29ème dimanche du temps ordinaire - 20 octobre 2024

Mc 10, 35-45

 

‘Vous avez quel âge ?’ est une question qui peut être indiscrète et déplacée. Tandis que ‘Vous avez quel âge !’ est une lamentation adressée à des adultes dont le comportement n’est pas de leur âge ou de leur état de vie, ce qui n’interdit pas un minimum de fantaisie mais y fixe des limites.
Ce n’est pas un hasard si l’évangile de saint Matthieu attribue la demande de Jacques et Jean à leur maman : « La mère des fils de Zébédée s’approcha de Jésus avec ses fils Jacques et Jean, et elle se prosterna pour lui faire une demande. Jésus lui dit : « Que veux-tu ? » Elle répondit : « Ordonne que mes deux fils que voici siègent, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ton Royaume » (Mt 20, 20).
La suite est identique chez Matthieu et chez Marc. Jésus répond : « Vous ne savez pas ce que vous demandez ». Le propre des enfants est d’être ignorants, de bien des choses : leur rôle est d’apprendre, de grandir et de mûrir, grandir en taille et en maturité.

Qu’est-ce que la maturité ?

Elle n’est pas pour les êtres humains un processus naturel de vieillissement. Certains en font preuve très jeunes, d’autres jamais. La maturité n’est pas une question d’âge et l’âge est absent des évangiles. A quelques exceptions près, au début de l’évangile de saint Luc, pour la prophétesse Anne qui « était arrivée à l’âge de quatre-vingt-quatre ans » après s’être retrouvée veuve après 7 ans de mariage (Lc 2, 37), 84 ans sept fois douze, les douze ans de Jésus au recouvrement au Temple, les douze ans de la fille de Jaïre que Jésus ramène à la vie (Mc 5, 42), après avoir guéri une femme atteinte d’un flux de sang depuis douze ans.
Le chiffre est symbolique comme les trente ans (environ) de Jésus quand il commence sa vie publique (Lc 3, 23), en référence aux trente ans de David quand il devint roi (2 S 5, 4).

Quel âge avaient les disciples ? On l’ignore. On sait que Jacques et Jean, à la différence de Simon-Pierre et André, travaillaient avec leur père quand Jésus les a appelés (Mc 1, 20) : ils n’étaient pas encore partis de chez eux, et ils avaient beaucoup à apprendre de la vie en société. Ils n’avaient pas les codes : on ne demande pas au Fils de l’homme de siéger dans sa Gloire alors qu’il vient pour la 3ème fois d’annoncer sa Passion (Mc 10, 32-34) !

Les dix autres ne sont pas plus matures, qui réagissent à la demande des deux frères sans tenir compte de la réponse de Jésus. Parmi les caractéristiques de la maturité sont la capacité d’écoute et la maîtrise de soi (cf. Gal 5, 25).

Admirons le calme de Jésus. Sa patience.

Seigneur, j’adore ton calme.

La maturité est un mélange de sagesse et d’expérience.

Il faut les distinguer pour ne pas reprocher à quelqu’un son manque d’expérience quand il manque en réalité de sagesse. Le manque de sagesse, ne pas la chercher, est un péché, pas le manque d’expérience.

La sagesse est le seul antidote à la violence. La violence est une folie. Nous prions pour la paix mais nous ferions mieux d’enseigner la sagesse qui donne sens et valeur à l’expérience. L’expérience en soi ne suffit pas, comme Jésus le montre à ses disciples lors de la pêche miraculeuse, alors que lui-même est étranger à ce métier et qu’eux sont expérimentés.

Quand j’étais au Séminaire, un de nos professeurs avait été nommé évêque malgré son jeune âge et son manque d’expérience en paroisse, n’ayant jamais été curé. Un de nos camarades lui avait envoyé un message un brin insolent de félicitations avec la phrase de saint Paul : « Que personne ne méprise ta jeunesse » (1 Tim 4, 12), alors que c’est la suite qu’il faut lire :
« Au contraire, sois pour les croyants un modèle par ta parole et ta conduite, par ta charité, ta foi et ta pureté. En attendant que je vienne, applique-toi à lire l’Écriture aux fidèles, à les encourager et à les instruire ».
Autrement dit, prends appui sur la Parole de Dieu, garde le temps de prier.

Vous vous souvenez de la 1ère lecture de dimanche dernier ? « J’ai prié et la sagesse m’a été donnée » (Sg 7, 7).

Vous êtes-vous jamais demandé comment des personnes d’expérience, ayant eu une vie bien remplie, peuvent se comporter de façon insensée comme s’ils n’avaient rien retenu de ce qu’ils avaient vécu ? Ou à l’inverse, ce sont les grandes pages de l’histoire de la sainteté, comment de jeunes enfants peuvent être des modèles de sagesse comme le prophète Daniel dénonçant l’injuste condamnation de la malheureuse Suzanne (Dn 13, 48) ?

La sagesse est un don de l’Esprit-Saint, un trésor offert à tous, pour tout ce qui relève de la vie courante, que la connaissance de savoirs spécifiques et une expérience éprouvée viennent compléter pour ce qui est complexe et sort de l’ordinaire. La compétence s’acquiert par le travail, l’expérience dans l’humilité, et même l’humiliation de nos erreurs, pour autant qu’on ait la sagesse de les reconnaître et de s’en servir.

Est-ce, pour revenir à la demande des disciples, par manque de sagesse ou par manque d’expérience qu’ils imaginaient que le pouvoir, régner, puisse un jour les combler ?

L’exercice du pouvoir est une joie de courte durée, le temps d’y accéder, qui laisse très vite la place aux désillusions et aux difficultés. La vraie joie est celle du service et de la charité.

Le Seigneur lui ayant dit : «  Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse » (2 Co 12, 9), saint Paul répondit : « C’est très volontiers que je mettrai donc plutôt ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure ».

Il aurait pu dire : ‘afin que la sagesse du Christ fasse en moi sa demeure’, parce que le Christ est puissance et sagesse de Dieu (1 Co 1, 24).

Que la sagesse du Christ fasse en nous sa demeure et soit notre maturité.

Père Christian Lancrey-Javal, curé

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