31ème Dimanche du Temps Ordinaire - 31 octobre 2021

Mc 12, 28b-34

 

L’un de vous m’a demandé pourquoi Dieu avait ‘attendu’ Moïse pour donner la Loi, pour se révéler comme le Dieu qui libère de l’esclavage, Dieu de tendresse et de fidélité. Pourquoi pas avant ? Pourquoi les Juifs ne comptent-ils pas le temps à partir de Moïse, avec un temps avant Moïse et un temps après Moïse, vers 1250 avant Jésus-Christ, de même que nous Chrétiens disons avant Jésus-Christ et après Jésus-Christ. Ou plus pudiquement ‘de notre ère’, l’ère chrétienne. Les Musulmans ne prennent-ils comme point de départ de leur calendrier l’année 622 de l’Hégire (émigration) où Mahomet émigra de La Mecque à Médine, leur décompte du nombre de jours par mois expliquant que pour eux nous soyons en 1443 et non en 1399 (2021 moins 622) ?
Le calendrier juif ne commence pas à Moïse mais à la création d’Adam et Eve que la tradition juive a fixée un peu plus de deux mille ans avant Moïse, à 3761 avant Jésus-Christ (ce qui fait que pour eux nous sommes en 5782).
Leur point de départ n’est ni l’Alliance avec Moïse, ni l’Alliance avec Abraham, ni l’Alliance avec Noé, mais la Création, et plus exactement notre création, la création de l’homme, l’acte par lequel Dieu nous a divinisé, a fait d’un grand singe un petit homme en soufflant en lui son Esprit, lui donnant une âme immortelle.

Avec Moïse s’est révélé ce qu’il s’est passé lorsque Dieu a insufflé son Esprit en Adam et Eve, puisque homme et femme il les créa : il a gravé en nos cœurs sa Loi d’amour, ses commandements. En termes modernes, il a créé la conscience. Dieu n’a pas ‘attendu’ Moïse pour révéler une Loi qui était déjà inscrite en nos cœurs. Il l’a donnée sur des tables de pierre pour que nous apprenions à la lire sur notre cœur de chair : en notre âme et conscience.

Nous croyons que tout être humain a une conscience, même quand il n’est plus conscient ou qu’il se comporte comme un inconscient. Notre âme précède et dépasse notre corps, et lui survit : créés âme et corps, nous ressusciterons âme et corps. Cette résurrection de la chair est la seule possibilité pour que nous puissions retrouver après la mort ceux que nous avons aimés : le corps est nécessaire à l’âme pour entrer en relation avec le monde. C’est par notre corps que nous pouvons entrer en relation et communiquer les uns avec les autres. Si l’âme seule subsistait dans la vie éternelle, nous verrions Dieu sans retrouver ceux que nous avons aimés.

L’insufflation divine par laquelle nous sommes chacun une personne humaine unique ne s’est pas faite à la sortie du ventre de notre mère mais à l’instant de notre conception, qui est le premier instant de notre vie, aussi difficile à déterminer scientifiquement que le dernier.

L’embryon a une âme, douée de conscience et de volonté, et il se nourrit de sa mère et de son amour pour lui. Est-ce que les parents, la mère et le père, retrouveront au Ciel les enfants morts avant leur naissance, avant le terme de la grossesse ? Nous le croyons et cette conviction que l’embryon doit être traité comme une personne humaine, a droit au même respect fait partie de nos désaccords avec les lois de la République, quand bien même nous devons en ce moment faire profil bas après ce que nous avons fait ou laissé faire aux enfants.

Dans la dispute publique qui a eu lieu début octobre sur le secret de la confession, il aurait fallu rappeler qu’il n’y a pas d’opposition entre lois civiles et lois religieuses mais un écart toujours possible pour tout être humain, croyant ou non, entre les lois civiles et sa conscience.
Cet écart a été formulé de façon inégalée par le bienheureux cardinal Newman : « Si après un dîner j’étais obligé de porter un toast “ecclésiastique” – ce qui évidemment ne se fait pas –, je boirais à la santé du pape, croyez-le bien, mais à la conscience d’abord, et ensuite au pape ».

La conscience d’abord. Voilà ce que signifie obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (Ac 5, 29). Obéir à Dieu, c’est obéir à sa conscience, « le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre » (Constitution de l’Eglise Gaudium et spes), et pour cela nous avons besoin de calme et de silence. Voilà à quoi sert la vie sacramentelle, les sacrements et la prière : à retrouver la Loi d’amour de Dieu gravée en nos cœurs.

Cela n’empêche pas d’être attentifs comme tout citoyen aux lois de la République dont la plupart éclairent notre conscience car notre République est chrétienne d’origine, fille naturelle de l’Eglise, et certaines lois peuvent l’obscurcir car la République est un enfant prétentieux, qui prétend s’être faite elle-même. Sans doute l’Eglise a-t-elle manqué elle-même d’humilité. Dans l’Eglise, aucune loi n’est mauvaise mais certaines pratiques contraires à l’Evangile.

La particularité et la grandeur du Christ est qu’il n’est pas seulement un modèle, comme les saints et les saintes que nous fêterons demain, ni même le modèle parfait, le Saint de Dieu.

Il est l’Auteur de la Loi, Dieu né de Dieu, lumière née de la lumière.

Je m’adresse à toi qui m’as demandé dimanche dernier à la sortie de la messe de quelle façon Dieu est présent dans nos vies ?
Dieu, l’Auteur de la Vie, est l’Auteur de la Loi gravée en nos cœurs. Il est celui qui te parle chaque fois que tu entres dans le secret de ta conscience. La loi divine est inscrite en ton cœur : ta dignité est de lui obéir et c’est elle qui te jugera.

Aimer, oui, il nous faut aimer, en âme et conscience.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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