En un temps où l’infidélité sous toutes ses formes, pas seulement conjugale, semble être devenue la maîtresse du monde, synonyme de liberté, où la trahison est presque devenue la norme, il est bon et même vital de remercier, de soutenir et d’encourager tous ceux qui restent fidèles, fidèles à leur foi, fidèles à leurs engagements, fidèles à leurs valeurs, fidèles à leur mission.
Il est bon de contempler le Crucifié que l’Ecriture nomme le ‘témoin fidèle’, à trois reprises dans le Livre de l’Apocalypse, témoin fidèle de l’amour véritable, le Christ, « qui au lieu de la joie qui lui était proposée, endura une croix, dont il méprisa l’infamie, et qui est assis désormais à la droite du trône de Dieu » (He 12, 2).
Le récit de la Passion selon saint Luc s’arrête sur la vision des femmes qui regardent le tombeau et comment son corps avait été mis. Elles s’en retournent ensuite préparer aromates et parfums, avant d’être fidèles à la Loi et au repos du sabbat (Lc 23, 56). Elles sont fidèles au Christ et à la Loi. Signe qu’il est possible de tenir les deux.
Ne soyons pas trop sévères pour les apôtres qui se sont enfuis. Pas plus sévères que le Christ dont ils ont reçu, lors du dernier repas, la reconnaissance : « Vous êtes, vous, ceux qui êtes demeurés constamment avec moi dans mes épreuves ». La reconnaissance et cette promesse : « vous mangerez et boirez à ma table en mon Royaume, et vous siégerez sur des trônes pour juger les douze tribus d’Israël » (Lc 22, 30).
Ils sont restés avec le Christ dans ses épreuves, et là, ils se sont sentis abandonnés. Ils avaient été appelés, formés par Jésus. Ils avaient vu des merveilles, entendu la Parole de Vie. Oh certes, il les avait prévenus, il avait annoncé sa mort mais tout autant sa Gloire. Là ils étaient perdus et se sont sentis abandonnés.
Pierre jure qu’il n’abandonnera pas Jésus. Saint Luc présente ce serment comme une réponse à la mission que le Christ lui confie : « j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères » (Lc 22, 32). Ce n’est pas seulement pour nous que nous recevons la foi, pas seulement pour nous garder unis à Dieu, mais tout autant pour les autres, pour nous garder unis les uns aux autres.
Nous disons souvent qu’il y a deux valeurs typiquement, résolument chrétiennes, que sont l’espérance et le pardon, et nous avons raison. Elles se nourrissent l’une de l’autre : pas d’espérance sans pardon, pas de pardon sans la conviction qu’avec l’aide de Dieu, le secours de la grâce nous pourrons repartir et progresser. L’espérance et le pardon sont au cœur de nos célébrations, particulièrement de ce dimanche, même si le récit s’arrête avant la Résurrection, – à condition d’en ajouter une troisième, aussi discrète que l’Esprit-Saint, qui est la confiance.
Ce sont en effet les trois paroles du Christ en Croix dans la Passion selon saint Luc :
L’Espérance : ‘Aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis’. La grande espérance de la vie éternelle dans l’amour de Dieu. Offerte à tous, même à ceux qui s’en jugent ou que nous en jugerions indignes.
Le Pardon : ‘Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font’. Dieu seul pardonne les péchés, et Jésus qui est Dieu le demande ici au Père, et ne le donne pas à ses bourreaux parce que le pardon n’est pas possible tant que le mal ne s’est pas arrêté.
Et la 3ème parole dit toute la confiance du Fils dans le Père : ‘Père, en tes mains je remets mon esprit’. Ayant dit cela, il expira.
Le Père avait tout remis entre les mains du Fils, il lui avait tout donné, comme le Père de la parabole du fils prodigue pouvait dire au fils aîné : ‘Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi’.
L’espérance, le pardon, la confiance. Dirions-nous que la première, l’espérance est tournée vers l’avenir, le pardon concerne forcément le passé, et la confiance fait le lien entre les deux, entre l’espérance qui nous rassemble et le pardon offert à chacun en particulier.
Des trois, de ces trois ‘spécialités’ chrétiennes, la confiance est peut-être la plus malmenée ou la plus négligée. Faute de savoir en qui nous mettons notre confiance : dans l’Eglise, dans le Pape, les évêques et les prêtres, ou dans le Christ ?
Cette Semaine sainte est une épreuve de confiance, l’épreuve de la croix, où nous devons passer de la foi de l’Eglise, de la foi qui vient des Apôtres à l’amour de Dieu. Dieu est Amour. Est-ce que tu m’aimes ? Que la question du Christ ressuscité retentisse en son préalable en chacun de nous : Est-ce que tu as confiance en moi ?
Voilà la question que Dieu pose à chacun aujourd’hui : j’ai confiance en toi, nous dit-il. Je t’ai créé, je te connais et je t’aime de toute éternité. Et toi, est-ce que tu as confiance en moi ?
Mon Dieu, par les mains du Christ, je remets en toi ma confiance.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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