2ème dimanche du Carême - 25 février 2024

Mc 9, 2-10

 

Saint Benoît est un maître de la vie spirituelle et du combat spirituel. Il est bon, pour demander son aide, de porter sa croix : la médaille de saint Benoît. Y figurent une série d’inscriptions par leurs initiales qui disent : « Que la croix sacrée soit ma lumière » ! « Que le dragon ne soit pas mon patron » ! Et sur le pourtour : « Va-t-en Satan, garde pour toi tes mauvais conseils ! Bois-les toi-même tes poisons ! ».

Voilà une bonne transition avec la gourmandise dimanche dernier : les Pères de l’Eglise disaient que la gourmandise est la mère de la luxure, la débauche, la sensualité chaotique ou débridée, qui commence par l’impureté du regard : la prière d’ouverture de ce dimanche demandait au Seigneur (dans son ancienne traduction) de « trouver dans ta Parole les vivres dont notre foi a besoin et nous aurons le regard assez pur pour contempler ta gloire ».

Seigneur, donne-nous le regard assez pur pour ne pas considérer le corps humain comme une chose, un objet de plaisir, à conquérir, à consommer.

Saint Benoît est né en Ombrie, à Nursie, pas loin de Cascia la ville de sainte Rita, pas loin non plus d’Assise, à une centaine de kilomètres au Nord de Rome où il est envoyé quand il a quinze ans pour faire ses études (on est en 495). Il y est scandalisé par l’ambiance dissolue qui y régnait. Babylone. Il avait, par grâce, son caractère et son éducation, cette candeur dont parle l’évangile quand Jésus est transfiguré : ses vêtements devinrent d’une ‘candeur’ (c’est le mot latin) telle que personne sur terre ne peut en obtenir une pareille. Saint Benoît avait le cœur pur et le regard pur.
Il s’en va pour s’installer à 70 km à l’est, au-dessus de Subiaco, où il vit pendant trois ans dans la prière et la solitude. Il fait cette expérience que décrit la Lettre de saint Jacques : « Chacun est tenté par sa propre convoitise » (Jc 1, 14), évidemment tenté par le Diable qui le harcèle avec le souvenir d’une très belle femme « que l’esprit malin lui ramenait sans cesse devant les yeux de l’âme … à tel point que, presque vaincu par la volupté, il songeait quitter le désert ». Si, dans les cas bénins, une douche froide suffit, il dut se jeter tout nu dans les ronces et les orties, dont il sortit définitivement guéri.
Combien d’hommes et de femmes ont quitté leur conjoint, ‘vaincus par la volupté’, ne voyant que leur plaisir et pas la souffrance infinie que leur trahison allait provoquer.

J’ai célébré les obsèques d’une femme qui, dans sa jeunesse était si belle, fantasque et explosive qu’elle avait fait plusieurs tentatives de suicide jusqu’à ce qu’elle connaisse une expérience de mort imminente qui ne ressemblait pas du tout à un couloir de lumière mais l’avait plongée dans une obscurité atroce à la limite de l’enfer dont elle était sortie définitivement guérie, et elle n’avait plus jamais recommencé. Elle est morte à 93 ans.

Dans la catéchèse que le Pape a donnée sur la luxure le 17 janvier, il a repris le même terme qu’il avait employé le 10 janvier pour la gourmandise, de voracité. Ce sont deux mêmes pentes glissantes de la gourmandise pour la nourriture, de l’hédonisme pour le plaisir, qui devient un vice dès lors qu’il ‘chosifie’ le corps, et l’instrumentalise. Quand on fait de la sexualité un jeu, au mépris de sa réalité sacrée.

Si la vie est sacrée, et nous croyons que la vie est sacrée, un don de Dieu, notre corps aussi est sacré. Cette scène de la Transfiguration le révèle de façon magnifique : Jésus est transfiguré parce que son corps est sacré. Et nous sommes tous appelés à vivre cette transfiguration, pour entrer dans la vie éternelle, ce sera la transfiguration de notre résurrection : le Christ associe clairement les deux en ordonnant à ses disciples « de ne raconter à personne ce qu’ils avaient vu, avant que le Fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts ».

La sexualité n’est pas un jeu : elle est un don de Dieu. Elle a ceci de particulier qui la distingue de tous les autres plaisirs et satisfactions terrestres qu’elle n’est pas ‘vitale’ comme la nourriture ou le sommeil, alors même qu’elle est source de vie, qu’elle peut donner la vie.

Le Pape insistait sur « la voix puissante de la sexualité : elle met en jeu tous les sens, elle habite à la fois le corps et la psyché, et c’est très beau, mais si elle n’est pas disciplinée avec patience, si elle n’est pas inscrite dans une relation et dans une histoire », cette puissance peut être dévastatrice, qu’il faut savoir éduquer et surtout protéger les petits et les enfants.

Le plaisir sexuel, comme tous les plaisirs, porte en lui le risque de se transformer en dépendance qui prive l’être humain de sa liberté et le replie sur lui-même. L’hédonisme est un égoïsme.

Le contraire du repliement c’est la simplicité, la première qualité de Dieu, Dieu sans un pli, Dieu absolument simple, de l’amour authentique, objectif ultime de notre vie : parvenir à la simplicité dans notre relation à Dieu et aux autres.

Je vous mets au défi de trouver scène plus simple et plus pure que la Transfiguration, où Dieu Père, Fils et Saint-Esprit, se manifeste à ses disciples en présence de deux héros références de l’histoire du Salut, Moïse et Elie, faisant dire à Pierre : nous sommes comblés. C’est bon. C’est très bon que nous soyons là, avec toi et avec eux. Ils sont comblés, alors que le meilleur est à venir.

Nous sommes comblés chaque fois que nous sommes aimés en vérité et pas traités comme des objets. Le corps humain n’est pas une chose, la sexualité n’est pas un jeu : elle est appelée à être une liturgie, c’est-à-dire une action sacrée, bénie par Dieu, portée par l’amour, ouverte à la vie, nécessitant un minimum de rites ou rituels, et laissant une place et une part essentielle à l’écoute. Pas de respect sans écoute.

Ah ! si la sexualité pouvait être une liturgie !

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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