Qu’est-ce qui est nécessaire, de quoi a-t-on besoin pour dire la messe ? D’un prêtre ? Oui et si c’est possible un bon même si Dieu seul est bon. On a besoin d’un prêtre pour dire la messe et vendredi prochain, la fête du Cœur sacré de Jésus sera une journée de prière pour les prêtres.
Deux récits sont gravés dans ma mémoire de prêtres qui ont célébré la messe dans des conditions terribles. Un jésuite américain a passé vingt-trois ans dans les prisons soviétiques et les camps de travail de Sibérie entre 1940 et 1963. Capturé par l’armée russe, accusé d’être un espion du Vatican, Walter Ciszek a raconté dans son livre ‘Avec Dieu au Goulag’ comment il célébrait la messe dans le creux de sa main, pendant le trajet entre le camp et la mine.
Le pouvoir communiste n’est pas venu à bout non plus de l’archevêque de Saigon, le cardinal François-Xavier Nguyên Van Thuân, emprisonné en 1975 durant treize ans, qui a témoigné dans son livre ‘Sur le chemin de l’Espérance’ des messes célébrées dans son cachot, avec un peu de vin fourni par une femme au péril de sa vie. Je pleure quand j’y pense. Quand je pense aux Catholiques persécutés pour qui la messe est la vie. Il faut prier pour eux en cette fête du Saint-Sacrement. Prier pour la liberté religieuse.
De quoi a-t-on besoin pour dire la messe ? Si ces prêtres persécutés ont pu trouver du pain et du vin, cela signifie qu’on n’en manquera jamais, et ce fut la réponse d’Abraham à Isaac : « Mon père ! – Eh bien, mon fils ? » Isaac reprit : « Voilà le feu et le bois, mais où est l’agneau pour l’holocauste ? ». Abraham répondit : « Dieu saura bien trouver l’agneau pour l’holocauste, mon fils » (Gn 22, 8). Nous le dirons tout à l’heure : Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. Dieu pourvoira.
Dans les multiplications des pains, il n’est pas question de vin mais à chaque fois de pains et de poissons sans qu’on sache quelle signification leur donner ? On ne peut que constater leur présence jusqu’au soir de Pâques quand Jésus ressuscité demande aux disciples : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? ». Ils lui présentèrent une part de poisson grillé qu’il prit et mangea devant eux (Lc 24, 43). Et leur disparition de nos célébrations. De quoi les poissons sont-ils le signe ? On sait qu’ils furent un signe de reconnaissance des premiers chrétiens, Ichtus, Jésus-Christ Fils de Dieu Sauveur, « parce que lui seul a pu demeurer vivant, exempt de péché, au milieu des abîmes de notre mortalité semblables aux profondeurs de la mer » (saint Augustin).
Par notre baptême, nous sommes dans le monde comme des poissons dans les eaux de la mort ainsi que Jésus l’avait annoncé à Pierre : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras » (Lc 5, 10). Qu’offrons-nous à la messe sinon notre propre vie : fais de nous une vivante offrande à la louange de ta gloire. Est-ce à dire que si nous ne voulons pas nous offrir, nous ne devrions pas venir à la messe ? Au contraire : si nous ne venons pas à la messe, nous ne pourrons pas nous offrir à Dieu. Jésus, toi qui as promis d´envoyer l´Esprit, à ceux qui te prient, – Voici l´offrande de nos vies.
Revenons à la multiplication des pains. Les foules sont rassemblées et Jésus parle, longtemps. Il les catéchise. Ils sont nombreux, cinq mille hommes, loin de chez eux. Jésus les fait asseoir par groupes de cinquante, ici encore la signification nous échappe : vingt ou trente, c’est une messe de semaine, cent à deux cents, une messe du dimanche, mais cinquante ?
Jésus inaugure le sacerdoce nouveau, prêtre, prophète et roi, d’où la référence en 1ère lecture à Melchisédek, premier prêtre de la Bible, et seul prêtre et roi : il annonce le règne de Dieu et il guérit ceux qui en ont besoin, ce qui est une façon de dire que sa Parole est efficace, du moins pour ceux qui le croient.
De quoi a-t-on besoin pour dire la messe ? De catéchisme et d’humilité. De se reconnaître pécheur pour être prêt à écouter. L’ordre est important : préparons-nous à la célébration de l’eucharistie en reconnaissant que nous sommes pécheurs. Préparons-nous à l’écoute de la Parole de Dieu en demandant une grâce d’humilité et de disponibilité intérieure. Crée en moi un cœur pur Ô mon Dieu, un cœur moins encombré de moi-même, ne me reprends pas ton Esprit-Saint, rends-le vivant en moi pour accueillir ta Parole.
De quoi a-t-on besoin pour suivre la messe ? D’avoir envie de connaître Dieu.
A la fin de l’évangile de saint Jean, quand Jésus demande à Pierre : est-ce que tu m’aimes ? – nous pourrions remplacer le verbe aimer par le verbe connaître. Jésus n’interroge pas Pierre sur ses sentiments. Il ne lui demande pas ce qu’il ressent en cet instant, tout à la joie de sa présence, une joie mêlée de regrets d’avoir renié, failli, chuté.
La question est-ce que tu m’aimes ? signifie : est-ce que tu veux rester avec moi ? alors que tu n’as pas eu la force de veiller une heure avec moi. Est-ce que tu veux rester avec moi – Pourquoi ? Pour mieux me connaître. Tu me connais déjà, depuis le temps que je suis avec vous, mais veux-tu me connaître davantage, toujours davantage ? Pensez aux personnes que vous aimez, à l’attachement que vous ressentez pour elles, à la façon dont leur présence donne du sens et de la joie à votre vie, dont leur existence occupe vos pensées, emplit votre être. Tout ce qui les concerne vous touche.
Entre aimer et connaître, il y a un lien essentiel rappelé dans la 1ère lecture de ce dimanche, lorsque ce personnage mystérieux de Melchisédech vient bénir Abraham notre père dans la foi : entre aimer et connaître, il y a bénir. Dire du bien, y compris intérieurement : penser du bien. Aimer, Bénir et Connaître, car l’amour est premier et signifie vouloir du bien. Bénir, penser et dire du bien. Connaître savoir et se souvenir du bien. L’identifier, le reconnaître pour l’avoir expérimenté.
Pensez aux personnes que vous aimez : vous leur voulez du bien. Vous les connaissez : vous en savez les qualités pour les avoir vues à l’œuvre. Vous en pensez du bien, j’espère ! mais est-ce que vous en dites aussi, est-ce que vous leur dites tout le bien que vous en pensez, que vous leur devez ?
Aimer, bénir et connaître, c’est le principe de la messe. Nous nous rassemblons pour Lui, pareils à des enfants qui font la joie de leur Père quand il les voit unis dans la paix auprès de Lui. Lui le Béni, nous le bénissons de nous avoir créés, de nous aimer, d’être avec nous, même quand nous ne sommes pas avec lui. Il nous connaît bien plus et mieux que nous ne nous connaissons : plus intime à moi que moi-même.
De quoi a-t-on besoin pour vivre la messe ? On a besoin d’aimer et d’être aimés. On a besoin de le dire en vérité, du fond du cœur. De le célébrer, de le partager, de le glorifier, Lui qui nous a créés, qui nous aime et qui est venu nous sauver. Jésus-Christ Fils de Dieu Sauveur.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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