4ème dimanche du Temps Ordinaire - 30 janvier 2022

Lc 4, 21-30

 

Une ombre plane sur cette scène à la synagogue de Nazareth, une figure brille par son absence ou son silence : le chef de la synagogue, archisunagogos. Pourquoi n’est-il pas mentionné ?  C’est sur son ordre, au moins sous son contrôle que Jésus a pris la parole, et que le ‘servant’, sorte de sacristain chargé du nettoyage comme du catéchisme, lui a tendu le rouleau des Ecritures, comme on l’a vu dimanche dernier (cf. Lc 4, 20). A-t-il été dépassé par les événements ? Ou volontairement mis de côté pour signifier la nouveauté de Jésus ?

Dans le livre des Actes des Apôtres, Paul et ses compagnons arrivent à Antioche de Pisidie et le jour du sabbat ils se rendent à la synagogue. « Après la lecture de la Loi et des Prophètes, les chefs de la synagogue leur envoyèrent dire (probablement par un servant) : Frères, si vous avez une parole d’exhortation pour le peuple, parlez » (Ac 13, 15).

Dans un cas comme dans l’autre, on leur donne la parole parce qu’ils parcouraient villes et villages en enseignant. S’appliquaient à ces rabbis de passage ce que la Loi prescrit à propos des prêtres et des lévites : « si l’un d’eux séjournant en l’une de tes villes, vient, selon son désir, au lieu choisi par le Seigneur, il y officiera au nom du Seigneur comme tous ses frères » (Dt 18, 6-7). Cette prescription était d’autant plus connue qu’elle figure dans ce passage du Deutéronome où Dieu promet à Moïse de faire se lever dans son peuple un prophète comme lui : « Au milieu de vous, parmi vos frères, le Seigneur votre Dieu fera se lever un prophète comme moi » (Dt 18, 15). « Et vous l’écouterez ». Un nouveau Moïse !

Choisi parmi les anciens de la communauté, le chef de la synagogue veillait au bon déroulement du Culte, vérifiait que tout soit conforme à la Loi et la Tradition, fait « dans la décence et en accord avec l’usage ancestral ». Saint Luc s’en moque joyeusement quand il raconte qu’un chef de synagogue, « indigné de voir Jésus faire une guérison le jour du sabbat, dit à la foule : ‘Il y a six jours pour travailler ; venez donc vous faire guérir ces jours-là, et non pas le jour du sabbat’ » (Lc 13, 14) !

Le chef de la synagogue contrôlait lectures et lecteurs, répartissait commentaires et explications. Souvenez-vous de la 1èrelecture de dimanche dernier : « Esdras lisait un passage dans le livre de la loi de Dieu, puis les Lévites traduisaient, donnaient le sens, et l’on pouvait comprendre » (Néhémie 8, 8).

Dans le cas de Jésus à Nazareth ou de Paul à Antioche, d’autres personnes que des prêtres ou des lévites pouvaient donc intervenir.

Est-ce imaginable à l’Eglise ?

Que l’on puisse comprendre ou que des membres de l’assemblée puissent intervenir ?

A l’Eglise, et à la messe, l’homélie est réservée aux prêtres et aux diacres, représentants des évêques, successeurs des apôtres, parce que nous ne sommes pas à la synagogue mais à Jérusalem, pour célébrer le sacrifice du Christ, sa mort et sa résurrection.
A la messe, nous ne sommes pas à Nazareth, ni à Capharnaüm, ni dans quelque ville d’Israël ou de la Diaspora : nous sommes à Jérusalem, à la Cène du Jeudi Saint, au jardin des Oliviers, au Sanhédrin, chez Pilate, au Golgotha, au matin de Pâques.

A la messe, l’homélie est réservée au prêtre parce qu’elle centrée sur le Christ.

Le Christ a définitivement accompli la promesse faite à Moïse : « c’est un prophète comme toi que je leur susciterai, du milieu de leurs frères, je mettrai mes paroles dans sa bouche et il leur dira tout ce que je lui ordonnerai » (Dt 18, 18).

Le prophète a pour mission de rappeler le peuple à l’Alliance, de l’exhorter à la conversion. L’Alliance est plus large que la Loi : elle s’adresse à toute l’humanité, d’où ces deux exemples que Jésus prend des prophètes Elie et Elisée pour leur attention aux malheureux, leur compassion pour les pauvres et les étrangers.

Il faut du courage aux prophètes pour répondre à l’appel de Dieu.

Il leur faut de la compassion pour ceux qui leur sont confiés.

Le 3ème trait marquant des prophètes est leur liberté à l’égard des débats d’idées. Voyez comment le Christ passe son chemin – et prions pour que nous apprenions à ne pas nous perdre dans les polémiques, à prendre exemple sur son impassibilité face aux mouvements d’humeur, pour nous concentrer sur l’annonce de l’Evangile.

Nous gagnerions dans l’Eglise à nous mettre au calme et nous demander : qui est-ce que nos disputes intéressent ? A part le Diable ?

Courage, compassion, calme et liberté.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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