Pour pouvoir se débarrasser de Jésus, le mettre à mort, parce qu’il gênait leurs affaires, les Pharisiens ont dû faire taire les opposants à l’interne, on le voit avec Nicodème, et s’allier à leurs ennemis de la veille, passer des accords politiques avec des adversaires, les Sadducéens, les Hérodiens, et aller jusqu’à se compromettre tous ensemble avec l’occupant romain. Ils ne constituaient pas en eux-mêmes une force suffisante de résistance au message du Christ. Ils ont donc été forcés de passer des alliances, au plus mauvais sens du terme.
Ils connaissaient pourtant cette mise en garde très imagée de l’Ecriture : « Tu ne laboureras pas avec un bœuf et un âne attelés ensemble » (Dt 22, 10). Saint Paul l’a reformulée de façon très explicite : « Ne formez pas d’attelage disparate » entre croyants et non-croyants, entre le juste et l’impie (2 Co 6, 14) : « Quel accord du Christ avec Satan ? Quel partage pour un croyant avec un non-croyant ? Quelle entente y a-t-il entre le sanctuaire de Dieu et les idoles ? »
« Sortez du milieu de ces gens-là, dit le Seigneur ; et moi je vous accueillerai : je serai pour vous un père, et vous serez pour moi des fils et des filles, dit le Seigneur de l’univers ».
Quelle était l’incompatibilité fondamentale entre le Christ et les Pharisiens ? Leur hypocrisie ? Leur légalisme ? Non : leur amour de l’argent. Quand Jésus a expliqué qu’on ne peut pas « servir à la fois Dieu et l’argent », les Pharisiens se sont moqués de lui parce qu’ils étaient amis de l’argent (Lc 16, 14), du pouvoir, du confort et de toutes les facilités qui vont avec.
Dans l’ordre humain marqué par le péché, les alliances visent le pouvoir. Pas l’unité, ni la sécurité : le pouvoir.
Dans l’ordre humain, l’alliance est un pacte intéressé, constitué par l’engagement que prend un puissant de protéger un plus faible en échange de son ralliement et de sa soumission. C’est ainsi qu’on a présenté, à tort, la Première Alliance comme un pacte de vassalité, en faisant de la Loi de Dieu une loi de servitude : le peuple d’Israël s’y serait engagé à servir le Seigneur en échange de sa protection, si le peuple lui restait fidèle.
Cette conception politique de l’Alliance, imposée par les dangers, est restée présente dans de nombreux esprits, jusque dans leur vision du mariage où l’homme serait chargé d’assurer protection à sa femme en échange de sa soumission.
Tel n’est pas la réalité du mariage que le Christ a élevé au rang de sacrement, où l’échange des consentements, rigoureusement identique pour l’homme et pour la femme, exprime leur parfaite égalité devant Dieu. Unis par Dieu, ils sont une seule chair, avec les mêmes droits, les mêmes devoirs, la même dignité. Vous voyez les progrès qu’il reste à faire !
Encore faut-il préciser que le mariage catholique n’est pas le sacrement de l’alliance, même si les fiancés en échangent le signe, se remettent une alliance l’un à l’autre au jour du mariage. Le sacrement de l’Alliance est le Baptême qui nous a plongés dans la mort et la résurrection du Christ, pour nous unir à Lui et pour que nous soyons par Lui unis les uns aux autres.
De même, si au jour du mariage nous reprenons la parole du Christ : « ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas », le mariage n’est pas non plus le sacrement de l’unité. Le sacrement de l’unité est la messe, l’Eucharistie, le mémorial de notre rédemption par laquelle nous nous unissons à Dieu, pour vivre cette unité entre nous.
Et le 3ème sacrement trinitaire, après le Baptême, notre lien au Père, l’Eucharistie, notre union au Christ, est la Confirmation, le don de l’Esprit, qui est le sacrement de la prière, la prière comme alliance.
C’est ainsi que le Catéchisme définit la prière comme « une relation d’Alliance entre Dieu et l’homme dans le Christ » (CEC 2564). Cette alliance a deux caractéristiques : elle est une pure initiative souveraine de Dieu. Et elle est l’expression de son amour, une alliance amoureuse.
Chaque fois que nous allons prier, nous répondons à l’appel de Dieu qui est toujours premier : « Dieu nous a aimés le premier » (1 Jn 4, 19). Commençons par l’écouter. La prière est alliance parce que la prière est réponse. Nos demandes pour être exaucées supposent que nous sachions ce que Dieu attend de nous.
C’est pourquoi il est bon, disons préférable d’entrer dans la prière avec un texte de l’Ecriture. Bien sûr nous sommes parfois tellement bouleversés que nous déversons dans la prière ce que nous avons sur le cœur. Dieu le Père de toutes miséricordes est comme une mère qui écoute ses enfants de retour de l’école, qui lui racontent ce qu’ils ont découvert.
Lorsqu’aux premiers temps de la Création, c’est le récit que nous avons en 1ère lecture, Dieu dit qu’il n’est pas bon que l’homme soit seul, cela s’entend de la prière : il n’est pas bon que l’homme ne porte que ses seules demandes dans la prière sans faire siens les cris de ses frères.
L’alliance « nouvelle et éternelle » que nous allons célébrer a été conclue dans le sang du Christ, par son cœur transpercé, pour que nous apprenions à ouvrir notre cœur aux dimensions du monde et d’abord à l’amour de notre Père du Ciel.
Notre mission est d’être fidèles à son alliance, c’est-à-dire à son amour, dans la prière.
J’aime le Seigneur : Il entend le cri de ma prière – dit un Psaume (114) qui se conclut ainsi :
Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants.
La prière comme alliance.
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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