Ils sont quatre à intervenir successivement, après le lavement des pieds et l’annonce par Jésus de la trahison de Judas et de l’imminence de sa Passion, quatre apôtres de Jésus : Thomas et Philippe que nous venons d’entendre, mais juste avant Simon-Pierre, et juste après Jude, pas Judas, l’autre qu’on appelle Thaddée.
Pierre, Thomas, Philippe et Jude incarnent les quatre vertus dont nous avons besoin face à un avenir critique, quatre appuis de notre humanité pour recevoir de Dieu la grâce de l’espérance.
« Soyez toujours prêts à rendre raison de l’espérance qui est en vous », dit l’apôtre Pierre dans la 2ème lecture de ce dimanche, en ajoutant : « faites-le avec douceur et respect » (1 P 3, 15-18).Il serait absurde d’annoncer l’amour sans l’amour.
Si le Christ est le chef de notre foi, son sujet et son objet, si le Christ est le centre de notre foi, l’Esprit-Saint peut être davantage associé à l’espérance. Pensons à la parole de saint Paul : « L’espérance ne déçoit pas puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné » (Rm 5, 5).
Qu’est-ce que l’espérance ?
Le dictionnaire dit que l’espérance est un sentiment de confiance qui porte à considérer que ce qu’on désire va se réaliser.
L’espérance est un sentiment de confiance. Comme la foi. C’est pourquoi Benoît XVI dit dans sa Lettre sur l’Espérance que les deux mots sont quasiment interchangeables. Les trois vertus de foi, espérance et charité reposent toutes les trois sur la confiance. L’amour fait confiance,comme la foi et l’espérance.
La foi et l’espérance diffèrent dans leur temporalité : elles relèvent de temps différents, la foi se conjugue au présent, elle est une grâce de l’instant présent, sans cesse à renouveler, tandis que l’espérance croit en l’avenir. La charité, elle, est à temps et à contretemps (2 Tim 4, 2), d’autant que toujours elle se souvient, que l’amour de Dieu est premier. Que pouvons-nousdonner que nous n’avons reçu ? La gratitude fait partie intégrante de la charité.
L’espérance est tournée vers l’avenir en raison même de son désir : elle a confiance qu’il va se réaliser. Encore faut-il que ce désir existe ! Nous ne manquons pas tant d’espérance que de désir ! En particulier du désir de justice (je vous renvoie à mon homélie de dimanche dernier).
Désir de justice, condition du bonheur éternel, telle est la ‘grande espérance’ dont parle Benoît XVI : à grand désir, grande espérance !
J’ai désiré d’un grand désir, dit Jésus, manger cette Pâque avec vous (Lc 22, 15), pour nous laisser dans l’Eucharistie le chemin du Ciel. Le Curé d’Ars l’avait bien compris dans sa promesse au premier paroissien qu’il avait rencontré : je te montrerai le chemin du Ciel –dans le sacrement de l’Eucharistie.
Ce désir du Ciel dépend de notre amour pour Jésus et / ou de la présence lancinante en notre cœur de personnes disparues que nous espérons retrouver. Et plus notre amour pour Jésus grandit, plus nos chances augmentent de retrouver enfin ceux que nous avons aimés.
L’espérance a deux autres caractéristiques : d’abord elle est communautaire, elle nous est commune et nous unit.
C’est la différence, s’il faut en faire une, entre espoir et espérance : l’espoir est personnel, en tout cas n’intéresse pas forcément les autres, même quand il s’agit de cessez-le-feu dans unconflit ou d’un remède contre une maladie : vous voyez bien que tout le monde ne s’y engage pas de la même façon …
L’espérance, en revanche, est une nécessité vitale. La Lettre aux Hébreux la présente comme une ‘ancre de l’âme’ (He 6, 19) : « Cette espérance, nous la tenons comme une ancre sûre et solide pour l’âme ; elle entre au-delà du rideau, dans le Sanctuaire où Jésus est entré pour nous en précurseur, pour l’éternité ». C’est ce que nous célèbrerons à l’Ascension.
Sa 2ème caractéristique est d’être lumineuse ! Une flamme dans la nuit ! Elle a ce double lien à la Parole de Dieu, lumière sur notre route, et aux Saints et Saintes qui nous ont précédés, magnifiques témoins de l’espérance. Voyez l’exemple du cardinal François–Xavier Van Thuân, un modèle, qui écrivait emprisonné en 1980 : « On peut tout perdre matériellement, mais si Dieu reste, on a encore tout ».
Dieu est Amour.
La vie des Saints est la meilleure formation à l’espérance. Demandez-vous pour votre Sainte ou votre Saint préféré, quel était son grand désir : à quoi s’est-il ou elle surtout attachée ? Par exemple, saint Yves, que nous fêterons vendredi, le 19 mai, au lendemain de l’Ascension, patron des avocats, un autre nom du Paraclet, le Défenseur, l’Esprit Saint, protecteur etconsolateur. Voyez comment saint Yves a brûlé d’amour pour le Christ, pour la justice,comment il s’est fait proche des plus pauvres et des malheureux, comment il a cherché jusqu’au bout à imiter le Christ.
Méditez l’espérance de ceux qui vous ont précédés.
Et n’oubliez pas – pas seulement de revenir, mais d’espérer et de désirer :
à grand désir, grande espérance !
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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