20ème dimanche du temps ordinaire - 19 aout 2018

Jn 6, 51-58

 

A la fin de la retraite des familles que je viens de prêcher au Foyer de Charité de Tressaint, j’ai prévenu les enfants de ce que j’avais dit à leurs parents de répondre lorsque, dans la voiture, sur la route, vous demanderez tôt ou tard : ‘C’est bientôt ? On arrive quand ?’ – Je leur ai dit de vous répondre : ‘On arrive où ?’
Vous leur demanderez : ‘On arrive quand ?’ Ils vous demanderont : ‘On arrive où ?’ C’est quand ? C’est où ? Les deux ne sont pas séparables. L’instant présent, c’est ici. Aujourd’hui dans ta maison, dit Jésus. Ici et maintenant. Un temps et un lieu, pour être incarnés. Dans un corps, une famille, une communauté. Quand ? – demandent les disciples à Jésus : « Dis-nous quand cela aura lieu, et quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde ? ». Il leur a dit où : Où sont amour et charité.

On est en droit d’attendre du Chrétien qu’il sache où il va. Cela ne veut pas dire que nous le sachions dans tous ses détails. Mais je suis toujours étonné quand j’entends des Catholiques dire ne pas savoir ce qui se passe après la mort. Comme si la Résurrection n’avait pas de sens pour eux. Après la mort, nous voyons Dieu de nos yeux. Dans l’évangile le plus utilisé pour la célébration d’obsèques, de la part de ceux qui sont loin de l’Eglise peut-être parce que Jésus y déclare que dans la Maison du Père il y a beaucoup de demeures, on entend l’apôtre Thomas dire à Jésus : “nous ne savons même pas où tu vas” ! Preuve qu’il est bouleversé car c’est bien un reproche qu’on ne peut pas faire à Jésus ! Jésus est l’homme qui sait où il va. Il est lui-même le Chemin. La Vérité et la Vie.

Jésus sait où il va. Nous l’avons entendu lors de la multiplication des pains : « il savait bien, lui, ce qu’il allait faire ». Nous l’avons fêté lors de la Transfiguration quand il emmène trois de ses disciples sur une haute montagne pour conforter leur foi avant la Passion. La voix du Père venue du Ciel confirme la totale confiance à lui faire : écoutez-le. Ecoutez-le quand il vous dit de le suivre. Nous avons fêté la transfiguration de la Vierge Marie en son Assomption, Marie entièrement et définitivement transfigurée corps et âme dans la Gloire du Ciel : notre Espérance à tous ! L’évangile relatait qu’à l’annonce de l’Ange, Marie se rendit avec empressement chez Elisabeth. De façon déterminée. Elle sait où elle va.

On est en droit d’attendre du Chrétien qu’il sache où il va, ce qui n’empêche pas les passages à vide, de doute et de crise semblable au blues du prophète Elie dimanche dernier qui demandait au Seigneur de reprendre sa vie. A ce moment-là, il ne se rendait pas à la montagne de Dieu ; il fuyait les représailles de la reine Jézabel. Vous avez plus de chances de déprimer si vous fuyez.

Savoir où on va ne signifie pas que la route soit toute tracée, ni qu’on ne se pose pas de questions : quelle tristesse que les personnes enfermées dans leurs certitudes, croyant tout savoir, qu’ils soient croyants ou athées. Jésus s’attriste de ce temps perdu : ‘ne récriminez pas entre vous’. Est-ce qu’un aveugle peut guider un autre aveugle ?

Je vois nombre de personnes tiraillées par de telles incertitudes, le plus souvent faute d’engagements.
Je pense à l’une qui vivait avec un garçon mais ne voulait pas se poser la question du mariage. Elle ne savait pas où elle allait. Elle n’était sûre de rien. Ni de ses sentiments pour lui. Ni de ses sentiments à lui pour elle. Ni des enseignements de l’Eglise, ni des incitations de son époque. De rien. Est-ce que c’est mieux que d’être pétri de certitudes ? Je ne suis pas sûr qu’il soit nécessaire de passer d’un extrême à l’autre. Les auditeurs de Jésus étaient pétris de certitudes, de toutes sortes d’a priori.
Parmi toutes les personnes incertaines, je peux témoigner de la nette différence entre celles qui vont à la messe chaque dimanche et prient chaque jour le Seigneur qu’elles ont reçues et portent en elles et celles qui n’ont pas ce lien personnel avec le Christ. Comment voulez-vous savoir où vous allez si le Christ n’est pas vivant en vous ?

Laissez retentir l’appel à la sagesse de la 1ère lecture du Livre des Proverbes de ce dimanche : « À qui manque de bon sens, elle dit : Venez, mangez et buvez, mangez de mon pain, buvez de ce vin ». Nous l’entendons à la lumière de l’évangile : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous.

La Providence a voulu que dans la 2ème lecture, la lecture continue de la Lettre aux Ephésiens, saint Paul, en parfaite continuité avec la 1ère lecture qui dit : « ne vivez pas comme des fous, ne soyez pas insensés, soyez plutôt remplis de l’Esprit Saint » – complète : « priez, chantez le Seigneur, célébrez-le de tout votre cœur ».  Pourquoi ? Car c’est le signe que Dieu est présent et vivant en vous. C’est le Cantique joyeux, heureux de la Vierge Marie : mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur.

Vous pouvez penser que trouver son chemin était plus facile à l’époque de Jésus, où l’on n’était pas la proie comme aujourd’hui de sollicitations multiples, permanentes et séduisantes. Où on ne vivait pas dans un tel environnement de consommation. Sauf que c’est le contraire : cette profusion est le résultat de notre indécision. Nous pouvons souffrir de cette situation. Nous pouvons aussi poser cet acte de liberté, prendre la décision de vivre avec le Christ « par Lui avec Lui et en Lui ».

Une amie m’a dit l’autre jour : ‘Un objectif, un projet, un rêve’. Comme j’ai eu l’air un peu embêté, n’étant pas sûr à cet instant-là de pouvoir aligner les trois, les tenir dans une juste cohérence, elle a ajouté que le rêve n’a pas besoin d’être exaucé. En réalité, ce n’est pas que le rêve n’a pas besoin d’être exaucé, mais on ne sait ni où ni quand. Un objectif, c’est précis : où et quand. Un projet, ça ne dépend pas que de nous : on sait où (quoi) mais on ne sait pas quand. Et un rêve, on ne sait ni où ni quand.

‘Un objectif, un projet, un rêve’ : j’essaie depuis régulièrement de m’en servir pour faire le point, et je dois dire que tout change suivant que je conçois la sainteté comme un projet ou comme un rêve. Si je situe la sainteté comme un rêve, le rêve n’ayant pas besoin d’être exaucé, je peux me lancer et me perdre dans toutes sortes de projets. Mais si je situe la sainteté comme un projet, alors chaque objectif devient plus clair, et peu importe que mes rêves soient exaucés. Ou plutôt mon rêve devient notre rêve, la priorité donnée à l’amour, que chacun soit prêt à aimer et se laisser aimer. Que nous vivions tous de l’amour.

Essayez chacun : ‘Un objectif, un projet, un rêve’.

Et demandez-vous où vous situez la sainteté ?

Père Christian Lancrey-Javal, curé

Vous avez la possibilité de recevoir les homélies du Père Lancrey-Javal en remplissant ce formulaire

Article précédent
Qui s’abaisse sera élevé :
Article suivant
Les paroles de Jésus sont esprit et elles sont vie :