Il y a ceci de remarquable dans l’évangile qu’il y a trois récits de résurrection et qu’à la différence de la Résurrection du Christ, ce sont des événements publics.
Publics et familiaux, puisque le plus connu, celui de Lazare, propre à l’évangile de saint Jean, concerne le frère de Marthe et Marie ; celui que racontent les trois évangiles de Matthieu (9, 18), Marc (5, 21) et Luc (8, 40), est le retour à la vie d’une enfant, la fille de Jaïre, un chef de synagogue (il a ceci de particulier que ce récit est enchâssé avec la guérison d’une femme ‘hémorroïsse’ atteinte d’un flux de sang) ; le troisième, propre à l’évangile de Luc (Lc 7, 11), est la restitution d’un fils à sa mère dans une ville appelée Naïn. Un frère, une fille, un fils, trois événement familiaux, mais surtout trois événements publics, avec beaucoup de monde, tandis que personne n’a assisté à la Résurrection du Christ.
Et depuis, plus besoin qu’ils soient publics, puisque c’est notre foi en la résurrection qui est la condition de notre propre résurrection. Sachant qu’au soir de notre vie nous serons jugés sur l’amour.
Comment se fait le passage de l’un à l’autre ? De la foi à la charité, et de la charité à la foi ?
De façon ‘verticale’ puisque la plus grande c’est la charité, dit saint Paul. Ce qui ne signifie pas, comme on le laisse entendre aujourd’hui, que la foi soit secondaire. Quand saint Paul dit : « j’aurais beau avoir toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien » – c’est pour ajouter immédiatement après : « J’aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés » comprenez : avoir toute la générosité du monde, « j’aurais beau me faire brûler vif », me sacrifier totalement, « s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien ». Oui, on peut être généreux sans avoir la charité ! Cela s’appelle la générosité sélective, conditionnelle, intéressée. Oui, on peut se sacrifier sans aimer.
Quel est donc l’amour qu’il manque, pour reprendre l’expression de saint Paul : « s’il me manque l’amour ».
Cet Amour c’est Dieu lui-même. Notre relation personnelle à Dieu : voilà pourquoi on peut « être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, avoir toute la foi jusqu’à transporter les montagnes », et ne pas avoir l’amour qui est la rencontre personnelle de Jésus-Christ.
Elle se vit dans les sacrements de l’Eglise et dans l’amour des pauvres, l’attention aux plus petits de nos frères.
Le premier acte de Jésus, au début de sa vie publique, dans l’évangile de saint Luc, est d’aller à la synagogue, à participer à la prière commune, à se mettre lui-même, humblement, à l’écoute de la Parole de Dieu, déroulant un rouleau du livre d’Isaïe. Son premier acte est un acte de foi, de pratique religieuse.
Voyez ce qui se passe pour l’un des premiers miracles de Jésus dans l’évangile de saint Marc (Mc 2, 1-12) : « Quelques jours plus tard, Jésus revint à Capharnaüm, et l’on apprit qu’il était à la maison. Tant de monde s’y rassembla qu’il n’y avait plus de place, pas même devant la porte, et il leur annonçait la Parole. Arrivent des gens qui lui amènent un paralysé, porté par quatre hommes. Comme ils ne peuvent l’approcher à cause de la foule, ils découvrent le toit au-dessus de lui, ils font une ouverture, et descendent le brancard sur lequel était couché le paralysé. Voyant leur foi, Jésus dit au paralysé : « Mon enfant, tes péchés sont pardonnés. »
Voyant leur foi.
Nous sommes sauvés par la foi des autres. A chaque messe, nous reprenons l’acte de foi du centurion : le récit montre très clairement comment il y est arrivé, comment il avait « entendu parler de Jésus », et c’est pourquoi « il lui envoya des notables juifs pour lui demander de venir sauver son esclave. Arrivés près de Jésus, ceux-ci le suppliaient instamment : « Il mérite que tu lui accordes cela. Il aime notre nation : c’est lui qui nous a construit la synagogue » (Lc 7, 3-5). Et quand Jésus, à la fin, fut en admiration et dit à la foule qui le suivait : « Je vous le déclare, même en Israël, je n’ai pas trouvé une telle foi ! », de quelle foi parle-t-il sinon de celle qui vient de ceux que cet homme a rencontrés, qu’il a envoyés, qui ont intercédé pour lui.
Qui intercèdera pour nous ?
Je vous ai dit que les résurrections des évangiles, ces trois retours à la vie se font en présence d’une foule nombreuse, que Jésus doit d’ailleurs écarter pour la fille de Jaïre, parce qu’ils se moquent de lui quand il dit qu’elle dort.
Comme Jésus se heurte également à l’incrédulité, l’incompréhension et l’inquiétude des disciples quand il dit qu’il va réveiller Lazare : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais aller le tirer de ce sommeil » (Jn 11, 11). Les disciples lui disent alors : « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. » Jésus avait parlé de la mort ; eux pensaient qu’il parlait du repos du sommeil. Alors il leur dit ouvertement : « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! » (Jn 11, 12-15).
Il faut entendre cela : Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, « pour que vous croyiez ». Pour votre foi, non pas personnelle, au sens de vos intérêts propres, mais pour que la foi de l’Eglise soit une source de Salut.
A chaque fois, il s’adresse au mort, il interpelle le défunt. Avec la jeune fille, il lui saisit la main et dit d’une voix forte : « Mon enfant, éveille-toi ! » (Lc 8, 54), comme il lance : « Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi », comme il criera : « Lazare, viens dehors ! ». Jésus appelle, et l’homme obéit. Pourquoi ? Pourquoi la personne obéit-elle ? Pour la même raison que le centurion romain met sa confiance en Jésus : parce qu’il a entendu parler de lui. Le Christ veut que nous soyons unis les uns aux autres pour être unis à Lui.
Quand nous prions pour nos défunts, « par Jésus le Christ notre Seigneur », nous demandons au Christ Jésus de les conduire à son Père dans la plénitude de l’Amour. C’est le Christ qui conduit au Père, mais nous, qui nous amènera à Jésus ?
Père Christian Lancrey-Javal, curé
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