenue ? Vous ne saviez pas que le roi David, le bien-aimé de Dieu, lorsqu’il a fait venir chez lui cette belle femme qu’il avait vue de sa terrasse, n’avait pas de bonnes intentions à son égard ? Il savait pourtant que Bethsabée était mariée à Urie le Hittite (2 S 11, 4), et la fille d’Eliam qui était comme Uri un des 37 braves de sa garde rapprochée (2 S 23, 33). La leçon vaut pour tous les prêtres, bien-aimés de Dieu : consacré ne veut pas dire préservé ni protégé.

Cela ne t’arrivera pas ? Attention ! Il n’y a rien dans la Bible qui ne puisse nous arriver.

Pas du tout ! Vous ne mourrez pas, dit le serpent, ce n’est pas pour votre bien que Dieu vous a dit de ne pas y toucher, de ne pas prétendre par vous-mêmes de ce qui est bien et ce qui est mal, c’est par jalousie, il ne veut pas que vous soyez aussi grand que lui.

C’est ce 1er dimanche de Carême (et non le 3ème dimanche ordinaire en janvier) qui aurait dû être le Dimanche de la Parole de Dieu : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». « Ta Parole Seigneur, Ta Parole Seigneur », chanterons-nous à la Communion, avec ces paroles du Psaume 118 : « Ta parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route » (Ps 118, 105), juste après la renonciation au Mal : « Tes préceptes m’ont donné l’intelligence. Je déteste, je rejette tout chemin de mensonge ».

Les générations passées, qui avaient les avantages et les qualités de leurs défauts, savaient que le Diable est une créature redoutable et pas une vue de l’esprit, un être vivant et pas une idée, et elles savaient également, même si elles en abusaient, la différence entre le bien et le mal. On ne ricanait pas quand on parlait de Satan, et on ne faisait pas du bien et du mal un problème culturel. Encore une fois, on n’était ni meilleur ni pire, ni plus ni moins intelligent, mais on entrait plus facilement dans la compréhension des Tentations.

Dans les conditions et les influences dans lesquelles nous vivons, il peut être utile d’ajouter et de répondre à ces tentations par une simple question : Et que devrai-je faire en échange ? Quelles seront les conséquences pour moi ? Quel est le prix à payer ?

Oui, dirait aujourd’hui Jésus, je suis le Fils de Dieu et je peux faire que ces pierres deviennent des pains. Quelles en seraient les conséquences ? Serais-je le Fils de Dieu ?
Je peux me jeter dans le vide et les anges de mon Père interviendraient pour me sauver, mais est-ce pour cela que je suis venu en ce monde ?
Et si moi le Fils de Dieu je me prosterne devant toi, quelles en seraient les conséquences ? Et que devrais-je faire d’autre en échange de cette promesse de soumission des peuples du monde, des royaumes de la terre ?

Chaque fois que nous est faite une offre privilégiée, comme une aubaine à ne pas rater, nous devrions nous demander pourquoi – Pourquoi à moi ? Quel en sera le prix à payer ? Quelles en seront les conséquences, que devrai-je faire en échange ? ‘Venez, mon amie, chez moi, dans mes appartements privés’ … Que devrai-je faire en échange ? – ‘Tiens, essaye ce produit, goûte ça’ … C’est vraiment sans danger ?

Le génie du Diable est de faire croire que c’est sans conséquence et sans danger. Le Diable est un vendeur de folie. Le mauvais génie de l’irresponsabilité. La suite du récit de la Genèse est géniale : ce n’est pas moi, c’est la femme ; ce n’est pas moi, c’est le serpent. Le rôle des parents et des éducateurs est d’apprendre aux enfants, aux élèves, aux jeunes qui leur sont confiés, qu’il faut regarder le prix à payer, savoir les conséquences de nos actes, notre part de responsabilité.

Et nous, que demandons-nous en échange ?

Il y a bien cet oracle d’Isaïe qui dit : « Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau ! Même si vous n’avez pas d’argent, venez acheter et consommer, venez acheter du vin et du lait sans argent, sans rien payer » (Is , 55, 1).

Est-il vrai que Dieu ne demande rien en échange ?

Dieu ne nous demande rien qu’il ne nous ait déjà donné. Oui il nous demande obéissance et fidélité, sachant, comme le dit une préface de la messe : « Tes dons que nous avions perdus par la désobéissance du péché, nous les retrouvons par l’obéissance de ton Fils » (7ème préface des dimanches du temps ordinaire).

Le Seigneur ne nous demande rien d’autre que de devenir ce que nous sommes. Deviens qui tu es, non pas ‘comme un dieu, « comme des dieux » susurre le Diable à notre égo, mais un enfant de Dieu.

Certains portent la médaille de saint Benoît dont les initiales du pourtour signifient : ‘Arrière Satan. En vain tes tentations. Mauvaises tes intentions. Garde pour toi tes poisons’. Et au centre : ‘Que la Croix sacrée soit ma lumière’.

Arrière Satan. La Croix du Christ est ma Lumière.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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