15ème dimanche du temps ordinaire - 14 juillet 2024

Mc 6, 7-13

 

A la différence de saint Matthieu, saint Marc ne dit pas que l’envoi en mission des Douze est, à ce stade de l’évangile, à ce moment de l’histoire du Salut, réservé « aux brebis perdues de la Maison d’Israël » (Mt 10, 6). L’évangile de saint Matthieu comporte en effet ces instructions fermes de Jésus à ses Apôtres : « Ne prenez pas le chemin qui mène vers les nations païennes et n’entrez dans aucune ville des Samaritains. Allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël ».
Vous vous souvenez peut-être de cet autre passage où une femme venue des territoires de Tyr et de Sidon suppliait Jésus pour son enfant mais Jésus ne lui répondait pas un mot. Les disciples étaient intervenus : « Renvoie-la, car elle nous poursuit de ses cris ! » Jésus avait répondu : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël » (Mt 15, 21-28, évangile du 20 Août 2023).

On peut entendre de façon aussi restrictive la parole adressée au prophète Amos dans la 1ère lecture : ‘Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël’ (Am 7, 15).

Bien sûr l’ouverture aux Nations était en ligne de mire. Dimanche dernier, je vous rappelais la promesse du 2ème Chant du serviteur souffrant : « Je fais de toi la lumière des Nations pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » (Is 49, 6). Le titre de saint Paul sera l’apôtre des Nations, le livre des Actes des Apôtres montrant comment l’Eglise s’est tournée vers les Nations, rejetée par Israël.

Cela n’empêche pas de constater l’enracinement profond de Jésus dans son pays de Galilée, et l’écriteau sur la Croix portera ces mots, l’acronyme, c’est-à-dire les initiales : INRI Jésus le Nazaréen, Roi des Juifs (Jn 19, 19).

Soulignons également son respect des lois et des coutumes. Contrairement à ce qui est parfois prétendu, Jésus n’est pas un révolutionnaire. Le message de l’évangile n’est pas et ne sera jamais celui de la révolte. Même l’expression de ‘révolution de la tendresse’ est trompeuse. Le terme exact est révélation, et non révolution, révélation de la tendresse de Dieu, ô combien présente dans l’Ancien Testament.

Lorsque, par deux fois dans l’évangile, Jésus est interrogé sur l’impôt, l’impôt à César (Mt 22, 17), le plus contestable venant d’une occupation étrangère, et l’impôt au Temple (Mt 17, 24), dans les deux cas, Jésus prône ce que saint Paul affirmera et que le Catéchisme de l’Eglise Catholique développera logiquement : le respect des institutions.

Il n’y a pas de place dans la vie chrétienne pour la violence.

« La violence n’est ni chrétienne, ni évangélique » disait Paul VI, qui, dans son message du 1er janvier 1968, écrivait : « Le chrétien est pacifique et n’en rougit pas. Il n’est pas simplement pacifiste car il est capable de combattre. Mais il préfère la paix à la guerre ».

Et Jean-Paul II en donnera la raison la plus forte à savoir que la violence a toujours partie liée avec le mensonge.
« La violence a toujours besoin de se légitimer par le mensonge, de se donner l’air, même si c’est faux, de défendre un droit ou de répondre à une menace d’autrui » (Centesimus annus, n. 23).

Les violents sont des menteurs.

Il est bon, pour l’évangile de ce dimanche, cet envoi en mission des Douze, d’avoir à l’esprit la consigne donnée par Jésus dans les évangiles de saint Matthieu comme de saint Luc : « Dans chaque ville ou village où vous entrerez, informez-vous pour savoir qui est digne de vous accueillir et restez là jusqu’à votre départ. En entrant dans la maison, saluez ceux qui l’habitent : la paix soit avec vous ! ».
Pax ! comme signait un de mes vieux amis chacun de ses messages. Pax !

« Si cette maison en est digne, que votre paix vienne sur elle. Si elle n’en est pas digne, que votre paix retourne vers vous » (Mt 10, 11-13), autrement dit, qu’elle ne vous quitte pas ! Soyez et demeurez dans la paix.

C’est une particularité de l’évangile de saint Marc de faire un usage restreint du mot paix qu’on ne trouve qu’à deux endroits : lors de la guérison de la femme hémorroïsse que nous entendions il y a deux dimanches quand Jésus dit : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal » (Mc 5, 34), qui montre que cette paix est d’abord intérieure, la paix du cœur. L’autre passage est la parabole du sel, symbole de la foi qui ne doit pas s’affadir : « C’est une bonne chose que le sel ; mais si le sel devient insipide, avec quoi l’assaisonnerez-vous ? Ayez du sel en vous-mêmes et vivez en paix les uns avec les autres » (Mc 9, 50).

La traduction que nous faisons de la 7ème Béatitude – « Heureux les artisans de paix » (car ils seront appelés Fils de Dieu) manque un peu de vigueur car le terme est plus incisif qui signifie : Heureux ceux qui veulent la paix ! Heureux ceux qui aiment la paix ! Et qui sont même prêts, c’est la Béatitude suivante, à mourir pour elle, à souffrir injustice et persécution au nom du Christ. Les deux s’enchaînent : les vrais pacifiques finissent en martyrs et les vrais martyrs sont pacifiques.

Il suffit de contempler le Christ, le prince de la paix, le roi des martyrs, « qui a fait la paix par le sang de sa croix » (Col 1, 20). Il est « notre paix » (Ep 2, 14). Et il nous envoie en messagers de la paix. « Que, dans vos cœurs, règne la paix du Christ à laquelle vous avez été appelés, vous qui formez un seul corps » (Col 3, 15).

La prière pour la paix, après le Notre Père, et le geste de paix que nous échangeons prend tout son sens au moment de l’envoi final : ‘Allez dans la paix du Christ !’. Ne l’entendons pas comme une façon de se débarrasser les uns des autres comme si on disait : ‘Allez, c’est bon, la messe est dite’ (Ite missa est) … Mais comme la grâce de la Résurrection, les premiers mots du Christ étant au soir de Pâques : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie ». Soyez des messagers de la paix.

Il y a une bonne façon de savoir si nous aimons le Christ :

Aimer le Christ c’est aimer la paix.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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