La foi est la rencontre de l’amour de Dieu et de la liberté de l’homme avec le soutien et dans le sein de l’Eglise.
La visite de Jésus chez Zachée en est un exemple magnifique, aussi difficile à prononcer (Jésus chez Zachée) qu’elle est éclairante sur l’action de la grâce et sur la réponse de l’homme, à charge pour nous de voir la place de l’Eglise.
Pour comprendre d’abord l’action de la grâce, comparons cette rencontre à celle de Jésus avec Matthieu le publicain devenu l’évangéliste.
Matthieu et Zachée étaient tous deux collecteurs d’impôts ou de taxes. Ils ont tous les deux fait un repas en l’honneur de Jésus, l’invitant chez eux, attirant les foudres et les critiques : les Pharisiens récriminaient (Mt 9, 9 ; Mc 2, 13 ; Lc 5, 27). Ils avaient été, l’un et l’autre, saisis par le regard de Jésus.
N’aie pas peur, laisse-toi regarder par le Christ, laisse-toi regarder car il t’aime.
Le regard de Jésus. J’ai lu que saint Augustin, commentant la confession de foi du bon larron en croix, avait imaginé qu’il le rencontre au Paradis : ‘Comment as-tu fait pour reconnaître en Jésus le Sauveur, mieux que les docteurs de la loi ?’. Et le bon larron répond : « Jésus m’a regardé et dans son regard j’ai tout compris ».
Il a posé sur moi son regard, un regard plein de tendresse.
Il a posé sur moi son regard, un regard long de promesse.
La différence est que Zachée cherchait à voir qui était Jésus, allant jusqu’à courir en avant et monter sur un arbre, tandis que Jésus était venu chercher Matthieu : suis-moi ! En réalité, l’Esprit du Seigneur était allé chercher Zachée, ce que la théologie appelle la grâce prévenante, dont ce texte est une parfaite illustration.
« Chaque fois que nous commençons à prier Jésus, c’est le Saint-Esprit qui nous attire sur le chemin de la prière par sa grâce prévenante » dit le Catéchisme (n. 2670).
C’était la prière d’ouverture du 2ème dimanche d’octobre : « Nous t’en prions, Seigneur, que ta grâce nous devance et qu’elle nous accompagne toujours, pour nous rendre attentifs à faire le bien sans cesse ».
Et une Préface de la messe des Saints dit : « nous célébrons les prévenances de ton amour pour tant d’hommes et de femmes qui sont parvenus à la sainteté en se donnant au Christ à cause du Royaume des cieux ».
Les prévenances de Dieu et de son amour, c’est beau ! C’est émouvant, comme les prévenances du jeune homme envers sa fiancée, tout en délicatesse, attentionné, attentif à se maîtriser.
Cette grâce de Dieu nous devance et elle ne nous lâche pas. Elle va chercher Zachée, le remplit de confiance et de joie quand Jésus lui dit : je veux demeurer chez toi. Et elle l’inspire ensuite dans son engagement. Quand le Seigneur nous saisit, il ne nous lâche pas. Au bon larron, Jésus ne se contente pas de dire : ‘ta foi t’a sauvé’, mais il dit : ‘avec moi aujourd’hui au Paradis’. A Zachée, Jésus ne dit pas : ‘allez, entre en toi-même, descends dans ton cœur, retrouve la vérité de ton être’, mais : ‘je veux demeurer chez toi’.
Nous pouvons maintenant passer à la réponse libre et inspirée de Zachée, qui dépasse l’hostilité de l’entourage, s’extrait du regard critique de ceux qui sont là, et s’engage résolument sur le chemin du bien : « je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens ». Chemin du bien et de la réparation : « si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus ».
Il n’y a pas de réconciliation, il n’y a pas de progrès ni de pardon sans réparation.
Le mal ne disparaît pas. Le mal ne s’efface pas, il ne s’oublie pas. Il se répare. Les péchés, nos péchés, les offenses ne sont pas bio-dégradables. Elles sont comparables aux déchets qu’il faut ramasser un peu partout dans la nature.
Le Seigneur ouvre nos yeux et notre cœur à la laideur du mal, pour que nous ne le commettions plus et que nous le réparions. L’un ne va pas sans l’autre, et même sans les autres, pour le bien à faire comme pour le mal à éviter et le mal à réparer.
C’est ici qu’intervient l’Eglise, l’assemblée des saints, qui le sont devenus et ceux et celles qui veulent le devenir, qui savent qu’elle est le lieu de notre croissance et de notre conversion.
La Tradition avait une belle expression qui parlait du trésor de grâces dans lequel nous venons puiser, un autre nom de la communion des saints qui, rappelle le Catéchisme, est autant communion aux choses saintes que communion des personnes saintes entre elles. Ce trésor infini se renouvelle sans cesse. « Vase d’huile jamais ne s’épuisera » avait prophétisé Elie (1 R 17, 14). Il est le meilleur élixir pour guérir les péchés et réparer les fautes.
Et quand nous ne le faisons pas en cette vie, ce sont nos proches, nos amis, nos frères et sœurs dans le Christ, qui doivent le faire pour nous, après notre mort : la purification de nos péchés et la réparation de nos fautes.
« Tout le mal que font les méchants est enregistré et ils ne le savent pas » disait saint Augustin que le Catéchisme cite dans son chapitre sur les fins dernières (n. 1039). Tout le mal que font les hommes est enregistré, ils ne le savent pas et il ne disparaît pas comme ça.
Quand j’étais curé de Saint-Louis d’Antin, j’avais organisé pour les confesseurs une séance sur un des nouveaux péchés de l’époque, le vagabondage sur internet. J’avais fait venir un de mes amis qui avait notamment expliqué que tout ce qu’on consulte sur son ordinateur reste dans l’ordinateur. Il rit encore du regard de panique de certains d’entre eux.
Le mal que j’ai fait Seigneur, comme celui que j’ai vu et laissé faire, le mal que je vois, je vais le réparer : tel est le chemin de la sainteté.
La foi est la rencontre de l’amour de Dieu et de la liberté de l’homme avec le soutien et dans le sein de son Eglise. Nous le professons à chaque signe de croix : l’amour du Père, la liberté de l’homme, la vie dans l’Esprit et dans l’Eglise.
Ah si nous savions le trésor de grâces que le Christ lui a confié, nous irions puiser dans la joie aux sources vives du Salut ! (cf. Is 12, 3)
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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