« Ce n’est pas contre des êtres de chair que nous avons à lutter » (Eph 6, 12). Cette phrase de saint Paul va nous permettre de répondre à trois questions sur ces tentations de Jésus au désert : Pourquoi le Diable s’est-il attaqué à Jésus ?
Sous quelle forme lui est-il apparu ?
Que signifie la mention finale sur l’éloignement du diable « jusqu’au moment fixé » alors que Jésus rencontre les démons tout au long de l’évangile ?
Le Diable s’est attaqué à Jésus pour le détourner de sa mission. Poussé par l’Esprit-Saint, Jésus se rend au désert par obéissance à son Père pour affronter le vide et la mort. Le désert est un lieu de mort.
Ceux qui vivent comme si Dieu n’existait pas, le Diable n’a pas besoin de s’occuper d’eux : s’ils agissent bien, il lui suffit de les laisser se gonfler d’orgueil, tout au plus vient-il les convaincre qu’il faut le faire savoir, que leur exemple soit utile, tandis que nous entendions au Jour des Cendres : quand tu fais le bien, « quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret ». Ce n’est pas l’Esprit-Saint qui te demande de faire savoir ce que tu fais de bien.
Ceux qui cherchent Dieu, qui cherchent à se conformer à la volonté de Dieu, ce sont ceux-là auxquels le Diable s’intéresse.
Il s’approche de Jésus affaibli par le jeûne car le Diable est un lâche, un Malin qui s’attaque aux plus faibles, qui nous attaque à nos moments de faiblesse, qui s’attaque à nos points faibles, comme le relevait saint Ignace : le Diable est comparable à l’assiégeant d’une place qui l’attaque du côté le plus faible ; il rôde autour de nous et, lorsqu’il a découvert l’endroit le plus faible, c’est par là qu’il nous attaque (Quatorzième règle du discernement des esprits, n. 327 des Exercices Spirituels).
C’est pourquoi il est aussi important de connaître nos points forts que nos points faibles. Ce sont les premiers, nos talents, qu’il faut développer, et les seconds, nos faiblesses, qu’il faut surveiller.
Pourquoi le Diable s’est-il attaqué à Jésus alors qu’il savait qu’il était le Fils de Dieu ? Il est malin, mais encore plus orgueilleux que malin, tellement orgueilleux qu’il ne peut pas croire qu’on puisse lui résister. Lâche, malin, orgueilleux. Tandis que les saints sont humbles, courageux, et souvent candides.
Sous quelle forme le Diable est-il apparu à Jésus ?
Le Diable est une créature spirituelle : il n’a pas de corps. Il est représenté au début de la Genèse sous la forme d’un serpent, symbole de ce qui est froid, fuyant, qui ondule et qui mord : il aime faire du mal. Dans l’épisode du démoniaque gérasénien, les démons qui infestent un pauvre homme, en si grand nombre qu’ils sont ‘Légion’, supplient Jésus venu délivrer cet homme de « leur permettre d’entrer dans des porcs » (Mc 5, 12). Pourquoi font-ils cette demande à Jésus ? Quel besoin ont-ils d’entrer dans d’autres créatures corporelles ?
La réponse est donnée quand le troupeau dans lequel ils trouvent refuge se précipite dans la mer et meurt : les cochons, pas les démons. le Diable et ses anges, les démons ont besoin de faire du mal aux autres créatures. Le vice est le mal qui devient un besoin.
A contrario la sainteté, c’est le besoin de faire du bien. C’est même l’honneur de l’être humain.
Chaque année nous avons aux deux premiers dimanches de Carême le même binôme Tentations – Transfiguration, qui ont trait l’un à l’honneur, l’autre à la gloire, conformément à ce que nous adorons en Dieu à la fin de la prière eucharistique : « A lui tout honneur et toute gloire ».
L’honneur de Jésus, après son baptême par Jean, fut de partir au combat. Contre le Diable, en dépassant les besoins de son corps, car le combat spirituel a forcément une implication physique et morale. Jésus livre ce combat pour nous avec la meilleure arme dont nous disposons : la Parole de Dieu que saint Paul, au chapitre 6 de la Lettre aux Ephésiens appelle « le casque du salut et le glaive de l’Esprit » (Eph 6, 17).
La liste complète comprend le ceinturon de la vérité, la cuirasse de la justice, les pieds chaussés de l’ardeur à annoncer l’Évangile de la paix et le bouclier de la foi.
Enfin que signifie la mention finale : « le diable s’éloigna de Jésus jusqu’au moment fixé » ?
C’est au moment de notre mort que le Diable viendra nous réclamer si nous ne sommes pas en paix avec Dieu et avec les autres. C’est la raison pour laquelle nous demandons à Marie de prier pour nous ‘maintenant et à l’heure de notre mort’.
C’est aussi la raison pour laquelle il est indispensable de célébrer des messes pour les défunts, surtout ceux qui n’allaient pas à la messe ! Pas seulement pour intercéder pour eux, demander le pardon de leurs péchés, mais pour ceux qui auront trop souvent succombé aux tentations, qui ne seront pas morts réconciliés avec Dieu et avec leurs proches, pour que leur âme ne succombe pas une dernière fois, qui serait définitive et irréversible, aux séductions du Diable. Le combat spirituel culmine à l’instant de notre mort !
Plusieurs fois par jour nous prions Dieu Notre Père de ne pas nous laisser entrer en tentation et de nous délivrer du Malin, le Diable, le Tentateur, l’Adversaire, le Diviseur, l’ennemi du genre humain : il est surtout, ainsi que le montre ce récit des tentations, le roi (le père) du mensonge. Champion pour emmêler le faux et le vrai.
C’est à cela que vous le reconnaîtrez : il déteste le Christ, par peur de la vérité.
Le combat spirituel commence par le refus du mensonge. Là où le serpent entre la tête, il entre et passe tout entier.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
Vous avez la possibilité de recevoir les homélies du Père Lancrey-Javal en remplissant ce formulaire